Par Sid Ahmed Ghozali
Ancien Premier Ministre d’Algérie et Président du Comité de Solidarité arabo-islamique avec la Résistance Iranienne.
Asharq Al-Awsat, 19 Août 2018 – J’ai participé il y a quelques jours à une conférence de presse qui s’est tenue à Bruxelles afin de révéler de nouvelles informations sur le projet d’attentat à la bombe contre le Congrès annuel de la résistance iranienne à Paris, le 30 juin dernier, dirigé par un diplomate de l’Ambassade d’Iran à Vienne et plusieurs de ses hommes de main.
En tant que Président du Comité de solidarité arabo-islamique avec la Résistance iranienne, j’avais invité des dizaines de personnalités politiques des pays arabes à participer à cette conférence, qui est non seulement le plus grand rassemblement de l’opposition iranienne à l’étranger, mais on peut dire le plus grand rassemblement politique dans le monde occidental tout au long de l’année.
Pas besoin de rappeler que si ce projet terroriste avait réussi, il aurait laissé des centaines, voire des milliers de victimes parmi les dizaines de milliers de participants réunies à la grande salle des expositions de Villepinte, à Paris. Des centaines d’invités venus de divers pays européens, des États-Unis, du Canada et des pays arabes et asiatiques, des cinq continents en fait, étaient présents dans cette salle.
Les informations récoltées sur ce projet d’attentat meurtrier montre qu’il a été minutieusement préparé depuis des mois et décidé en janvier dernier par les dirigeants de Téhéran.
Deux plans avaient été prévus dans ce projet. Un plan « A » consistait en un attentat à la bombe en Albanie prévu pour le 21 mars, en même temps que le Nouvel An iranien (Nowrouz), contre le rassemblement de la Résistance iranienne à cette occasion à Tirana auquel participaient des milliers de résistants et leurs dirigeants, ainsi que d’importantes personnalités albaniennes et des invités venus d’autres pays.
Ce plan « A » ayant échoué, le plan « B » prévoyait un attentat à la bombe contre le Congrès annuel de la Résistance à Paris.
Le décryptage des informations montre que le régime des mollahs n’a pas épargné le moindre moyen pour réussir son projet. Un examen des faits prouve que le régime avait pleine confiance en la réussite de ce projet. Rien d’autre ne peut expliquer le déplacement d’un diplomate iranien de Vienne à Luxembourg via l’Allemagne, pour remettre personnellement l’explosif à deux membres d’une cellule dormante qui s’étaient implantés depuis des années en Belgique, pour préparer un tel attentat.
La situation est claire et le deviendra encore plus quand les avocats auront accès au dossier d’instruction judiciaire. Mais ce qu’on peut déjà conclure, c’est que cette décision a été prise au plus haut niveau politique à Téhéran, notamment au niveau du Guide suprême et du président iranien. Les informations récoltées par la Résistance iranienne confirment cette hypothèse. Les dirigeants de Téhéran sont parfaitement conscients des retombées que pourrait avoir un tel attentat. S’il est évident qu’ils ont toujours fait tout pour porter un coup de boutoir à la Résistance iranienne et à ses amis, on ne peut négliger qu’ils ont dû réfléchir plus d’une fois à l’impact qu’un tel attentat aurait sur la France, sur le sol de laquelle il devrait avoir lieu. Selon les experts en la matière, en cas de réussite, cet attentat aurait été la plus grande opération terroriste perpétrée dans l’Histoire de l’Europe.
Pourquoi avoir donc pris cette décision ? Tout d’abord, je suis persuadé que, depuis son avènement, le terrorisme est l’un des principaux piliers du régime iranien dans l’équilibre des forces qu’il cherche à instaurer. Il suffit de rappeler plus de 450 opérations terroristes qu’il a perpétrées contre des sujets iraniens et autres de l’est à l’ouest de la planète. Mais s’il a admis ce coup-ci de payer un si lourd tribut, c’est parce qu’il cherche désespérément une issue à l’étau qui se resserre sur le régime. Les soulèvements populaires à l’intérieur de l’Iran aspirent au départ de ses gouverneurs, alors que la Résistance iranienne déploie des efforts incessants depuis quarante ans pour débarrasser le peuple iranien et les peuples du Moyen-Orient de toutes ces répressions, tous ces actes de terrorisme, toutes ces guerres et tous ces crimes.
En Algérie nous sommes bien conscient de la nature de ce régime qui se repose sur l’intégrisme religieux et sur la violence et le terrorisme. C’est dans les années 80 du XXe siècle que le régime de Téhéran a constitué des réseaux secrets dans l’ouest de l’Algérie, avant de fournir un soutien politique et matériel aux groupes terroristes dans les années 90. C’est à cette époque que le feu président Mohamed Boudiaf a décidé la rupture des relations diplomatiques avec Téhéran ; une décision qui a été mise à exécution après son assassinat.
Dans le cas précis du projet terroriste dont il est question, les autorités judiciaires européennes ont annoncé qu’un diplomate iranien professionnel certifié en Autriche est tombé aux mains de la justice en Allemagne. Selon les informations rendues publiques, c’est ce diplomate qui a remis l’explosif au couple terroriste à Luxembourg. De toute évidence les Occidentaux se trouvent confrontés à un terrorisme d’Etat qui ne cible pas uniquement les pays arabes et musulmans, mais bien l’Occident. Par conséquent, les autorités européennes, allemandes et belges en particulier, doivent agir en toute indépendance jusqu’à la fin de la procédure judiciaire et éviter toute tractation politique dans ce dossier. Le moment est venu, je crois, de demander des comptes aux terroristes, dont les terroristes de Téhéran, que ce soit pour des actions en Iran ou à travers le monde. C’est en quelque sorte le teste du sérieux de l’Europe dans la lutte contre le terrorisme dans le monde.
Source ; Asharq Al-Awsat, 19 Août 2018