
Dans le cadre d’une expansion massive de son appareil répressif, le régime iranien a promulgué une loi qui instrumentalise l’étiquette d’« espionnage » pour écraser la dissidence et réduire au silence l’opposition. Présentée comme une mesure de sécurité nationale, cette loi – officiellement intitulée « Plan visant à intensifier les sanctions contre les espions et les collaborateurs du régime sioniste et des pays hostiles » – élargit considérablement la définition de la collaboration, criminalisant un large éventail d’activités politiques, culturelles et même en ligne. Approuvée par le parlement du régime le 23 juin et rendue publique le 29 juin, la loi cible principalement les critiques et les dissidents sous prétexte de lutter contre l’ingérence étrangère.
Cette loi, composée de neuf articles, redéfinit l’espionnage en des termes extrêmement larges. Selon la résolution, toute « activité de renseignement, d’espionnage et opérationnelle » pour Israël ou d’autres « États hostiles » est qualifiée de corruption sur Terre, un chef d’accusation passible de la peine de mort en vertu du code pénal iranien.
Pénalisation de la dissidence et du partage d’informations
Article après article, le projet de loi révèle une architecture juridique conçue non seulement pour punir les espions, mais aussi pour réprimer la dissidence, contrôler l’information et renforcer l’emprise du régime sur la société. Les activités politiques, culturelles et même médiatiques peuvent désormais être considérées comme des atteintes à la sécurité nationale si elles sont perçues comme suscitant la « peur publique », la « division » ou une « atteinte à la sécurité nationale ».
La loi criminalise explicitement :
- L’exagération des pertes ou la diffusion de fausses nouvelles ;
- L’envoi d’images ou de vidéos à des médias étrangers. Participation à des rassemblements non autorisés, notamment en temps de guerre.
- Participation à des discours en ligne considérés comme favorables aux « États hostiles ».
- Dans ce cadre, même commenter des crises internes sur les réseaux sociaux ou diffuser des images de manifestations peut être puni de mort.
Fait inquiétant, la loi comporte également des dispositions rétroactives : elle s’applique non seulement aux actions futures, mais aussi aux comportements passés, sauf si les auteurs se dénoncent volontairement aux autorités dans les trois jours.
Répression de Starlink et de l’internet par satellite
L’article 5 du projet de loi porte sur les communications électroniques et interdit explicitement l’utilisation, la vente, le transport ou l’importation d’appareils tels que les terminaux Starlink. La possession ou l’utilisation de ces systèmes est passible de six mois à deux ans d’emprisonnement et de la confiscation du matériel. Les personnes impliquées dans la fourniture ou la distribution de plus de dix appareils de ce type, ou qui agissent dans l’intention de « s’opposer au système », encourent cinq à dix ans d’emprisonnement.
Si la loi de 1994 interdisait déjà les récepteurs de télévision par satellite, une ambiguïté juridique subsistait quant à son extension à l’internet par satellite. Cette nouvelle législation dissipe tout doute et la rend explicitement illégale.
Élargissement de la réglementation sur les drones
Parallèlement à sa nouvelle législation sur l’espionnage, le parlement du régime a également présenté un projet de loi distinct visant à étendre le contrôle de l’État sur les aéronefs télépilotés. Ce règlement, approuvé plus tôt cette année, place tous les drones civils et non militaires sous la surveillance directe des institutions de sécurité nationale. Le Conseil suprême de sécurité nationale a été chargé de superviser l’application de la loi, en particulier dans les régions sensibles.
Dans le cadre de ce nouveau cadre, les vols de drones non autorisés au-dessus des zones militaires ou de sécurité sont explicitement interdits. Dans les provinces de Téhéran et d’Alborz, l’activité des drones relève désormais de l’autorité du quartier général de Sarallah du CGRI, principal commandement de la sécurité intérieure de la région de la capitale.
Bien que le projet de loi ne détaille pas les procédures d’octroi de licences, la possession, l’importation, l’exportation et l’exploitation de drones sans certification délivrée par l’État peuvent être considérées comme de la contrebande ou une atteinte à la sécurité nationale. La loi criminalise également l’utilisation ou le transfert de drones à des fins d’espionnage, de sabotage ou de coopération avec des États hostiles, dont Israël et les États-Unis – des infractions punies par l’article 286 du code pénal, qualifiées de « corruption sur Terre ».
L’obligation d’obtenir une habilitation de sécurité ou l’approbation du ministère de la Défense pour toute production de drones n’apparaît pas dans les textes juridiques publics, mais elle pourrait être appliquée en vertu de directives classifiées ou de politiques de sécurité parallèles.
Arrestation et exécutions en hausse
Ce durcissement de la législation intervient dans un contexte de paranoïa croissante au sein du régime, suite à une série d’attaques qui auraient tué plusieurs de ses hauts gradés. Dans la foulée, des accusations de collaboration avec Israël ont été portées même parmi les responsables gouvernementaux. Cette méfiance interne se traduit désormais par une répression plus large.
Médias et services de sécurité affiliés à l’État font état de l’arrestation de plus de 700 personnes ces derniers jours, accusées notamment d’espionnage, de collaboration avec Israël et de « trouble à l’opinion publique ». Dans de nombreuses villes, des personnes ont été arrêtées simplement pour avoir suivi des comptes de réseaux sociaux liés à l’étranger.
Le Bureau des affaires sociales du pouvoir judiciaire a envoyé des SMS avertissant que suivre des pages « affiliées au régime sioniste » constitue désormais une infraction pénale. Parallèlement, des dizaines d’exécutions précipitées ont été signalées, suscitant l’inquiétude des observateurs internationaux.
Alertes alarmantes des organisations de défense des droits humains
Les groupes de défense des droits humains ont condamné les nouvelles mesures, soulignant que nombre des procès récents se déroulent sans procédure régulière et ne durent souvent que quelques minutes. Le Rapporteur spécial des Nations Unies s’est inquiété de l’augmentation disproportionnée des exécutions et du nombre croissant de prisonniers politiques.
Les observateurs affirment que ces lois ne visent pas à faire face aux menaces étrangères, mais s’inscrivent dans une campagne plus large visant à étouffer la dissidence nationale, à faire taire les critiques et à entraver la libre circulation de l’information. Confronté à une crise de légitimité croissante, le régime semble de plus en plus s’appuyer sur la peur et la violence pour maintenir le contrôle.
Un chemin vers l’effondrement ?
De nombreux analystes estiment que l’approche agressive du régime pourrait se retourner contre lui. Plutôt que de restaurer l’autorité perdue, ces lois draconiennes et ces arrestations massives ne feront qu’aliéner davantage la population. La criminalisation de la liberté d’expression, des manifestations et de l’utilisation d’Internet risque de déclencher une nouvelle vague de troubles.
En fin de compte, alors que le régime prétend lutter contre « l’infiltration ennemie », ses actions révèlent une crise de légitimité interne. L’intensification de la surveillance, de la répression et de l’autoritarisme juridique pourrait bien accélérer l’effondrement même que le régime tente d’empêcher.