
Ce rassemblement était annoncé comme un moment historique : une manifestation de masse à Washington, où les monarchistes iraniens allaient rallier le soutien au retour de la dynastie Pahlavi. Promu pendant des mois par des déclarations fracassantes et un soutien logistique – y compris des offres de voyages rémunérés –, les organisateurs espéraient que ce rassemblement marquerait un tournant dans la lutte contre la République islamique. Au lieu de cela, il s’est déroulé le portrait lamentable d’un mouvement à la dérive : peu nombreux, politiquement décousu et criblé de contradictions.
Avec quelques centaines de participants malgré la mobilisation d’une diaspora estimée à plusieurs centaines de milliers de personnes sur la côte est des États-Unis, le rassemblement du 13 avril est rapidement devenu un cas d’école d’erreur politique.
Un rassemblement sans peuple
L’incapacité des partisans de Pahlavi à attirer ne serait-ce qu’une fraction de la communauté irano-américaine de Washington, de Virginie et du Maryland était particulièrement accablante. Les organisateurs ont avoué leur déception. « Nous n’avons ménagé aucun effort pendant deux mois », a déploré une figure monarchiste. « Des chaînes de télévision aux réseaux sociaux, des tabloïds londoniens aux chaînes satellites, nous étions partout. Pourtant, presque personne n’est venu. »
#Iran News: State-Run Newspaper Says Reza Pahlavi and Monarchists Have Served Clerical Regimehttps://t.co/iey2VpMKXU
— NCRI-FAC (@iran_policy) 8 avril 2025
Mais les chiffres ne sont qu’une partie de l’histoire. Plus révélateurs encore étaient le contenu et le ton du rassemblement, qui privilégiait les attaques contre l’opposition organisée – en particulier l’Organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI) – au détriment de toute vision cohérente de l’avenir de l’Iran. Dans un geste qui a stupéfié même les critiques de la monarchie, les intervenants ont consacré une grande partie de leur temps à faire pression contre l’OMPI.
Aux yeux de nombreux Iraniens, cette obsession mal placée confirmait l’inutilité, voire la complicité, des monarchistes. « Comment un groupe peut-il prétendre s’opposer à la dictature tout en dépensant son énergie à attaquer ceux qui lui résistent activement ? » a écrit un militant de premier plan sur X. « On vous a donné une tribune et vous avez choisi d’interpréter le scénario du régime. »
Quémander une reconnaissance, sans en recevoir
Les ambitions politiques du rassemblement ont également échoué. Les organisateurs avaient exercé une forte pression pour que des personnalités politiques américaines de premier plan soient présentes ou envoient des messages de soutien, notamment du Parti républicain et d’anciens responsables de l’administration Trump. Aucune ne s’est présentée. Pas un seul membre du Congrès américain n’a comparu. L’absence était flagrante et a renforcé une vérité plus vaste : les monarchistes iraniens dominent peut-être encore certaines chaînes satellite, mais ils n’ont aucun poids significatif dans les capitales occidentales ni sur le terrain en Iran.
In his litany of lies against Iran’s principal opposition group, like other Tehran pundits and “friendly journalists,” Reza Pahlavi relied on sources like the regime’s state media and officials to accuse the MEK #No2ShahNo2Mullahs https://t.co/uxbVX65FgO
— NCRI-FAC (@iran_policy) 7 mars 2023
Pourtant, la résolution officielle du rassemblement ne laissait transparaître aucune trace d’humilité. Elle déclarait, sans ironie, que « le peuple iranien exige unanimement la restauration de la monarchie Pahlavi », appelait à « accorder la pleine autorité diplomatique » à Reza Pahlavi comme chef d’État iranien et exhortait les États-Unis à « remettre l’ambassade d’Iran à Washington au prince héritier en exil ».
Même certains partisans de la monarchie trouvaient le texte absurde. Les critiques soulignaient que la résolution ignorait le fait qu’aucun référendum, aucune élection ni aucun sondage crédible n’avait abouti à un tel mandat. D’autres soulignaient la contradiction entre l’appel à l’arrestation des commandants du CGRI et la prétention d’entretenir des communications secrètes avec eux.
