mercredi, novembre 12, 2025
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Les efforts des USA pour isoler l’Iran progressent chez les banques européennes

De GLENN R. SIMPSON à Bruxelles et DAVID CRAWFORD à Berlin
 
The Wall Street Journal – La campagne du gouvernement américain visant à isoler l’économie iranienne devrait bénéficier d’un nouvel élan important ce mois-ci lorsque la dernière banque européenne menant encore de nombreuses transactions en dollars aux États-Unis pour le compte de ce pays, va cesser ses opérations.

La Commerzbank AG, seconde banque en Allemagne, a annoncé qu’elle cesserait dès le 31 janvier toutes transactions en dollars pour le compte de l’Iran dans sa filiale à New York.

L’année dernière, la plupart des banques européennes ayant des liens de longue date avec l’Iran, ont cédé à la pression des USA et ont réduit radicalement leurs transactions avec les banques d’État iraniennes qui, selon les USA, soutiennent le terrorisme. Les Etats-Unis cherchent également à mettre l’Iran en quarantaine financière en raison de la détermination de Téhéran à faire avancer son programme nucléaire contre la volonté de la communauté internationale.

Par ailleurs, le département du Trésor a désigné hier la cinquième plus grande banque d’État iranienne, Bank Sepah, et ses filiales de proliférateurs d’armes et a interdit les banques opérant aux USA de mener des transactions pour leur compte. L’année dernière, la Commerzbank est devenue la principale banque pour les transactions en dollars de la Bank Sepah aux USA. Stuart Levey, sous-secrétaire d’État chargé des questions de terrorisme et de renseignement financier, a déclaré que la Bank Sepah était un intermédiaire financier clé pour les principales sociétés de fabrication de missiles en Iran, toutes désignées dans la résolution des Nations Unies adoptée le mois dernier imposant des sanctions contre le programme nucléaire de l’Iran.

Les experts américains affirment qu’il existe la preuve que des compagnies iraniennes ressentent les effets de l’initiative menée par les USA. Les banques et sociétés iraniennes, par exemple, doivent désormais augmenter le montant de leurs dépôts (de pas moins de 100%) dans les banques étrangères pour obtenir des lettres de crédit pour des transactions à l’étranger.

Les hauts responsables iraniens nient le fait que les banques nationales gèrent l’argent des organisations terroristes. Mohammad Jafar Mojarrad, vice gouverneur de la banque centrale du pays, a déclaré que pendant que les États-Unis « faisaient lourdement pression sur l’Iran » et que certaines banques étrangères avaient freiné leurs relations avec le pays, les opérations des banques du pays étaient affectées.

Empêcher tout lien financier entre l’Iran et l’Europe est essentiel pour Washington qui tente d’isoler le pays. L’Union européenne était jusqu’à maintenant le plus grand partenaire commercial de l’Iran. Leurs échanges ont atteint 25 milliards de dollars l’année dernière, mais le développement du commerce stagne, en grande partie à cause de la pression américaine.

Plusieurs grandes banques européennes ayant cessé de traiter avec Téhéran ces derniers mois, le régime islamique intégriste du président Mahmoud Ahmadinejad comptait sur la Commerzbank et une poignée de banques plus petites pour ses transactions en dollars.

Résultat : l’économie iranienne aux abois a plus de difficultés à faire circuler ses devises dans la planète de manière efficace. Les conséquences pour les sociétés iraniennes sont des coûts commerciaux plus élevés et, pour le gouvernement, l’entrée dans des marchés financiers alternatifs beaucoup plus chers.

La pression américaine a peu de chances de totalement effondrer l’économie iranienne, mais elle pourrait causer de sérieux dégâts. L’Iran reçoit des dizaines de milliards de dollars chaque année de ses revenus du pétrole. Mais il dépense la plupart de ces fonds dans l’importation d’essence raffinée et d’autres produits. L’accès de l’Iran aux devises fortes se faisant de plus en plus difficile et coûteux, le pays pourrait être témoin d’une réduction de sa capacité à payer ses équipement lourds et autres éléments lui permettant de maintenir son industrie pétrolière et d’autres secteurs clés de son économie à flot.

