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Iran : Comment le régime iranien utilise la diplomatie pour gagner du temps

Iran : Comment le régime iranien utilise la diplomatie pour gagner du temps
Une délégation du régime iranien en consultation lors des négociations sur le nucléaire à Oman, le 12 avril 2025

À première vue, les récents reportages parus dans les médias d’État iraniens suggèrent un revirement surprenant : feu vert aux investissements étrangers, ouvertures aux capitaux américains et spéculations sur des ouvertures discrètes au président américain Donald Trump. Un article, publié le 16 avril dans Jahan-e Sanat, affirme même que le régime iranien a présenté des projets d’investissement d’une valeur de 2 000 milliards de dollars, dont la moitié est destinée à la participation américaine.

Mais sous les gros titres se cache une tendance familière. Malgré le discours économique et l’ouverture soudaine au dialogue, la stratégie du régime clérical reste inchangée. Il ne se détourne pas de son idéologie ; il cherche simplement à gagner du temps. L’objectif n’est ni la réforme ni la réintégration, mais la temporisation, la diversion et la limitation des dégâts.

Un mirage stratégique
L’article, rédigé par l’économiste Mahmoud Jamsaz, décrit deux scénarios possibles derrière cette apparente ouverture économique : soit le régime opère un changement stratégique et abandonne véritablement sa rigidité idéologique, soit, plus vraisemblablement, il exécute une nouvelle manœuvre tactique, à l’image de la soi-disant « flexibilité héroïque » observée lors des négociations nucléaires initiales en 2013.

Jamsaz l’exprime sans détour : « S’agit-il d’un changement de paradigme idéologique ou simplement d’une tactique temporaire pour surmonter la crise interne, l’effondrement économique et la montée des troubles sociaux ?»

Sa réponse est fortement implicite dans le ton qui suit. Il se demande si le régime, bâti sur 46 ans d’idéologie antiaméricaine, est réellement capable d’abandonner ses principes fondateurs, ou s’il s’agit simplement d’une manœuvre élaborée visant à alléger la pression internationale tout en désamorçant les tensions intérieures.

La carte économique — pas celle du nucléaire
Ce qui distingue cette récente manœuvre, c’est le langage utilisé. Plutôt que d’invoquer des centrifugeuses ou un allègement des sanctions, le régime présente désormais sa capacité économique comme son nouvel argument de négociation. Selon l’article, la véritable puissance de l’Iran ne réside pas dans ses missiles ou son uranium, mais dans sa géographie, ses ressources naturelles et son capital humain.

Il s’agit là aussi d’un stratagème.

Comme le note Jamsaz : « L’Iran a le potentiel de devenir le Japon ou la Corée du Sud du Moyen-Orient, non pas avec des bombes, mais avec des banques, des ports et un marché dynamique. Pourtant, ce potentiel a longtemps été sacrifié sur l’autel du dogme idéologique.»

Ce changement soudain de ton — de « Mort à l’Amérique » à des arguments d’investissement — soulève une question plus profonde : le régime est-il réellement prêt à changer de cap ? Ou s’agit-il encore une fois de feindre le pragmatisme pour éviter de rendre des comptes ?

La négociation comme bouclier, pas comme passerelle
L’analyse montre clairement qu’il ne s’agit pas d’un véritable rapprochement. Elle décrit plutôt un objectif bien plus cynique : « Un changement tactique visant à neutraliser la pression internationale, à réduire le risque de conflit militaire, à réintégrer un accord de type JCPOA et, surtout, à gagner du temps pour reconstruire la capacité nucléaire et stabiliser les troubles internes.»

Dans cette interprétation, la diplomatie n’est pas une passerelle vers la réforme, mais un bouclier, utilisé pour temporiser, détourner l’attention et se regrouper.

Cela est renforcé par l’avertissement final de l’article : même si les dirigeants du régime font preuve d’une ouverture temporaire, la structure profonde de la République islamique reste idéologiquement ancrée. Nombre de ses dirigeants religieux, des élites des Gardiens de la révolution et de ses loyalistes endoctrinés interprètent encore tout investissement étranger, notamment américain, comme un acte d’« infiltration », de « subversion culturelle » ou d’« espionnage économique ».

En d’autres termes, même un clin d’œil tactique à l’engagement est politiquement radioactif au sein même du système.

L’illusion de la flexibilité
Jamsaz exprime ce que beaucoup d’Iraniens comprennent déjà : la véritable crise du régime n’est pas économique, mais existentielle. La République islamique est prisonnière d’une contradiction qu’elle a elle-même créée. Pour survivre économiquement, elle doit s’ouvrir. Mais pour préserver son identité idéologique, elle doit rester fermée.

Pris entre ces deux impératifs, le régime recourt à sa vieille ruse : faire semblant de faire des compromis, mais ne jamais changer. Parler de paix tout en se préparant à la confrontation. Prêcher la réforme tout en écrasant la dissidence. Accueillir les investisseurs tout en emprisonnant les critiques.

Les gestes diplomatiques limités du régime ne sont pas des signes de transformation. Ils sont la dernière itération d’une stratégie de survie qui a toujours reposé sur la tromperie, les atermoiements et la gestion des contradictions.

Parler moins, regarder plus
Pour les observateurs internationaux, ce moment appelle la prudence, et non la célébration. Lorsque les journaux proches du régime débattent ouvertement de la possibilité de négocier avec des personnages autrefois qualifiés de « Grand Satan », on pourrait y voir un signe d’espoir. Mais les faits sont tout autres.

Le régime iranien ne fait pas preuve d’ouverture, mais de désespoir. Et comme il l’a fait à maintes reprises, il utilise les négociations non pas pour changer de cap, mais pour gagner du temps, calmer les esprits et résister à la pression.

Toute future diplomatie avec Téhéran doit partir de cette réalité : le régime ne négocie pas pour résoudre les problèmes, il négocie pour y survivre.