Comme l’a noté un commentateur avec sarcasme : « Ce rassemblement était moins une déclaration de force qu’une liste de vœux adressée au Père Noël, avec des appels à des ambassades, des postes d’ambassadeur et un trône depuis longtemps enterré.»
Répéter les arguments du régime
L’aspect le plus dommageable de l’événement, cependant, était son alignement sur les objectifs de propagande du régime clérical. En attaquant le MEK, longtemps reconnu comme la principale menace existentielle pour le régime, les organisateurs monarchistes ont fait écho à la rhétorique même utilisée par l’appareil sécuritaire iranien.
https://twittr.com/iran_policy/status/1886106306681201059
Cette convergence n’est pas passée inaperçue. « Que ce soit par accident ou à dessein », a déclaré un avocat iranien spécialisé dans les droits humains, « ils ont fini par jouer le jeu du régime : isoler la véritable opposition, semer la confusion et détourner l’attention du combat pour un changement démocratique.»
Même au sein de la diaspora, la réaction a été rapide. Des groupes ethniques et régionaux – kurdes, baloutches, azéris – ont condamné la monarchie, la qualifiant de vestige d’un autoritarisme centralisé ignorant le pluralisme iranien.
Un mirage fabriqué pour isoler la véritable alternative
Le régime iranien, après avoir perdu l’illusion d’une opposition entre les factions réformistes et les factions radicales, s’est tourné vers la promotion d’alternatives creuses comme Reza Pahlavi pour neutraliser la véritable opposition. Sa visibilité est artificiellement gonflée par les médias affiliés au régime, les cybercampagnes et des intermédiaires comme le NUFDI, lié à des personnalités proches du CGRI et de la SAVAK. Cette stratégie sert le régime en discréditant le changement démocratique par son association avec la dictature du Shah et en détournant l’attention du seul Alternative viable : le CNRI et l’OMPI. Les monarchistes sont promus précisément parce qu’ils ne représentent aucune menace réelle : ils manquent de soutien en Iran, n’ont aucun plan et servent finalement de leurre pour protéger le régime d’un véritable renversement.
Ambassador @LBJunior slams Reza Pahlavi and Iranian monarchists for treacherous strategies and their rooting for engagement with the #IRGCterrorists on "The Untold Story" podcast.#FreeIran2024 pic.twitter.com/HOe3ZTaARM
— NCRI-FAC (@iran_policy) 22 juin 2024
Dans ce contexte, le rassemblement monarchiste du 13 avril n’a pas été qu’un échec ; il est le résultat d’une campagne de plusieurs mois, financée par des millions de dollars et soutenue par des réseaux monarchistes, des sympathisants du régime et des médias étrangers. Ce rassemblement était censé mettre en avant un mandat populaire, mais en réalité, il a révélé le vide du mouvement monarchiste. Malgré des mois de promotion, de cyberamplification et de promesses de participation massive, seules quelques centaines de participants se sont concrétisés. Ce spectacle d’absence est devenu le message le plus fort de tous.
Un mouvement soutenu par la nostalgie et les cyberbots, et non par la substance ou le sacrifice, ne peut répondre aux exigences d’une nation qui a tant sacrifié pour un avenir démocratique et inclusif. Le slogan du peuple iranien – « Mort à l’oppresseur, qu’il soit le Shah ou le Guide » – résonne plus fort que tous les slogans importés ou les campagnes de communication.
Le rassemblement des monarchistes du 13 avril, censé être une démonstration de force, s’est terminé en miroir. Il reflétait un projet politique figé dans le passé, financé par des richesses pillées, alimenté par la désinformation et, en fin de compte, au service du régime auquel il prétend s’opposer. Son échec souligne la vérité que le régime redoute le plus : la véritable voie du changement ne réside pas dans les trônes, réels ou imaginaires, mais dans la lutte organisée d’un peuple qui ne veut ni couronne ni turban, mais la liberté.