vendredi, mars 29, 2024
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Un projet spatial, nouvelle pièce du puzzle atomique de l’Iran

Un projet spatial, nouvelle pièce du puzzle atomique de l’IranCNRI – Ce qui suit est un article de William J. Broad et David E. Sanger sur le projet spatial du régime iranien décrit par les experts comme une menace à la sécurité dans le monde. L’article est paru dans le New York Times hier. Il est intitulé « L’Iran vise l’espace ».

The New York Times – L’engin spatial est petit par rapport aux normes mondiales, un microsatellite de quelques centaines de kilos. Lancé en octobre par les Russes pour le compte d’un riche client, il gravite autour de la Terre toutes les 99 minutes et serait doté d’une caméra pour regarder d’en haut de grands andains de terre.

Mais ce qui est particulièrement intéressant à propos de ce satellite n’est pas ses fonctions, qui sont rudimentaires, mais son propriétaire : l’Iran. Avec un lancement l’année dernière et un autre prévu dans les semaines à venir, Téhéran est devenu le nouveau membre du club spatial international.

La question que l’on se pose maintenant à Washington et dans d’autres capitales est la suivante : est-ce que les efforts de l’Iran font simplement partie de son désir d’étendre ses prouesses techniques ou bien tente-t-il d’ajouter un autre compartiment à son programme nucléaire ? En ce sens, il s’agit de la nouvelle pièce du puzzle atomique iranien.

Selon certains analystes du gouvernement et d’autres experts en Occident, les débuts de l’Iran dans le domaine spatial sont potentiellement inquiétants. Tandis que l’attention mondiale se concentre sur la clandestinité du programme d’armes nucléaires de l’Iran, les analystes affirment que ces lancements marquent le début d’une nouvelle étape dans ses efforts croissants pour maîtriser un éventail de technologies sophistiquées, dont les fusées et les satellites. La raison pour laquelle c’est inquiétant est que Téhéran pourrait un jour utiliser ces avancées à des fins atomiques.

« Il peut être tentant de rejeter les efforts iraniens » comme étant relativement rudimentaires, a déclaré John Sheldon, expert au Centre d’études sur la défense et la sécurité internationale en Grande-Bretagne qui a récemment écrit un rapport sur le programme spatial de Téhéran. « Mais l’Iran a déjà fait preuve de persistance et de patience, ce qui indiquerait que le pays est prêt à jouer une longue partie pour réaliser ses ambitions. »

L’Iran a publiquement nié avoir l’intention de développer des armes non conventionnelles. Le pays affirme que son programme spatial et de fusée est soit entièrement pacifique, visant à améliorer les télécommunications de l’Etat et à parer aux désastres naturels (de puissants tremblements de terre ont secoué l’Iran vendredi) ou militaire et a alors pour objectif de renforcer sa défense avec des armes conventionnelles.

Mais certains experts occidentaux font remarquer que de telles technologies peuvent aussi jouer un rôle atomique et que l’élément crucial d’un arsenal nucléaire crédible est la capacité de lancer un missile de manière précise et de diriger une ogive jusqu’à sa cible. Alors que l’Iran compte sur la Russie pour lancer ses satellites en orbite, le pays s’est juré de le faire lui-même et est en train de développer une série de fusées de plus en plus grandes. En théorie, la plus grande pourrait lancer non seulement  des satellites dans l’espace mais aussi des ogives entre les continents.

« Le vrai problème est qu’ils ont une fusée de lancement en cours de développement », a déclaré Anthony Cordesman, expert militaire au Centre d’études stratégiques et internationales à Washington qui a écrit un rapport récent sur le programme nucléaire de l’Iran.

Il a déclaré que l’effort de Téhéran pour développer une nouvelle fusée et des technologies spatiales pourrait n’être rien d’autre à ce point que l’exploration d’options technologiques, pour l’instant plutôt modestement, tout comme ses efforts récents pour lancer des satellites expérimentaux.

« Ceci ne veut pas dire que leur potentiel doit être sous-estimé », selon Cordesman. « Nous savons que ces Etats peuvent nous réserver des surprises techniques. »

L’Iran a annoncé avoir testé dimanche un missile sous-marin rapide non repérable par les sonars et vendredi une nouvelle roquette pouvant transporter de multiples ogives et indétectable par les radars. Les manoeuvres militaires navales, accompagnées de séquences vidéo diffusées à la télévision nationale pendant une semaine, semblent être organisées pour défier la pression croissante sur Téhéran.

Jusque là, les hauts responsables américains disent n’avoir pas protesté contre le programme spatial de l’Iran. Les agences de renseignements ont réexaminé leurs informations sur le lancement du satellite en automne dernier mais ont conclu qu’il ne justifiait aucune action. Les Etats-Unis n’ont pas non plus demandé à la Russie, acteur clé dans les négociations actuelles avec l’Iran sur l’enrichissement de l’uranium, de stopper les lancements.

