vendredi, mars 29, 2024
AccueilActualitésActualités: NucléaireSelon un haut responsable pakistanais, le programme nucléaire iranien est militaire

Selon un haut responsable pakistanais, le programme nucléaire iranien est militaire

Par Natalie Nougayrède

Le Monde – Pour les responsables pakistanais, il ne fait aucun doute que l’Iran cherche à se doter de l’arme nucléaire. Cette conviction a été exprimée, vendredi 4 mai, par un haut responsable militaire pakistanais, lors d’une réunion à Paris devant des experts et diplomates français. "Il est clair que c’est un programme militaire", a déclaré cet officiel pakistanais, qui n’a pas souhaité être cité nommément dans les médias. Il a ajouté que la dimension civile du programme nucléaire iranien, dont Téhéran se prévaut depuis le début, en 2003, de la crise diplomatique déclenchée par ses activités nucléaires sensibles, "n’est qu’une façade".

Venant d’une source pakistanaise de haut rang, cette affirmation prend un poids particulier, dans la mesure où c’est auprès du Pakistan que l’Iran s’était procuré secrètement, entre la fin des années 1980 et le milieu des années 1990, des équipements et des plans de montage de centrifugeuses, une technologie permettant d’enrichir de l’uranium. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a établi que ces transferts de technologie vers la République islamique avaient été effectués par le réseau clandestin de l’ancien chef du programme nucléaire pakistanais, Abdul Qadeer Khan.

Ce dernier, après avoir confessé publiquement en 2004 qu’il avait coopéré avec l’Iran, a été placé en résidence surveillée par le régime pakistanais, qui s’est efforcé de réfuter toute responsabilité dans ces activités proliférantes. Le Pakistan a refusé que des services de renseignements occidentaux puissent interroger Abdul Qadeer Khan, le "père de la bombe" pakistanaise, testée en 1998.

L’Iran a déclaré, en avril, être passé à l’étape "industrielle" d’installations de centrifugeuses, dans son site de Natanz. Les propos du haut responsable pakistanais ont frappé les esprits dans l’auditoire français. L’Iran est soupçonné – mais non accusé formellement par l’AIEA – de développer un programme nucléaire militaire. L’Agence technique de l’ONU s’est déclarée incapable, dans ses rapports successifs, d’établir avec certitude que le programme iranien était de nature civile, reprochant à Téhéran de ne pas faire toute la lumière sur ses activités.

"Depuis environ deux ans, les Pakistanais disent en privé qu’ils n’ont aucun doute sur la finalité du programme iranien", commente l’expert français Bruno Tertrais, de la Fondation pour la recherche stratégique. "Il est frappant qu’ils le disent maintenant de façon plus ouverte." Le Pakistan cherche à convaincre ses interlocuteurs occidentaux qu’il a établi un contrôle indéfectible sur l’ensemble de ses équipements nucléaires depuis les révélations sur le réseau Abdul Qadeer Khan, qui travaillait aussi avec la Libye et la Corée du Nord.

Mais selon un récent rapport de l’Institut international des études stratégiques, basé à Londres, les ramifications de ce réseau n’ont pas toutes été éliminées, et l’Iran demeure "un client important du marché noir international du nucléaire".