
Face à une population de plus en plus agitée en raison de la dégradation de la situation économique et d’une mauvaise gestion systémique, les responsables iraniens recourent à une stratégie familière : imputer la responsabilité de l’état explosif de la société iranienne à des ennemis extérieurs et à des complots élaborés.
Leurs propos trahissent cependant une profonde inquiétude quant au risque de manifestations généralisées et à la responsabilité du régime dans la création des conditions propices à un soulèvement.
Le CGRI pointe les « problèmes économiques » comme nouveau « modèle de renversement »
Le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) a ouvertement reconnu un changement dans ce qu’il perçoit comme la stratégie de ses opposants. Mehdi Sayari, chef adjoint du service de renseignement du CGRI, a récemment affirmé que ceux qui cherchent à renverser le régime ont « changé le modèle de renversement ».
Selon Sayari, ces adversaires « créent désormais des problèmes économiques pour semer le désespoir au niveau de la société ». Il a précisé que « l’image des adversaires dans le cyberespace est l’effondrement de l’Iran, et dans ce débat, ils se concentrent sur l’inefficacité du système pour détruire l’espoir des citoyens dans la société ».
Sayari a ajouté : « Pour atteindre cet objectif, ils doivent bénéficier de la participation du public ; par conséquent, ils ont créé des problèmes économiques pour semer le désespoir au niveau de la société. » Cet aveu est révélateur. Il indique que le régime est pleinement conscient que la situation économique désastreuse, caractérisée par une inflation galopante, un chômage et un effondrement monétaire, est le principal aliment du mécontentement populaire.
En présentant les difficultés économiques comme un complot fomenté de l’extérieur, le CGRI tente de détourner la responsabilité de la corruption chronique et des politiques économiques désastreuses du régime, qui ont appauvri des millions d’Iraniens. La peur est palpable : le régime comprend que le désespoir économique peut se traduire, et se traduira probablement, par une mobilisation de masse.
Défaillances des services de base ? Accuser « l’ennemi »
Ce discours de blâme externe s’étend au-delà des grandes stratégies économiques et s’étend aux difficultés quotidiennes des Iraniens ordinaires. Mohammad Mehdi Hosseini Hamedani, représentant du Guide suprême du régime, Ali Khamenei, dans la province d’Alborz, a déclaré : « Aujourd’hui, l’ennemi utilise les pénuries d’eau et les coupures de courant comme prétexte pour monter la population les unes contre les autres et contre le gouvernement. » Il a poursuivi en affirmant : « Ils utilisent la pénurie d’eau et le problème d’électricité, dont l’origine est eux-mêmes [l’ennemi] et leurs sanctions, comme prétexte pour créer une dichotomie. »
Ces déclarations constituent une tentative évidente d’exonérer le régime de toute responsabilité quant à la dégradation des infrastructures et à son incapacité à fournir les produits de première nécessité. Alors que des responsables iraniens, comme le ministre du Pétrole Mohsen Paknejad, qualifient d’« hiver difficile » les centrales électriques fonctionnant à « moins de 30 % d’efficacité », et que des pannes d’électricité généralisées ont commencé à un rythme inhabituellement précoce au milieu du printemps 2025, le régime se démène pour trouver des boucs émissaires. Plutôt que de s’attaquer à des décennies de sous-investissement et de mauvaise gestion, comme les 250 à 280 milliards de dollars nécessaires au seul secteur gazier pour revenir à la normale, des responsables comme Hamedani pointent du doigt l’extérieur. Cette dérobade souligne leur crainte que la patience de la population ne s’épuise et que des difficultés concrètes comme les coupures de courant et la pénurie d’eau ne deviennent facilement des points de friction pour une colère généralisée.
L’écran de fumée de la « guerre hybride » pour la dissidence
L’arsenal d’excuses du régime culmine avec le concept de « guerre hybride ». Sayari, du CGRI, a affirmé : « Le modèle de renversement de l’ennemi en Iran a changé, mais l’objectif reste le même ; aujourd’hui, le modèle de renversement est basé sur la guerre hybride, et l’ennemi s’est concentré sur la religion du peuple et a fait de la destruction de la religion sa priorité absolue. »
Ce discours de « guerre hybride » sert de fourre-tout pratique pour délégitimer toute forme de dissidence, qu’il s’agisse de protestations contre la situation économique, d’appels aux libertés sociales ou de critiques des politiques oppressives du régime. En présentant le mécontentement interne comme une attaque orchestrée contre les fondements religieux et culturels de la nation, le régime tente de rallier sa base en déclin et de justifier une répression accrue.
Cependant, cette rhétorique révèle également une insécurité fondamentale : la crainte que son emprise idéologique s’affaiblisse et que le peuple iranien perce de plus en plus la façade. L’accent mis sur la « destruction de la religion » est particulièrement révélateur d’un régime qui a longtemps utilisé le dogme religieux pour se maintenir au pouvoir et qui craint désormais de perdre ce levier crucial de Contrôle.
Un régime hanté par ses propres échecs
Les déclarations de plus en plus frénétiques de responsables du régime iranien comme Sayari et Hamedani ne témoignent pas de force, mais d’une profonde faiblesse et d’une peur profonde. Leurs théories élaborées sur les « modèles de renversement modifiés », les « prétextes ennemis » pour justifier les défaillances des services de base et la « guerre hybride » ciblant la religion sont des tentatives désespérées de masquer leurs propres échecs catastrophiques en matière de gouvernance.
En reconnaissant que les « problèmes économiques » peuvent « semer le désespoir » et susciter des appels au « renversement », le régime reconnaît implicitement sa propre culpabilité dans la création d’une société au bord du gouffre.
Rejeter constamment la faute sur des ennemis extérieurs est une reconnaissance tacite que le peuple iranien a de nombreuses raisons d’être exaspéré par la corruption, l’incompétence et la répression. Ces responsables ne se contentent pas d’analyser les menaces extérieures ; ils projettent leurs propres craintes face à une population qui a trop souffert et qui est de moins en moins disposée à tolérer un système sans espoir d’avenir. Le régime sait que la société iranienne est une poudrière explosive, et sa propre rhétorique révèle qui, selon lui, détient réellement l’allumette : le peuple iranien.