vendredi, mars 29, 2024
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Iran : Interview exclusive de Maryam Radjavi

Maryam RadjaviDe CLAUDE SALHANI, UPI, Rédacteur en chef international

AUVERS-SUR-OISE, France, (UPI) – Maryam Radjavi, leader charismatique de l’opposition iranienne, le Conseil national de la Résistance iranienne, dont l’énigmatique Moudjahidine du peuple (OMPI) a été accusé de tout (de terrorisme, de marxisme et même d’être une secte secrète), nous parle de l’OMPI, de la situation en Iran et de l’avenir de son pays dans une interview exclusive avec Claude Salhani, Rédacteur en chef international chez United Press International. L’interview a eu lieu chez elle, à Auvers-sur-Oise. Voici quelques extraits d’une longue conversation avec Maryam Radjavi, officiellement présidente élue du CNRI.

United Press International : Vous luttez depuis longtemps pour que l’OMPI  soit retirée de la liste du terrorisme des Etats-Unis et de l’Union Européenne. Que pourriez-vous accomplir de plus si l’OMPI était retirée de ces listes ?

RADJAVI : La présence de l’OMPI sur la liste de la terreur est le résultat de la politique de complaisance des gouvernements occidentaux vis-à-vis du régime des mollahs. Pour les mollahs, taxer l’OMPI d’organisation terroriste a fait passer un message aux Iraniens. Celui qu’ils ne devraient même pas avoir le droit de penser à la liberté, ni à la démocratie dans leur pays parce qu’ils soutiennent une dictature, parce que même l’Europe est derrière les mollahs. Cette politique a totalement échoué.

UPI : Que pensez-vous du fait que l’Occident donne aux mollahs presque tout ce qu’ils veulent dans les négociations nucléaires ?

RADJAVI : Ces concessions encouragent le régime des mollahs. Elles intensifient leur arrogance. C’est le résultat de la politique des gouvernements occidentaux. Il n’y a aucune volonté en Occident de s’opposer à leur attitude, donc ils continuent de faire du chantage, de proférer des menaces et d’imposer leur volonté à la communauté internationale. C’est comme ça qu’ils le voient. Et c’est une grande erreur de calcul de l’Occident. Les mollahs sont incapables de réforme. Ils profitent des erreurs de l’Occident. Alors imaginez le jour où les mollahs auront des armes nucléaires.

UPI : Imaginions que vous soyez au pouvoir, que feriez-vous des mollahs ?

RADJAVI : Le Conseil national de la Résistance iranienne a déjà annoncé sa position et son programme. Le CNRI a l’intention d’organiser des élections libres dans les six mois. Une des missions premières après le renversement (du régime) sera de dissoudre tous les organes répressifs, dont les soi-disant tribunaux de la charia. La liberté des femmes sera appliquée. Actuellement, la société iranienne est privée de ses droits les plus élémentaires. Nous élaboreront une nouvelle constitution et il y aura la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Les dirigeants du régime des mollahs doivent être jugés dans un tribunal international pour les crimes qu’ils ont commis contre l’humanité.

UPI : Comment vous voyez-vous arriver au pouvoir ?

RADJAVI : Nous pensons que la résistance iranienne a tous les ingrédients (pour diriger). Nous avons le soutien du peuple. Plus de 120.000 de nos partisans ont été exécutés. Ils venaient de toutes les couches de la société, ce qui montre la base populaire de la résistance. D’un autre côté, la résistance iranienne a un réseau bien organisé à l’intérieur du pays, qui organise en ce moment même des manifestations contre le gouvernement. De plus, nous avons une force concentrée et bien organisée le long de la frontière Iran-Irak, attendant le bon moment pour briser le climat de répression en Iran. Enfin, nous avons un réseau de renseignement à l’intérieur du pays, qui a déjà fait ses preuves. (C’est l’OMPI qui a la première tiré la sonnette d’alarme sur les ambitions nucléaires de la république islamique.)

UPI : Vous attendez-vous à un mouvement de pression venant de l’intérieur ou de l’extérieur du pays pour renverser le régime ?

RADJAVI : La résistance iranienne et le peuple utiliseront leurs ressources, mais la réalité c’est qu’actuellement, la pression que les pays européens et les Etats-Unis exercent sur la résistance donne aux mollahs une justification pour exécuter les membres de la résistance en disant qu’il s’agit de « terroristes ». Si les gouvernements étrangers cessaient d’aider ce régime, les Iraniens et leur Résistance seraient capables de le renverser. De plus Je dois ajouter que cette résistance est l’antithèse de l’intégrisme islamique.

UPI : Admettons que l’Iran obtienne des armes de destruction massive et que vous deveniez chef de l’Etat. Seriez-vous disposée à les abandonner ?

RADJAVI : Nous ne voulons pas d’un Iran nucléaire car ce n’est pas dans l’intérêt des Iraniens. Comme vous le savez, l’Iran est un pays très riche. Il a du gaz, du pétrole et beaucoup d’autres ressources. Donc, même d’un point de vue économique, il est inutile de dépenser dans le secteur de l’énergie nucléaire. Malgré toutes ces ressources, 80 % des Iraniens vivent en dessous du seuil de pauvreté. Et ça, c’est vraiment une tragédie.