En réponse à la pression américaine sur les autres établissements européens travaillant pour des sociétés iraniennes, l’Iran a déclaré qu’il voulait conduire la plupart de ses opérations en euros, monnaie de l’UE. Mais le pétrole constitue la majorité des exportations de l’Iran et beaucoup de ses partenaires commerciaux au Moyen Orient ne traitent qu’en dollars, monnaie de l’industrie pétrolière internationale.

Actuellement, la Commerzbank mène les transactions des banques d’État iraniennes aussi bien en dollars qu’en euros. Comme plusieurs autres banques européennes, elle cessera uniquement les transactions en dollars, ce qui a de grandes chances de limiter les dégâts économiques en Iran et de permettre aux banques du pays de continuer à payer les fournisseurs qui accepteront les euros ou d’autres devises.

Mais la Commerzbank et ses pairs s’exposent à une pression grandissante des États-Unis. « Les risques de traiter avec l’Iran sont les mêmes avec les autres monnaies », a affirmé M. Levey. Les hauts responsables du renseignement affirment que la Bank Saderat, grande banque iranienne contrôlée par l’État, et placée sur la liste noire du Trésor américain en octobre pour son financement présumé du terrorisme, a pu mener ces derniers mois des transactions en dollars par le biais de la filiale de la
Commerzbank à New York en se servant des comptes de deux autres banques iraniennes.

La Commerzbank a annoncé qu’elle avait cessé de traiter avec Saderat après qu’elle ait été placée sur la liste noire américaine et qu’elle n’avait aucune connaissance de transactions ultérieures. « La Commerzbank n’a aucune connaissance de l’utilisation directe ou indirecte par la Bank Saderat de comptes d’autres banques iraniennes pour des transactions en dollars », a déclaré la banque dans un communiqué. La Commerzbank, en réponse à une enquête du Wall Street Journal à propos de ses opérations avec l’Iran, a également affirmé que « de telles transactions [en dollars] étaient actuellement supprimées graduellement» en vue du 31 janvier. Elle a ajouté : « Toute opération de compensation menée par notre branche américaine respecte rigoureusement » la réglementation du gouvernement des États-Unis.

Les efforts visant à isoler l’Iran semblent produire des résultats en Italie, un des plus grands partenaires commerciaux de la nation. En 2005, les échanges commerciaux entre les deux pays ont atteint 6 milliards de dollars. Preuve que les banques européennes reconsidèrent leurs opérations avec l’Iran, la plus grande banque italienne, Intesa Sanpaolo SpA, a affirmé que ses opérations commerciales et financières avec le pays avaient chuté de manière significative ces derniers mois.

La campagne de l’Amérique visant à empêcher les banques européennes de faire affaires avec l’Iran est très controversée. Les banques européennes considèrent que cette initiative cherche à étendre la portée des sanctions des USA contre l’Iran sans le soutien des Nations Unies ou de l’UE.

En effet, aucun décret international n’interdit de fournir des services financiers et commerciaux aux banques iraniennes. Mais les banques qui assistent les établissements bancaires iraniens s’exposent de plus en plus à des sanctions des USA et à la pression politique du département du Trésor américain. Les États-Unis, marché clé pour la plupart des banques internationales, ont depuis longtemps décidé seuls d’imposer des restrictions strictes sur les opérations des banques d’affaires et des sociétés américaines avec l’Iran.

En réponse à la pression américaine, ABN Amro Holding NV, Crédit Suisse Group et UBS AG en Suisse, le Crédit Lyonnais et la Société Générale SA en France, et Barclays PLC et HSBC Holdings PLC au Royaume-Uni ont tous limité ou mis fin à leurs transactions avec les banques iraniennes l’an passé.
 
–Gabriel Kahn et Bill Spindle à Rome, ainsi que Neil King Jr. à Washington ont contribué à la rédaction de cet article.