vendredi, mars 29, 2024
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L’Iran rejette les ouvertures de Kofi Annan sur le nucléaire

L'Iran rejette les ouvertures de Kofi Annan sur le nucléairePhilippe Bolopion,  envoyé spécial à Téhéran

Le Monde – Ce qui devait être un exercice de diplomatie a tourné au sermon. Au septième jour de son déplacement au Moyen-Orient, le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, n’a obtenu, dimanche 3 septembre, aucune concession significative du président iranien. Mahmoud Ahmadinejad s’est contenté de reformuler, d’un ton "abrasif", des positions "inflexibles" sur le dossier nucléaire, le désarmement du Hezbollah ou les caricatures de l’Holocauste. Décrit comme "sûr de lui", le président iranien, vêtu d’un blouson gris et d’une chemise à col ouvert, a défendu le droit de son pays – soupçonné par les pays occidentaux de masquer la mise au point d’une arme nucléaire – à poursuivre son programme d’enrichissement d’uranium. "Il a indiqué qu’ils (les Iraniens) n’acceptaient pas la suspension (de l’enrichissement) avant les négociations", a admis Kofi Annan, alors que les grandes puissances font du gel de ces activités sensibles un préalable à toute normalisation de leurs relations avec Téhéran.

M. Annan était arrivé dans la capitale iranienne deux jours après l’expiration du délai d’un mois donné par le Conseil de sécurité à l’Iran, dans la résolution 1696, pour cesser l’enrichissement d’uranium, faute de quoi le pays risquait de faire face à des sanctions. Au terme d’une rencontre "très dure" de près de deux heures, Kofi Annan a toutefois affirmé que l’Iran était "déterminé à négocier et à trouver une solution à la crise".

Le ministre des affaires étrangères iranien, Manouchehr Mottaki, a précisé que l’Iran appelait à "des négociations globales, sérieuses et justes" qui créeraient "l’opportunité de lever toute ambiguïté, de répondre à toute question, et finalement de trouver une solution". Il a toutefois jugé la résolution 1696 "illégale et purement politique", fruit de "pressions faites par les Américains et les Britanniques".

Alors que les Etats-Unis envisagent de sanctionner l’Iran, le secrétaire général de l’ONU prône la "patience". Pour encourager une reprise des discussions, il appelle Téhéran à "rétablir la confiance", notamment en faisant preuve de plus de transparence à l’égard de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

Mais le président iranien a répliqué qu’il revenait aux Etats-Unis de regagner la confiance de l’Iran, non l’inverse. Il s’est aussi livré à des diatribes contre Washington, "l’entité sioniste", et les grandes puissances auxquelles il reproche de ne pas respecter "la dignité" de son pays, dont il semble avide de voir la puissance reconnue.

Sur le dossier libanais, M. Ahmadinejad a, selon M. Annan, "réaffirmé le soutien de son pays pour la mise en oeuvre de la résolution 1701", qui avait mis fin aux combats le 14 août dernier. En privé, les autorités iraniennes ont toutefois rappelé qu’elles jugeaient cette résolution "injuste" et " biaisée en faveur d’Israël".

L’Iran reste aussi très vague sur le désarmement du Hezbollah, un mouvement soutenu par Téhéran, et dont le dirigeant, Hassan Nasrallah, est dépeint, brandissant un kalachnikov, sur une pancarte à l’entrée du ministère des affaires étrangères iranien. Pressé sur la question de l’embargo sur les armes à destination des milices libanaises, prévu par la résolution 1701, M. Mottaki, s’est contenté d’affirmer que l’Iran soutiendrait "ce que les Libanais décideront par consensus". Le président iranien a par ailleurs promis de financer la reconstruction du Liban, sans toutefois préciser si l’argent irait à des organisations internationales, ou transiterait par d’autres groupes, y compris le Hezbollah. Il a apporté son soutien aux efforts de Kofi Annan pour obtenir la libération des deux soldats israéliens enlevés par le Hezbollah, en échange de prisonniers de la milice chiite libanaise détenus en Israël.

M. Annan a saisi l’occasion d’une conférence de presse à Téhéran pour dire son "inquiétude" concernant une exposition, dans la ville, de caricatures de l’Holocauste, censée répondre à la controverse suscitée par la publication, dans la presse européenne, des caricatures de Mahomet, critiquées à l’époque par le secrétaire général de l’ONU.

"La tragédie de l’Holocauste" est un fait historique "incontestable" a affirmé M. Annan, qui, en novembre 2005, avait annulé un voyage à Téhéran, après un appel du président iranien à "rayer de la carte" Israël. Plus tôt, dimanche, un porte-parole de la diplomatie iranienne, Hamid Reza, avait annoncé la tenue à Téhéran, en décembre, d’une conférence sur l’Holocauste, dont la portée a été, selon lui, "très exagérée".

Au cours de ses deux jours de visite, le secrétaire général de l’ONU a aussi rencontré le négociateur sur le nucléaire iranien, Ali Larijani, l’ancien président Hachemi Rafsandjani, et le chef du comité de géostratégie, Kamal Kharazzi. Une rencontre avec l’ayatollah Ali Khamenei, la plus haute autorité de l’Etat, a été annulée.

Kofi Annan a poursuivi, dimanche soir, sa tournée par une étape au Qatar, avant de se rendre, lundi, en Arabie saoudite, puis en Egypte et en Turquie.