UPI : Si vous étiez au pouvoir, quelle serait votre politique vis-à-vis de l’Irak ?

RADJAVI : Le CNRI a déclaré que sa politique étrangère était basée sur l’amitié et la non ingérence dans les affaires internes des autres pays. Concernant l’Irak, il faut dire que pendant que le régime iranien intervient largement dans les affaires de l’Irak, les Irakiens subissent eux aussi la pression du régime iranien.

UPI : Quels seraient les tout premiers changements que vous mèneriez ?

RADJAVI : Nous avons dit que la première des choses serait d’organiser des élections libres.

UPI : Vous et les membres de votre organisation ont été accusés à plusieurs reprises d’être un groupe marxiste, une secte ou une société secrète.

RADJAVI : Cette étiquette a été utilisée par le chah pour ternir la popularité des Moudjahidine parmi les Iraniens. Et Khomeiny s’en est servi dans le même but. Sinon, comment pourraient-ils justifier qu’ils prônent le véritable islam ?

UPI : Comment vous décririez-vous, vous et votre mouvement ?

RADJAVI : A mes yeux, notre mouvement est une force profondément démocratique, musulmane et éprise de liberté. Nous croyons dans la liberté sociale et sommes radicalement opposés à l’intégrisme islamique.

UPI : Quelle est donc la place des non Musulmans en Iran ?

RADJAVI : La religion est une affaire personnelle et fait partie de la liberté individuelle. Le fait d’appartenir à telle religion n’est pas mieux que d’appartenir à une autre. L’Islam est la religion de l’émancipation, de la clémence, de l’égalité, de l’espoir et de la fraternité.

UPI : Vous avez combattu le chah. Votre mouvement a combattu le chah. Pourriez-vous vous allier à son fils ? Voyez-vous un quelconque rôle futur pour le fils du chah ?

RADJAVI : La monarchie appartient au passé. Les Iraniens ont clairement exprimé leur point de vue. Les Iraniens veulent la liberté et sont contre toutes les formes de dictature.

UPI : En dépit du profond mépris de millions d’Iraniens pour les mollahs, comment expliquez-vous la stabilité du régime et le fait qu’il est au pouvoir depuis 27 ans, depuis la révolution ?

RADJAVI : Grâce à la répression absolue et à l’exportation du terrorisme. Ils continuent d’exécuter des familles entières. Ils ont besoin de créer ce climat de peur et de répression. Malheureusement, c’est le soutien de l’Occident qui a renforcé ce régime.
 
UPI : Le Premier ministre israélien Ehud Olmert a bien fait comprendre il y a quelques jours à Petra, en Jordanie, que l’Iran ne serait pas autorisé à obtenir des armes nucléaires. Supposons qu’Israël frappe l’Iran, quelles en seraient les conséquences selon vous ?

RADJAVI : La solution à la crise nucléaire ne réside pas dans une intervention militaire étrangère, ni dans la politique de complaisance, mais dans ce que nous appelons la troisième voie (soutenir la résistance).

UPI : Pensez-vous qu’une frappe d’Israël et/ou des Etats-Unis renforcerait encore le régime de Téhéran ?

RADJAVI : Non. Je pense que les Iraniens ne soutiennent aucunement ce régime, sauf un petit groupe comme les gardiens de la révolution, mais pas le peuple.

UPI : Pensez-vous que les USA vont jouer un rôle majeur dans la région ?

RADJAVI : Je pense que les Etats-Unis ont un rôle important à jouer en adoptant une politique ferme. S’ils n’adoptent pas une politique de fermeté vis-à-vis du régime des mollahs, alors ils doivent livrer l’Irak aux mains des mollahs. Et cela entraînera d’autres pays de la région.

UPI : Considérez-vous l’Amérique comme un catalyseur dans la région ?

RADJAVI : La politique de complaisance aide les mollahs à survivre. Les Etats-Unis ont réellement rendu un grand service au régime.

UPI : Si vous aviez un message à faire passer au président Bush, quel serait-il ?

RADJAVI : Il est nécessaire d’être ferme avec le régime des mollahs. Et d’appliquer cette fermeté, pas seulement d’en parler, mais de la mettre en pratique. Et d’écouter la voix des Iraniens.

UPI : Et si le président Bush vous disait « concrètement, que puis-je faire pour vous aider ? »
 
RADJAVI : Imposez des sanctions diplomatiques, économiques et des sanctions sur le pétrole. Isolez les mollahs. Faites quelque chose qui montre aux mollahs la détermination des Etats-Unis et des pays occidentaux, et immédiatement après reconnaissez la résistance iranienne et le peuple d’Iran. Le reste, la résistance peut le faire toute seule.

UPI : Les Etats-Unis sont-ils en train de faire la même erreur avec Ahmadinejad qu’avec Khomeiny ?

RADJAVI : Absolument.