jeudi, mars 28, 2024
AccueilActualitésActualités: NucléaireUn ancien adjoint de l’AIEA : l’Iran n’a pas changé son cap...

Un ancien adjoint de l’AIEA : l’Iran n’a pas changé son cap nucléaire

CNRI – L’accord nucléaire conclu entre les puissances mondiales et le régime iranien la semaine dernière à Vienne est en dessous de toute garantie que Téhéran n’enrichira pas clandestinement l’uranium à des niveaux élevés pour une arme nucléaire, a déclaré l’ancien directeur adjoint de l’agence de surveillance nucléaire des Nations Unies Olli Heinonen lors d’une conférence mardi au Sénat américain. 

Dr. Heinonen, qui était Directeur Général adjoint pour les Précautions à l’Agence Internationale à l’Energie Atomique (AIEA), a déclaré qu’il pense que le régime en Iran « n’a pas changé de cap sur le nucléaire ». 

Les autres intervenants à la conférence du Sénat étaient l’ancien sénateur américain Joseph Lieberman, l’ancien directeur de la CIA James Woolsey, l’ancien Sous-Secrétaire d’Etat américain au Contrôle des Armes l’Ambassadeur Robert Josesph, l’ancien stratégiste en communications de la Maison Blanche Dr. Lawrence Haas, ainsi que l’ancien Directeur de la Planification Politique au Département d’Etat américain l’Ambassadeur Mitchell Reiss. 

Voici le texte des propos du Dr. Heinonen à la conférence du Sénat intitulée « Bloquer la voie de l’Iran à la bombe : le rôle du Congrès ». 

Texte des propos du Dr. Olli Heinonen, ancien Directeur Général adjoint pour les Précautions à l’Agence Internationale à l’Energie Atomique (AIEA) – Conférence au Sénat américain, 21 juillet 2015 :

 

Mesdames et Messieurs, 

Tout d’abord, je souhaiterais remercier les organisateurs qui m’ont invité ici à partager avec vous quelques unes de mes considérations techniques sur cet accord. J’aimerais commencer en indiquant quelques points sur la nature de cet accord, ma manière de le lire en tant que chimiste venant de Brookline au Massachusetts. Tout d’abord donc, je le vois comme un accord politique ayant des conséquences très importantes sur la non-prolifération ou la prolifération. Il est destiné à résoudre le programme et le problème nucléaire iranien, mais je vois que le problème sera résolu un autre jour. J’en arrive à la chronologie. 

Lorsque je le lis, la première impression qui me vient est qu’en réalité, l’Iran n’a pas changé de cap nucléaire. Et là, il y a deux observations importantes à faire. Tout d’abord, l’Iran conservera désormais sa prétendue capacité de sortie, toute l’infrastructure. Il sera un Etat au seuil nucléaire pour les années à venir. Au début, il y aura une année de temps pour la sortie de l’uranium; après dix ans il commence à réduire, et ensuite le plutonium entrera en scène peut-être dans quelque chose comme d’ici vingt ans.

Dans le même temps, je ne vois pas l’Iran changer l’approche élémentaire pour résoudre ce problème, parce que son exécution du Protocole Additionnel est provisoire, les mesures sont volontairement vagues et provisionnelles, et la plus grande surprise à cette fin vient avec l’ordre des évènements. Cet accord oblige l’AIEA à la conclusion que la nature du programme nucléaire de l’Iran sera visible peut- être d’ici cinq ou huit ans. Mais cela vient de manière conditionnelle dans ce cas. L’accord dit que l’AIEA doit d’abord atteindre cette conclusion et que seulement après l’Iran va ratifier le Protocole Additionnel.

D’après les pratiques et les procédures de l’AIEA, cela devrait être le contraire. Tous les autres 124 Etats dans lesquels le Protocole Additionnel est en vigueur l’ont fait dans l’autre sens. Ils ont d’abord ratifié, puis l’AIEA a mené des enquêtes et ensuite ils en sont venus à une conclusion. Et par exemple, la Libye est un exemple de ce cas. La Libye a été déclarée en non-respect avec les précautions (engagements) en décembre 2003. Deux ans après, elle a ratifié le Protocole Additionnel mais l’a mis en oeuvre de manière provisionnelle avant. Et l’AIEA a atteint sa conclusion à l’été 2008. Mais il n’y a jamais eu aucune condition du côté libyen disant qu’ils ne ratifieraient pas cet accord avant qu’ils ne soient satisfaits des résultats. Par conséquent, je pense que cela est un point important
à prendre en compte.

