Malgré un climat intense de censure, de répression et un accès restreint aux outils de communication, des rapports en provenance d’Iran indiquent qu’au moins 244 actions de protestation ont eu lieu à travers le pays en avril 2025. Ces chiffres, compilés par des militants et des groupes de surveillance, ne reflètent qu’une partie de contestations beaucoup plus vaste contre les politiques, la corruption et la répression du régime.
Les observateurs préviennent qu’en raison du contrôle strict de l’information par le régime, des coupures d’Internet et de l’intimidation des journalistes et participants indépendants, l’ampleur réelle des manifestations est probablement bien plus grande, de nombreux incidents restant non documentés.
May 5—Qazvin, northern Iran
Defrauded customers of the state-backed carmaker Reyhan Tak rally in front of the offices of the justice ministry to reiterate their demand for the delivery of their purchases based on the original contract. #IranProtestspic.twitter.com/5WRkt29bjc— People's Mojahedin Organization of Iran (PMOI/MEK) (@Mojahedineng) 5 mai 2025
Manifestants dans tous les secteurs et toutes les villes
Selon le dernier bilan, les manifestations ont touché un large spectre de la société et de l’économie iraniennes, témoignant d’un mécontentement croissant dans différents secteurs:
- Des retraités ont organisé 73 manifestations dans plusieurs villes, réclamant le non-versement de leurs retraites, de leurs prestations de santé et des mesures contre la hausse du coût de la vie. De Téhéran à Ahvaz, des manifestations ont été observées, dénonçant l’incapacité du régime à mettre en œuvre des politiques équitables et accusant des organismes liés au gouvernement, comme le Siège exécutif de la Directive de l’Imam et les fondations coopératives du CGRI, de piller les fonds de pension.
- Les travailleurs ont organisé 68 manifestations pour protester contre les salaires impayés, les mauvaises conditions de travail et les licenciements massifs. Les secteurs clés comprenaient le pétrole et le gaz, l’acier et les transports, avec des manifestations de travailleurs contractuels à South Pars, de travailleurs de la raffinerie de Jam et d’employés municipaux à Bouchehr.
- Les agriculteurs ont manifesté au moins 17 fois, notamment à Ispahan et au Sistan-Baloutchistan, dénonçant les pénuries d’eau, la distribution inéquitable de l’eau et l’effondrement de l’agriculture locale. Les manifestants ont bloqué des routes et fait pression sur les autorités locales pour obtenir l’accès à l’irrigation et des indemnisations.
- https://twitter.com/Mojahedineng/status/1919359145527877638
Autres actions de protestation :
- 7 manifestations de boulangers à Kermanshah, Shiraz et Qom, exigeant des subventions et des prix équitables ;
- 4 manifestations de chauffeurs routiers à Yazd et au Khouzistan, pour protester contre les bas salaires et les problèmes de licences ;
- Manifestations de commerçants et de vendeurs sur les marchés de Téhéran, Shiraz et Marivan contre des impôts injustes et la flambée des loyers ;
- Des enseignants ont manifesté à Téhéran et Khorramabad pour protester contre les retards de paiement et la mauvaise gestion des fonds.
À Tabriz, les habitants ont protesté contre les émissions toxiques d’une raffinerie, néfastes pour la santé et l’agriculture. Parallèlement, les travailleurs du pétrole de l’île de Lavan ont protesté contre leurs conditions de travail.
Actions de protestation au-delà des revendications syndicales
Outre les revendications économiques, plusieurs manifestations ont eu lieu en avril, motivées par des préoccupations en matière de justice sociale et de droits humains :
Des familles de condamnés à mort ont organisé des veillées et des rassemblements devant les prisons de Téhéran, d’Urmiyah, de Dezful et de Sanandaj, exigeant l’annulation des peines d’exécution.
Des habitants du Khuzestan et d’Ilam ont protesté contre les pénuries d’eau et la dégradation de l’environnement causées par des projets de barrages et d’exploitation minière soutenus par l’État.
Des manifestations en Iran contre la misère économique, les coupures de courant et les exécutions #IranProtestshttps://t.co/Zgt40GnfVB
— Afchine Alavi (@afchine_alavi) 6 mai 2025
À Qazvin, des investisseurs escroqués ont bloqué l’autoroute Qazvin-Karaj pour exiger des réparations dans une affaire de fraude à la vente de voitures.
À Téhéran, des étudiants ont protesté contre le règlement des examens ; à Lamerd, des lycéens ont protesté contre les coupures de courant qui perturbaient les cours.
Répression et répression silencieuse
Plusieurs manifestations auraient été victimes d’intimidation ou de répression violente. À Dezful, un homme nommé Azim Farrokhvand a été tué par les forces de sécurité alors qu’il manifestait contre une exécution, ce qui a déclenché un grand rassemblement funéraire réclamant justice.
Des sources locales font état d’arrestations, de harcèlement et de surveillance visant les leaders de la manifestation, faisant craindre une intensification de la répression face à la montée de la colère populaire.
Un avenir tendu et incertain
Les militants avertissent que ces 244 manifestations documentées sous-estiment probablement l’ampleur réelle des troubles. « De nombreuses manifestations ne sont jamais signalées en raison des blocages d’Internet, des arrestations et de la peur des représailles », a noté un observateur en exil.
La persistance des manifestations dans tous les secteurs témoigne d’un profond mécontentement face à la gestion par le régime des crises économiques, politiques et sociales. Selon les analystes, l’incapacité des dirigeants à répondre aux griefs érode la patience de la population, ouvrant la voie à de nouveaux troubles.
Alors que l’économie iranienne continue de vaciller sous l’effet de la corruption, des sanctions et de la mauvaise gestion, et dans un contexte d’isolement international croissant, le régime est confronté à une population de moins en moins disposée à souffrir en silence, même si ses voix sont réduites au silence aux yeux du monde.