De Claude Salhani, Rédacteur en chef international, UPI
United Press International Les experts du Moyen Orient vont certainement passer les prochains jours et les prochaines nuits à essayer de déterminer si la lettre envoyée par le président iranien Mahmoud Ahmadinejad au président George W. Bush constitue un pas en avant audacieux de la part du président conservateur de la République Islamique, si elle doit être interprétée comme un signe de faiblesse ou si elle a des motivations cachées.
« La lettre dAhmadinejad au président Bush constitue une tentative de dernière minute pour échapper à des sanctions du Conseil de Sécurité des Nations Unies et pour gagner du temps, tandis que lIran accélère lenrichissement de luranium », a déclaré à United Press International Alireza Jafarzadeh, président de Strategic Policy Consulting et ancien porte-parole à Washington du parlement iranien en exil, le Conseil National de la Résistance Iranienne.
« Les Etats-Unis ne doivent pas se laisser duper par les maîtres de la supercherie et de la dérobade à Téhéran », a déclaré Jafarzadeh, en référence au régime actuel.Cependant, dautres observateurs pensent que la lettre est un effort du président iranien qui espère calmer la tension grandissante entre son pays et les Etats-Unis tandis que la Maison Blanche et ses alliés européens cherchent par tous les moyens dempêcher lIran daccéder à la capacité nucléaire. Dans tous les cas, il sagit dune mesure extrêmement inhabituelle pour le président de la République Islamique, avec qui les Etats-Unis nont plus aucune relation diplomatique depuis 1980.
Une explication pourrait résider dans le fait que lIran tente dempêcher une attaque contre ses sites nucléaires. De nombreuses rumeurs circulent à Washington ces dernières semaines sur la possibilité dune attaque des Etats-Unis contre lIran. Toutefois, un scénario bien plus probable serait une attaque dIsraël contre les sites nucléaires iraniens, plutôt que des forces américaines.
Israël, qui est le pays le plus exposé à la menace dun Iran armé nucléairement, est beaucoup plus motivé que nimporte quel autre pays pour priver lIran de la capacité nucléaire. Israël détient également les équipements et la technologie ainsi que le matériel et lentraînement nécessaires pour mener à bien une telle opération. De plus, Israël pourrait mettre à exécution une frappe contre lIran sans avoir à se préoccuper outre mesure des répercussions politiques dun tel acte. Par contre, les Etats-Unis devraient gérer les retombées politiques.
Une autre explication réside dans la date choisie pour lexpédition de la lettre iranienne. Elle survient au moment où le Conseil de Sécurité des Nations Unies est sur le point dexaminer un projet de résolution imposant des sanctions à lIran pour avoir ignoré les appels de lAgence Internationale de lEnergie Atomique. Mais le simple fait que lIran ait envoyé une lettre au président américain embrouille la situation et fait gagner du temps à lIran, élément extrêmement précieux dans ce cas.
Bien que le contenu de la lettre ait été jugé sans importance par ladministration Bush, elle menace de retarder les procédures de lONU par sa simple existence. LIran peut assurer avoir fait un premier pas et que la lettre a été écrite en toute bonne foi. Cest un élément que les Nations Unies doivent prendre en considération. Et cela signifie beaucoup de temps perdu, du temps pendant lequel lIran peut avancer dans son programme.
Par ailleurs, lIran désire éviter des sanctions internationales. La République Islamique a été renvoyé devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies tandis que les efforts des puissances occidentales se poursuivent pour que lIran abandonne ses ambitions nucléaires.
Alors que le président Bush affirme quil préférerait une solution diplomatique à la crise actuelle sur le nucléaire iranien, il a tout de même répété que « toutes les options restaient à lordre du jour ». Et celles-ci incluent la solution militaire.
La lettre dAhmadinejad a été remise à lambassade de Suisse à Téhéran, qui gère les affaires américaines depuis que les USA et lIran ont rompu leurs relations diplomatiques peu après la révolution islamique.
« Ahmadinejad, selon le dissident iranien, fait face à des problèmes majeurs à lintérieur du pays. » Jafarzadeh fait allusion ici au nombre croissant de manifestations anti-gouvernement et de mouvements de protestation en Iran. Selon des sources à lintérieur du pays, il y a eu plus de 4000 manifestations contre le gouvernement lannée dernière.
« Les Etats-Unis doivent interpréter la lettre dAhmadinejad comme un signe de faiblesse et de désespoir et intensifier la pression sur le régime. Parallèlement à une résolution du Conseil de Sécurité de lONU, les Etats-Unis doivent augmenter la pression politique sur lIran en renforçant leur soutien à lopposition iranienne qui a déjà appelé à un changement de régime en Iran », a ajouté Jafarzadeh.
Les forces opposées au régime en Iran demandent au département dEtat des Etats-Unis de retirer toutes les restrictions pesant sur les groupes dopposition iraniens afin dassurer un changement démocratique rapide en Iran « avant quAhmadinejad ne donne aux ayatollahs leur première bombe nucléaire ».