Ensuite, en ce qui concerne le programme d’enrichissement lui-même et la vérification de l’AIEA. Si nous regardons en arrière tous les cas de prolifération ces deux dernières décennies – Irak, Iran, Syrie, Libye, Corée du Nord, Corée du Sud – ils ont tous quelques points en commun. Tout d’abord, ils n’ont essentiellement jamais détourné du matériel nucléaire des sites déclarés. Et pourquoi ? Parce que le risque était trop élevé, le système de vérification de l’AIEA est trop robuste, ils seraient vulnérables à toute détection première.

Par conséquent, tous ces pays ont donc opté pour du matériel nucléaire clandestin dans des sites secrets, et peut-être dans certains cas avec du matériel nucléaire clandestin en abusant quelques installations nucléaires plus petites.   A cette fin, cet accord possède certaines mesures de renforcement mais il a également des carences pour lesquelles j’aurai espéré que la négociation puisse les fixer.

La bonne nouvelle est que là il demande à l’Iran de laisser l’AIEA appliquer certains systèmes de surveillance d’instrumentation plus modernes. Nous verrons si l’Iran acceptera cela, mais le point important est que cela permettra aux inspecteurs d’observer davantage la part clandestine et non de laisser leurs effectifs rester assis à Natanz ou Fordow. C’est donc une bonne chose.

Cependant, venons-en à l’autre partie où j’aurai attendu un peu davantage, et cela à avoir avec l’accès aux sites suspects, l’accès aux lieux non déclarés. Il y a beaucoup de discussions sur ce deadline de 24 jours pendant lesquels l’Iran peut chercher à retarder l’accès à l’AIEA. En réalité, c’est un temps extrêmement long, 24 jours. Assurément, vous ne pouvez pas raser une installation comme Natanz ou Fordow ni de grands sites de conversion sans détection ou sans laisser de trace. Mais si vous cherchez un cycle de combustible nucléaire, et en particulier si vous cherchez une enceinte à des fins d’armement nucléaire, certaines de ces installations ne sont pas si grandes. Elles n’ont pas de si lourds équipements. Elles peuvent en fait être modifiées en deux semaines de temps.

Et je vous donne un bon exemple où je pense que cela pourrait être, simplement à titre d’exemple, cela pourrait être très difficile peut-être pour l’AIEA de tirer des conclusions essentielles à un haut niveau d’assurance. Supposons qu’il y ait une installation qui prend de l’hexafluorure à l’uranium hautement enrichi, et le transforme en poudre d’uranium, puis en métal d’uranium, et fabrique des composants d’armes nucléaires à partir de ces pellets métalliques, exactement d’après le système que le Dr. Abdul Khan a distribué à son réseau.

Ce genre d’installation est petit, tout tient probablement dans cette salle. Il n’a pas d’équipement lourd, il est constitué de quelques boîtes, tourneurs et d’instruments pour procéder au contrôle de qualité. L’équipement peut pratiquement être déplacé en une nuit. Pendant les deux autres semaines, les gens ont le temps de rénover le lieu, de détruire au marteau-piqueur les murs, les planchers, y mettre du carrelage, d’en mettre sur les murs, tout repeindre et enlever la ventilation, vous en arrivez à un nouveau bâtiment. Et quelque chose de très similaire s’est produit dans quelques cases Iran en 2003 quand l’AIEA n’a trouvé aucune trace d’uranium enrichi dans certains lieux où il  aurait dû y en avoir.

Et la raison pour laquelle je dis cela est que cela donne une occasion dont je pense que nous devrions nous en occuper d’un point de vue technique, et il s’agit d’une vulnérabilité pour ce système de vérification, en se rappelant que ce sont des provisions très spécifiques à ce Plan Commun d’Action. Il y a un segment spécial qui parle de la métallurgie d’uranium, de la métallurgie de plutonium, qui constituent des activités interdites pour les quelques années à venir.

Et puis, la dernière remarque dans cette perspective : Supposons que quelqu’un prolifère et veut le cacher, il entreprend tous ces plans en avance, cela fait partie de son plan. Il n’est donc pas en train de se gratter la tête « Oh ! L’AIEA vient ! Que faire ? » 

Ensuite, l’AIEA et le renseignement, autre chose, qui a en fait à voir avec la même chose. J’ai été un peu surpris de voir que lorsque l’AIEA demande l’accès à des sites suspects, ils doivent non seulement donner des raisons pour les visites, mais en réalité des sortes d’informations sur les raisons pour lesquelles ils demandent cet accès.

Je pense que cela ne présage pas bien par rapport aux services de renseignement, parce que cela veut en réalité dire que l’AIEA, lorsqu’elle va demander l’accès, doit partager les faits qu’elle a avec la partie inspectée, laquelle peut alors ajuster sa version si elle voit que cela est possible, ou bien, je pense que c’est le pire, le service de renseignement peut être un peu hésitant à partager des informations avec l’AIEA.

