La nomination de l’ancien ministre des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif au poste de conseiller aux affaires stratégiques du président du régime Masoud Pezeshkian continue de déclencher une tempête politique, révélant de profondes fractures au sein du système au pouvoir en Iran. La controverse entourant le rôle de Zarif souligne non seulement un différend juridique mais une lutte de pouvoir plus large, révélant l’instabilité systémique du régime clérical.
Au cœur du conflit se trouve une loi de 2021 interdisant aux personnes dont le conjoint ou les enfants ont la double nationalité d’occuper des postes gouvernementaux sensibles. Les enfants de Zarif, qui ont la nationalité américaine, font de sa nomination une violation directe de cette législation. Les députés proches du Guide suprême du régime, Ali Khamenei, se sont emparés de cette question, amplifiant les appels à la destitution de Zarif et alimentant une crise politique plus large.
L’ambiguïté de Khamenei : approbation tacite ou manœuvre tactique ?
La controverse s’est intensifiée après que Mehdi Fazaeli, membre du bureau de Khamenei pour la « préservation et la publication des œuvres », a déclaré le 22 novembre que le Guide suprême soutenait la modification de la loi sur la double nationalité, autorisant l’administration à relayer cette position au Parlement. Cette déclaration a été renforcée par les remarques antérieures du chef adjoint des affaires juridiques, Majid Ansari, selon lesquelles Khamenei considérait que cette restriction privait le régime d’individus qualifiés.
Cependant, le président du Parlement, Mohammad Bagher Ghalibaf, a fait monter les tensions en déclarant la nomination de Zarif « illégale » lors d’une session houleuse le 27 novembre. « Selon la loi, cette nomination est une violation, et le Parlement engagera des poursuites judiciaires », a affirmé Ghalibaf. Malgré l’approbation présumée des amendements juridiques, le bureau de Khamenei n’a ni confirmé ni démenti ces déclarations, laissant place aux spéculations selon lesquelles le Guide pourrait tester les réactions ou atténuer les luttes intestines croissantes.
La démission et la reconduction de Zarif : un symbole du chaos
En août 2024, Zarif a d’abord démissionné sous la pression, invoquant la controverse sur la double nationalité de ses enfants. Sa démission, cependant, a été de courte durée. Début septembre, Zarif a repris son rôle après avoir assisté à une réunion de haut niveau avec Khamenei et aurait reçu le soutien de Pezeshkian. Ce revirement a suscité des critiques, beaucoup considérant la réhabilitation politique de Zarif comme emblématique du désarroi du régime et des luttes intestines entre factions.
Les tensions ont atteint un point d’ébullition lorsque le député extrémiste Hamid Rasaee a accusé Zarif de « se moquer » du Parlement. « Zarif s’est moqué du Parlement et a dit : « Vont-ils me destituer ? » De qui se moque-t-il : de nous ou de la loi ? » Rasaee a exigé le recours à l’article 234, qui pourrait imposer la responsabilité légale en l’absence de Zarif.
Les tentatives antérieures de Rasaee pour affaiblir Zarif lors des sessions parlementaires ont souvent donné lieu à des affrontements verbaux, le président du Parlement Ghalibaf intervenant pour servir de médiateur. Cependant, le 27 novembre, Ghalibaf a pris une position décisive, faisant écho aux préoccupations de Rasaee et déclarant : « Cette nomination est sans aucun doute illégale. Le gouvernement doit régler ce problème et le Parlement n’hésitera pas à agir. »
D’autres députés ont cependant exprimé leur frustration face à l’attention incessante portée à Zarif. Ahmad Bigdeli a fait remarquer avec sarcasme : « Pourquoi ne pas simplement expulser Zarif du pays ou l’exécuter pour que vous puissiez dormir tranquille ? » Ses commentaires soulignent l’animosité personnelle qui motive de nombreuses attaques.
Shahram Dabiri, agent de liaison parlementaire pour l’administration de Pezeshkian, a précisé que les amendements proposés visent à limiter l’application de la loi uniquement à l’individu en question, et non aux membres de sa famille. « Cette proposition ne concerne pas seulement Zarif », a souligné Dabiri, ajoutant que l’administration reste liée par les décisions du Parlement.
Le débat sur la double nationalité : des implications plus larges
La loi sur la double nationalité, promulguée en 2021 sous la présidence d’Ebrahim Raisi, était à l’origine conçue pour consolider le contrôle de la faction liée à Khamenei en purgeant les factions rivales du pouvoir. Ironiquement, elle est désormais devenue une arme à double tranchant, menaçant toutes les factions au sein du régime, car de nombreux responsables ont eux-mêmes la double nationalité ou ont des enfants vivant dans le luxe à l’étranger. Les critiques affirment que l’assouplissement de la loi pourrait créer un précédent dangereux, tandis que les partisans affirment que la restriction exclut injustement les personnes qualifiées.
Notamment, Mohammad-Mehdi Shahriari, un autre député, a souligné qu’en vertu de la loi actuelle, même Zainab Soleimani, fille de Qassem Soleimani, pourrait être exclue des rôles sensibles en raison de la nationalité étrangère de son mari. Cette incohérence souligne encore davantage la nature problématique de la loi et sa vulnérabilité à l’interprétation des factions.
La controverse autour de Zarif illustre un régime déchiré par des rivalités internes. Bien que présentée comme un conflit juridique, la crise est un substitut aux luttes de pouvoir entre factions concurrentes. Le feu vert de Khamenei à la modification de la loi pourrait être une tentative d’équilibrer ces tensions ou de détourner l’attention de troubles plus larges. Cependant, son silence n’a fait qu’aggraver le chaos.
La nomination de Zarif au poste de conseiller aux affaires stratégiques aurait été approuvée par Khamenei, peut-être dans le cadre d’une stratégie plus vaste visant à tromper les opposants occidentaux ou à poursuivre des calculs à long terme. Cependant, cette décision s’est retournée contre lui, transformant Zarif en paratonnerre pour les conflits internes et intensifiant les rivalités entre factions.
Cet épisode souligne l’instabilité croissante du régime, car ceux qui ont le plus contribué à sa survie – comme Zarif – risquent désormais d’être sacrifiés. La controverse sur la double nationalité, autrefois un outil pour purger les rivaux, menace désormais le cercle intime du régime, révélant la fragilité de ses fondements. Quoi qu’il se passe dans les couloirs opaques du pouvoir à Téhéran, cela reflète un régime aux prises avec une agitation intérieure croissante et un isolement international.