Mais un haut responsable américain qui a désiré rester anonyme car il n’est pas autorisé à faire des commentaires publics sur ce sujet a déclaré que les Etats-Unis envisageaient de demander à Moscou que les Russes mettent fin à leur assistance spatiale, afin de faire pression sur l’Iran pour qu’il stoppe l’enrichissement de matière nucléaire.

Les experts au sein de l’échiquier politique semblent s’entendre sur le fait que les programmes de missiles et de satellite iraniens valent la peine d’être surveillés, même s’ils semblent ne représenter aucune menace actuelle pour les Etats-Unis.
« Il est bien évidemment intéressant de voir quelle direction ils prennent », a déclaré David Wright, expert spatial à l’Union of Concerned Scientists, groupe de recherche en politique à Cambridge, Massachusetts.

Le Conseil de Sécurité de l’ONU débat actuellement sur l’imposition d’éventuelles sanctions contre l’Iran car un grand nombre d’Etats s’inquiètent de la possibilité que le programme atomique de Téhéran dissimule un effort clandestin d’acquérir la bombe nucléaire. Les agences de renseignements américaines estiment que l’Iran est à 5 à 10 ans d’obtenir le matériel nécessaire pour une arme nucléaire.

John Negroponte, directeur du renseignement national, a récemment qualifié de « préoccupation immédiate » le danger que Téhéran « obtienne une arme nucléaire et la capacité de l’intégrer dans des missiles balistiques que l’Iran possède déjà ». L’Iran détient des missiles ayant une portée de 1600 kilomètres, soit la distance d’Israël et, comme Negroponte l’a expliqué, détient « le plus grand stock de missiles balistiques au Moyen Orient ».

Les responsables du renseignement américain estiment que l’Iran pourrait développer un missile intercontinental avant 2015, mais de telles prévisions sont toujours des approximations.

Un grand nombre de nations ont des satellites, dont l’Algérie, la Grèce, l’Espagne et le Tonga. Mais seules une dizaine d’entre elles ont de grandes fusées suffisamment puissantes pour placer des satellites en orbite. Au Moyen Orient, seul Israël en est capable.

Les efforts de Téhéran pour se constituer une flotte de fusées et acheter et fabriquer des satellites, ont bénéficié de l’assistance non seulement de la Russie, mais aussi de la Chine, de l’Inde, l’Italie et la Corée du Nord.

Cette initiative a commencé pendant la guerre entre l’Iran et l’Irak, de 1980 à 1988, lorsque Bagdad a lancé plusieurs roquettes et que Téhéran a tenté d’y répondre. Un rapport récent de l’Institut international des études stratégiques, un groupe respecté d’analyse sur les armes à Londres, a fait une ébauche des progrès de l’Etat islamique.

Premièrement, l’Iran a acheté des missiles Scud russes puis a appris comment les fabriquer lui-même, les baptisant Shahab-1, étoile filante en persan. Les missiles de 36 pieds ou 10 mètres de hauteur peuvent lancer une tonne d’ogives à environ 320 kilomètres. En 1991, l’Iran a appris comment rallonger leur portée à environ 480 kilomètres, baptisant ce nouveau missile Shahab-2.
L’Iran a lancé des vagues de ces missiles en 1994, 1999 et 2001 contre les camps armés de l’Armée de libération nationale d’Iran, force dissidente basée en Irak et engagée à renverser le régime de Téhéran.

Pendant cette période, l’Iran a également cherché à développer une nouvelle famille de missiles plus puissants, les Shahab-3. Basés sur un modèle nord-coréen, ils font 17 mètres de hauteur.

Dernièrement, lors de parades militaires, ces missiles étaient drapés de bannières où l’on pouvait lire « Nous allons écraser l’Amérique » et « Rayer Israël de la carte ». L’Iran cache autant que possible l’état d’avancement de ses travaux sur la fusée. Cependant, les experts occidentaux affirment que plusieurs signes et déclarations indiquent que Téhéran travaille dur sur des missiles suffisamment puissants pour lancer des satellites dans l’espace ou bien des ogives entre les continents.

Charles Vick, expert sur le programme de fusée iranien à GlobalSecurity.org, groupe de recherche situé à Alexandria, en Virginie, a expliqué que la stratégie était apparemment d’empiler un Shahab-1 ou un Shahab-2 sur un Shahab-3, pour produire un grand missile à deux étages. Il pourrait avoir une portée de presque 3200 kilomètres. D’autres variantes, selon Vick, pourraient aller plus loin.

Cordesman et Khalid Al-Rodhan du Centre d’études stratégiques et internationales à Washington ont  déclaré dans un rapport que des modèles sophistiqués, s’ils étaient perfectionnés, « permettraient à l’Iran de viser la côte est des Etats-Unis ».