lundi, juin 23, 2025
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La « gestion de proximité » en Iran : un masque pour une répression militarisée

La « gestion de proximité » en Iran : un masque pour une répression militarisée

Dans une vaste initiative visant à renforcer son emprise sur la société, le régime clérical iranien a étendu son initiative dite de « gestion de proximité », un programme qui se révèle de plus en plus être une infrastructure sophistiquée de sécurité et de surveillance se faisant passer pour une réforme sociale. Loin de s’attaquer aux causes profondes du mécontentement populaire, cette initiative cherche à le réprimer.

En réponse à la résistance croissante des prisonniers politiques, notamment dans le cadre de la campagne des mardis « Non aux exécutions », et face à l’escalade des manifestations, le régime a lancé une nouvelle branche répressive appelée « Opération Troubles ». Cette nouvelle opération, dont le siège se trouve dans les mosquées de Téhéran, a été annoncée par Ehsan Mousavi, chef religieux du régime et adjoint culturel du Centre pour les affaires des mosquées.

Selon Mousavi, l’opération est mise en œuvre en coordination avec le Corps Mohammad du CGRI et vise à réactiver 1 200 mosquées dans la province de Téhéran d’ici un an. Si les responsables affirment qu’elle s’inscrit dans le cadre de la revitalisation des « mosquées inactives », la structure du programme révèle son véritable objectif : créer un réseau décentralisé pour surveiller, intimider et réprimer la dissidence au niveau local.

Des réunions hebdomadaires, organisées tous les mardis après la prière du matin, rassembleront des responsables locaux, des représentants du CGRI, des forces Basij, des autorités municipales, des forces de l’ordre et même des représentants du ministère de l’Éducation et des Sports. Cette fusion des organismes militaires et civils met en évidence une tendance inquiétante : la militarisation de la vie quotidienne.

La réunion du 3 juin : un aperçu des coulisses
Le 2 juin 2025, les médias d’État du régime ont annoncé la création d’une réunion de « revue de gestion de quartier », la présentant comme une étape vers « la réduction des inégalités, la promotion du capital social et le renforcement de la résilience ». Mais les personnalités présentes ont raconté une autre histoire.

Parmi les participants figuraient :

  • Le président du régime, Masoud Pezeshkian,
  • le commandant en chef du CGRI, Hossein Salami,
  • le ministre de l’Intérieur, Eskandar Mo’meni,
  • le ministre de la Culture et de l’Orientation islamique, Abbas Salehi,
  • de hauts commandants des Bassidjis.

La présence de ces agents de sécurité et de l’idéologie suggère que la vision du régime du « capital social » repose sur le contrôle, et non sur la communauté. L’absence des ministres chargés de l’Économie, du Travail ou de la Protection sociale, acteurs clés de tout véritable effort de développement social, était flagrante et révélatrice.

Une gouvernance militarisée déguisée en développement communautaire
Dans la théorie de la gouvernance, la réduction des inégalités passe par des réformes socio-économiques ; la promotion du capital social exige la confiance et un engagement civique volontaire. Mais dans la version du régime clérical, ces objectifs ne sont pas poursuivis par les travailleurs sociaux ou les planificateurs économiques, mais par le CGRI et les Bassidj, des entités paramilitaires longtemps associées à la surveillance, à la répression et à la coercition.

Hossein Salami a révélé que 64 000 bases Bassidj sont prêtes à mettre en œuvre le plan. Son annonce a été reprise par le chef des Bassidj, qui a parlé de 30 000 conseils de développement de quartier chargés d’« identifier les besoins et les capacités ». Mais ces euphémismes occultent l’objectif principal du programme : la surveillance.

La chaîne de télévision d’État Khabar Network a confirmé la véritable nature du projet, le décrivant comme « une nouvelle approche de la gouvernance locale centrée sur les Bassidj » qui empêche la « dispersion » – un choix de mot évoquant un contrôle centralisé, et non une autonomisation.

Un modèle de répression familier
Les Iraniens ne sont pas étrangers à ces tactiques. Des unités de « mobilisation étudiante » dans les écoles aux « cercles idéologiques et politiques », le régime a depuis longtemps implanté ses services de sécurité dans les institutions. Ces initiatives ont soumis des générations à l’endoctrinement, à la surveillance, aux arrestations arbitraires et, dans de nombreux cas, à la violence cautionnée par l’État.

Le plan de « Gestion par quartier » suit la même trajectoire, mais à plus grande échelle. Son objectif est de transformer les villes iraniennes en miradors, où chaque quartier deviendra une cellule de surveillance et où tout acte de dissidence sera rapidement neutralisé.

Surveillance aérienne : étendre le filet de sécurité
Parallèlement, la municipalité de Téhéran a annoncé un plan de surveillance aérienne de l’espace aérien de la capitale, une nouvelle intensification de la surveillance nationale. Ce plan, développé en partenariat avec l’Université Imam Hossein (une institution affiliée au CGRI), comprend une surveillance par satellite et par drone pour surveiller les 5 980 kilomètres de frontière de la ville.

Le maire de Téhéran, Alireza Zakani, a décrit ce projet comme une étape vers la « prévention des problèmes de sécurité et de la corruption ». Hamidreza Saremi, maire adjoint, a confirmé que le système surveillerait en permanence Téhéran en utilisant des « technologies modernes », tandis que le président de l’université, Hassani Ahangar, a précisé que des drones et des plateformes satellites couvriraient la zone depuis le Mou d’Alborz.

Cette mesure sans précédent place de fait la ville entière sous surveillance militaire, sous le contrôle total des institutions liées au CGRI.

Pas de gouvernance, mais d’occupation
Le régime présente ces efforts comme faisant partie d’une stratégie nationale visant à promouvoir la cohésion et le bien-être social. En réalité, ils reflètent une profonde crainte de troubles sociaux. Le mécontentement généralisé, alimenté par des inégalités économiques accablantes et une répression politique implacable, continue d’alimenter les manifestations et la désobéissance civile.

Plutôt que de s’attaquer aux causes profondes de ces troubles, le régime resserre son emprise. Tout comme l’application des lois sur le hijab obligatoire a eu l’effet inverse et a intensifié l’indignation publique, la militarisation des quartiers et de l’espace aérien risque d’aliéner davantage les populations que le régime cherche à dominer.

Il ne s’agit pas de gouvernance, mais d’occupation. Et le peuple iranien, qui a subi des décennies de programmes similaires, le reconnaît pour ce qu’il est. Il perçoit au-delà de la rhétorique de la « prestation de services » et du « capital social ». Ils savent que le véritable objectif est le contrôle.

Il reste à voir si ce nouveau système de répression parviendra à réprimer la dissidence ou, au contraire, à catalyser une résistance accrue. Mais l’histoire montre que la répression ne peut acheter la légitimité. Et aucune surveillance, quelle qu’elle soit, ne peut étouffer le désir de liberté.