Quelles seraient dès lors les chances de trouver de la production ou bien de la fabrication clandestine de centrifuges ? Et bien, peut-être assurément meilleures que sous les actuels arrangements de précaution et ceux pour le Protocole Additionnel. Mais je ne pense pas que cela va assez loin. Parce que à présent nous avons le même problème qu’auparavant. Tout d’abord, les dispositions disent que l’Iran déclarera le nombre de centrifuges et de certains composants de centrifuge. L’AIEA les comptera et les surveillera, en particulier dans les lieux où l’Iran les fabriquera. Mais traditionnellement, l’Iran les a en réalité également fabriqués dans les ateliers militaires.

Par conséquent, cet accord ne fournit pas directement l’accès à ceux-ci, seulement aux sites déclarés. Vous devez donc passer par le même processus d’accès spécifique pour vous y rendre. Et le problème sera là, que la fabrication de centrifuges laisse très peu de trace, et ces installations traitent déjà des mêmes types de matériaux, qui utilisent de l’acier, de l’aluminium hautement renforcé ou du fibre carbone pour le programme de missile ou d’autres programmes militaires. Je pense donc que là nous avons certaines carences.

 

Ensuite, pour tout régime de vérification, la chose doit commencer avec une déclaration basique plus large. Ce n’est pas prévu dans cet accord. Il y aura des déclarations en vertu d’accords de précautions globaux, en vigueur avec l’Iran depuis 1974. Il y aura quelques accords additionnels qui proviennent du Protocole Additionnel et de sa mise en oeuvre.

Mais en fait, ces déclarations viennent 180 jours après cet accord pour être en vigueur. ET après ce sera les déclarations sous cet engagement volontaire. But aucune ne fournit quoi que ce soit sur l’historique. Aucune ne fournit quoi que ce soit sur les installations qui étaient là et qui ont été démantelées, ainsi que les produits qui étaient acquis à cette fin, seuls l’uranium et le plutonium doivent être déclarés, et non ces produits à ce double usage, ces outils spécifiques, ces matériaux spéciaux. Par conséquent, je considère également cela comme une sorte de carence dans ce dossier.

Et puis, en ce qui concerne les inspecteurs et les ressources de l’AIEA, j’ai été surpris que seuls les inspecteurs désignés allaient faire partie de ce processus, parce que particulièrement lorsque vous allez enquêter sur l’utilisation militaire nucléaire, la recherche et le développement des centrifuges, la fabrication de centrifuges, la métallurgie du plutonium, la métallurgie de l’uranium, vous avez besoin d’avoir des talents et des compétences spécifiques dont le corps d’inspection de l’AIEA ne dispose ordinairement pas et qu’il n’aura pas – le point important est également que le corps d’inspection de l’AIEA n’a pas commencé à proliférer. Par conséquent, j’aurai aimé voir là quelque chose comme employer tous les experts, également ceux des Etats-Unis d’Amérique, comme faisant partie de l’équipe de l’AIEA et pas uniquement les inspecteurs.

 Et puis, en raison du manque de temps ici, je dirais simplement quelques mots sur cette dimension militaire possible, et comment je la vois désormais procéder. Il y a un accord à part entre l’AIEA et l’Iran, cela s’appelle la feuille de route. Il comporte certaines parties que l’AIEA a partagées avec son conseil d’administration mais il a également des annexes secrètes qui sont uniquement entre l’Iran et l’AIEA. Et puis, il y a une grille de programmes dans laquelle l’AIEA écrit un peu plus qu’une fois par mois – en fait la durée d’un mois – des questions à l’Iran. 

L’Iran leur répond mi-septembre et ensuite il y aura des discussions mi-octobre, et l’AIEA donnera son évaluation finale mi-décembre. Je pense que d’un point de vue technique, il est très difficile, nonobstant ce qui est écrit dans cette évaluation secrète, d’arriver à une conclusion sur la nature véritable du programme nucléaire de l’Iran d’ici mi-décembre.

Je ne pense pas que l’AIEA puisse arriver à une solution globale à moins que la preuve soit si évidente qu’il y a un programme d’armement nucléaire. Et certainement, elle ne peut pas certifier qu’elle en connaît tous les aspects, parce que cela laisse seulement deux mois pour effectuer toutes les visites, prélever les échantillons, les analyser, aller sur les sites de fabrication, parler avec les personnes, parler avec les concepteurs, aller dans les autres pays afin de trouver l’équipement qui a été fourni et ensuite aller en Iran pour voir si vous avez le même équipement, par conséquent deux mois seront très courts. Dès lors, un grand nombre de questions resteront sans réponse fin décembre. Voilà d’une manière très concise et courte le témoignage que je donnerai demain ici à la Chambre, il y aura une liste beaucoup plus longue, également des aspects positifs et non seulement négatifs.