
Fin octobre 2025, les dissensions internes du régime clérical ont éclaté au grand jour au sein même du Parlement (Majlis), où des parlementaires de factions rivales se sont ouvertement accusés mutuellement – ainsi que le gouvernement – de corruption, de mauvaise gestion et de déloyauté. Les mêmes responsables qui invoquent régulièrement « l’unité » et la « discipline » ont désormais utilisé la tribune parlementaire pour se rejeter la faute.
Ces échanges ne reflétaient aucune préoccupation face à l’aggravation des difficultés économiques de la population. Ils ont plutôt révélé une classe politique cherchant à se dédouaner de toute responsabilité, à préserver son prestige et à éviter d’être associée à un système largement perçu comme défaillant. Dans ce contexte, les responsables ont durci le ton, s’accusant ouvertement de trahison et exposant ainsi de graves failles au sein d’un système corrompu.
Attaques croissantes contre Pezeshkian
Plusieurs parlementaires ont pris pour cible le président du régime, Massoud Pezeshkian, critiquant son indécision et son incapacité à lutter contre l’inflation galopante et les pénuries. Reza Bagheri-Banaee a déclaré à l’Assemblée le 29 octobre : « Le temps des discours est révolu. Le peuple est las des promesses vaines et des slogans.» Il a exigé des plans immédiats pour la restauration du lac d’Ourmia et a averti que la politique monétaire actuelle de la Banque centrale « détruit la production et les exportations ».
Le député Hadi Mohammadpour a évoqué la forte hausse des prix des produits de première nécessité au cours de l’année écoulée : +65 % pour les produits alimentaires de base, +124 % pour les pièces d’or, +144 % pour l’or au gramme et plus de 90 % pour certains modèles de véhicules. Il a conclu : « La population est inquiète et personne n’assume ses responsabilités.»
Les données économiques citées au Parlement restent difficiles à vérifier de manière indépendante, les statistiques officielles en Iran étant largement reconnues comme politisées et incohérentes. Cependant, la tendance des fluctuations de prix relevée par les parlementaires concorde avec les tendances inflationnistes plus générales constatées dans des enquêtes de terrain indépendantes menées à travers le pays.
Accusations publiques de corruption et de clientélisme
D’autres parlementaires ont orienté le débat vers des allégations de corruption systémique. Alireza Nesari a accusé les ministères de ne pas respecter leurs engagements concernant les projets de développement local et a averti que les retards creusaient le fossé entre l’État et la société.
Parallèlement, Mehrdad Lahouti a dénoncé le détournement des pouvoirs de décision en matière de politique économique du gouvernement vers des conseils non élus – le Conseil économique suprême, le Conseil suprême du cyberespace, et d’autres – marginalisant ainsi le Parlement. Il a ajouté que des politiques de suppression des subventions étaient imposées aux ménages à faibles revenus tandis que, selon ses propres termes, « les responsables passent leurs journées à dire une chose au public et à faire le contraire ».
Les accusations les plus virulentes sont venues d’Hadi Mohammadpour, qui a soutenu que les acteurs politiques ayant « ruiné le pays » se posent désormais en critiques. Il a exigé une intervention judiciaire pour faire taire ceux qu’il a qualifiés de « regrettant la révolution », signe d’une escalade de la répression plutôt que d’une réconciliation.
Conflit relatif à la double nationalité et aux nominations politiques
Kamran Ghazanfari a profité de la tribune pour insister sur l’annulation des nominations de membres de la famille de hauts fonctionnaires possédant la double nationalité – notamment les enfants de l’ancien vice-président Mohammad-Reza Aref et de l’actuel chef adjoint du cabinet, Mohammad-Jafar Qaempanah. Ghazanfari a présenté la question comme un enjeu de sécurité nationale, déclarant de telles nominations « illégales à des postes sensibles ».
Ce discours a révélé comment les questions de loyauté et de confiance interne se sont déplacées de l’appareil sécuritaire vers l’administration civile, signe d’une méfiance croissante au sein des réseaux d’élite.
L’intervention la plus virulente est venue de Morteza Mahmoudi, qui a appelé le pouvoir judiciaire à empêcher d’anciens responsables, dont Hassan Rouhani et Mohammad-Javad Zarif, de critiquer publiquement la politique de l’État. « Ne permettez pas à ceux qui ont honte de la révolution de s’élever désormais contre elle », a-t-il déclaré.
Restrictions médiatiques et censure des élites
Parallèlement, la répression du régime contre les médias s’est intensifiée. Le journal Ham-Mihan, affilié à l’ancien maire de Téhéran, Gholamhossein Karbaschi, a été brutalement bloqué sur les réseaux sociaux, apparemment sur ordre des services de sécurité. Aucune justification officielle n’a été fournie.
Parallèlement, le quotidien Kayhan, dirigé par Hossein Shariatmadari, a accusé l’ancien président Rouhani de « padyoo’i-e Amrika » (servir les intérêts américains) et a averti que toute critique du rapprochement de l’Iran avec la Russie et la Chine serait considérée comme un acte hostile.
Ce discours laisse entendre que les dirigeants ne perçoivent plus les désaccords internes sur la stratégie étrangère et économique comme un simple débat politique, mais comme une menace directe pour la sécurité.
Menace sur la stabilité. Ce changement indique que le conflit interne a atteint un stade où même l’autorité suprême, autrefois incontestée, peut être remise en question ou contournée.
Un système qui s’autodétruit
Les affrontements au parlement reflètent une crise qui se retourne contre elle-même. Il ne s’agit pas de véritables différends concernant le bien-être public ni même d’un partage structuré du pouvoir, mais de luttes pour la survie entre factions qui tentent d’éviter de sombrer avec un système en déclin. Chaque camp accuse désormais l’autre de trahison et de sabotage, non pas pour résoudre les problèmes du pays, mais pour paraître moins responsable de la situation.
Alors que l’inflation érode le niveau de vie et que les citoyens qualifiés continuent de quitter le pays, les cercles dirigeants du régime sont passés de la gouvernance à l’autoconservation. La rhétorique de l’« unité » sonne creux : l’autorité qui imposait autrefois la discipline est affaiblie, et chaque faction se prépare à affronter une crise majeure.
Dans ce climat, la lutte est existentielle : il ne s’agit plus de savoir comment gouverner, mais de savoir qui ne sera pas tenu pour responsable lorsque la structure s’effondrera définitivement.

