Agence France Presse – Paris veut avertir l’Iran par une résolution musclée de l’Onu qu’il passe la « ligne rouge » en poursuivant son programme nucléaire mais cherche à éviter un engrenage conduisant automatiquement au recours à la force.
La crise avec l’Iran a franchi vendredi un degré supplémentaire avec la remise au Conseil de sécurité de l’Onu d’un nouveau rapport négatif de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) qui a conclu que l’Iran n’avait pas coopéré ni suspendu son programme nucléaire.
Le chef de la diplomatie française Philippe Douste-Blazy a jugé la situation « préoccupante » pour la communauté internationale après avoir affirmé la veille, en marge d’une réunion de l’Otan à Sofia, que le Conseil de sécurité devait « envoyer un signal rapide et ferme » à l’Iran.
Téhéran est resté inflexible, en dépit d’une injonction du Conseil de sécurité qui, le 29 mars, lui avait donné un mois pour suspendre l’enrichissement de l’uranium. L’Iran est soupçonné par la communauté internationale de vouloir se doter de l’arme atomique, ce que ses dirigeants démentent.
Comment contrer les ambitions iraniennes ? L’exercice est difficile pour la diplomatie française, par tradition réticente aux sanctions qu’elle juge inefficaces et injustes car touchant d’abord la population.
Mais Paris est persuadé que les Iraniens « sont au bord d’avoir le know-how » nucléaire, et la mise en route annoncée pour la fin de l’année de 3.000 centrifugeuses permettrait à Téhéran d’enrichir de 30 à 50 kg d’uranium, une quantité suffisante pour produire une bombe par an, souligne-t-on.
Cela lancera alors une course à la bombe dans toute cette région déjà instable, l’Arabie, l’Egypte, la Turquie ou des pays du Golfe cherchant à rétablir l’équilibre avec l’Iran, estime un diplomate français.
« Il est indispensable de montrer à l’Iran qu’il a franchi la ligne rouge », a déclaré un diplomate qui a détaillé plusieurs types de sanctions à l’étude: contrôle renforcé des exportations de matériel dual (civil et militaire), refus de visas à certains responsables, réduction des facilités de crédit ou mesures touchant à l’énergie.
Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie), avec l’Allemagne, doivent se retrouver le 2 mai à Paris pour tenter de préserver un front commun.
S’il y a accord entre Paris, Washington et Londres sur le recours au chapitre VII de la Charte de l’Onu, qui permet une action coercitive, la France veut s’assurer que la future résolution ne donne pas un feu vert automatique à l’usage de la force au cas où l’Iran continuerait à défier la commmunauté internationale.
Le chapitre VII « n’implique pas nécessairement une action militaire », insiste-t-on d’ailleurs à Paris, alors que les Etats-Unis n’ont pas exclu la force et que Russes et Chinois sont par principe opposés à toute sanction.
Conscient des capacités de rétorsion de l’Iran, par exemple en faisant flamber le prix du pétrole, les diplomates français craignent une escalade non maîtrisée entre les Occidentaux et ce pays musulman.
En dépit de la tension croissante, ces mêmes diplomates se demandent toutefois si le moment n’est pas venu d’une percée diplomatique, à l’image du voyage du président Richard Nixon en Chine en 1972.
Car, à Paris, on estime que l’Iran, « en montrant ses muscles, cherche plus que jamais une reconnaissance de son régime » par les Etats-Unis qui ont rompu leurs relations lors de la révolution de 1979. « Ils veulent obliger les Américains à entrer en dialogue avec eux », affirme un diplomate.