jeudi, mars 28, 2024
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Iran et Irak : L’imminence d’une catastrophe

Par Dr Majid Sadeghpour
 
Global Politician – Silencieusement mais systématiquement, les voix nationalistes, laïques et démocratiques d’Irak se taisent, leurs vies enlevées et leur sang versé dans le dangereux combat pour la démocratie et la souveraineté de leur pays en proie aux troubles. Les meurtriers sont mystérieux, mais leurs traces mènent finalement l’observateur prudent vers le pays voisin à l’est, dont les dirigeants extrémistes seraient les principaux responsables de l’instabilité en Irak.

Au milieu de l’influence incroyablement destructrice du régime iranien et de la violence qu’il perpétue, l’Irak renferme encore une population vivante, tolérante et laïque. Malheureusement, et sans beaucoup attirer l’attention de la communauté internationale, ces voix sont réduites au silence de manière brutale et méthodique. L’Irak perd ainsi son meilleur capital humain, et le plus brillant, à une vitesse inquiétante.
 
À la mi-octobre, Abdul-Rahim Nasrallah, dirigeant du Parti national de la Justice et du Progrès (PNJP) et directeur de la toute nouvelle chaîne de télévision satellite laïque (Shaabiya), a été abattu à Bagdad, tout comme dix de ses collègues. Ces sont des hommes armés, vêtus d’uniformes de la police, qui auraient commis ces meurtres (Reuters – 12 octobre 2006). Le PNJP est un parti laïc qui a beaucoup exprimé son mécontentement face à l’interférence iranienne en Irak (Iran Targets Iraqi Nationalists-Iran Focus. 13 octobre 2006).
 
Les chefs religieux séculiers n’ont pas échappé à cette campagne de terreur, soulignant le fait que ces assassins ne frappent jamais au hasard. L’ayatollah Mohammad Moussawi Qasemi, secrétaire général du Parti de l’Unité islamique en Irak et éminent leader chiite, a été tué dans une attaque parfaitement coordonnée menée par des agents ayant des liens avec l’Iran à l’aide d’un engin explosif contrôlé à distance. L’ayatollah Moussawi Qasemi s’était catégoriquement opposé à l’influence de l’Iran dans le sud de l’Irak (Middle East Time. 19 octobre 2006).
 
Il est intéressant de noter que son Parti de l’Unité islamique en Irak avait délivré un communiqué le 25 août dernier, faisant remarquer que « l’intervention du régime iranien en Irak était menée de manière on ne peut plus révoltante par ses milices alliées, faisant beaucoup de victimes parmi les Irakiens » (Extraits de la lettre de l’ayatollah Qasemi aux Forces multinationales en Irak).
 
Autre exemple, ayant eu lieu en octobre également : des hommes armés habillés en policiers ont tué le frère du vice-président irakien sunnite, Tareq al-Hashemi, dans le nord de Bagdad. Amer al-Hashemi, général de division dans l’armée irakienne, se trouvait à son domicile à Sulaikh lorsque des hommes armés sont soudain entrés chez lui et l’ont abattu, selon les agences de presse. La soeur de Hashemi, Meysoun, et un autre de ses frères, Mahmoud, avaient été tués par des hommes armés plus tôt dans l’année. Le Parti islamique irakien de M. al-Hashemi, le plus grand parti du principal bloc politique sunnite au parlement, accuse Téhéran d’armer des milices chiites clandestines.
 
Le 30 septembre, Mohammad Qassem Ahmad al-Bayati, gouverneur de la ville de Soleiman-bak, dans le nord du pays, a été assassiné par des hommes inconnus. En septembre également, le porte-parole de l’alliance Maram, Muhammad Shihab al-Dulaymi, a été tué par balles à Bagdad. L’alliance est composée de 42 entités politiques majoritairement sunnites et laïques, comme le Front de l’Accord irakien, le Front irakien pour le Dialogue national et la Liste nationale irakienne, menée par l’ancien Premier ministre irakien, Ayad Allawi.
 
L’élément commun à tous ces meurtres ciblés et bien d’autres encore est indubitablement la force remarquablement bien financée située derrière chacun d’entre eux. De façon intéressante, pratiquement toutes ces personnes avaient récemment exprimé leur mépris pour l’influence iranienne en Irak, ou
explicitement fait part de leur soutien pour un important groupe d’opposition iranien basé à Achraf, en Irak. La disparition de ces personnalités brillantes va sans aucun doute influencer la dynamique de la politique irakienne. Leur élimination méthodique du paysage politique et social aura servi à réduire au silence de manière efficace les voix démocratiques luttant pour un Irak indépendant et souverain. De cette manière, les dictateurs de Téhéran souhaitent décrocher la récompense finale : contrôler les villes saintes de Nadjaf et de Karbala.
 
Le fait que les mollahs aient un intérêt particulier en Irak, et qu’ils soient par ailleurs incapables de tolérer les points de vue sociaux et politiques progressistes, n’est pas un phénomène nouveau.
 
Pour replacer les événements récents dans leur contexte, nous devons nous rappeler de la longue et sanglante guerre entre l’Iran et l’Irak. Les mollahs ont fait durer cette guerre des années après le retrait de l’Irak de leurs frontières. Leur objectif était clair à l’époque et allait de pair avec leur idéologie. Par le passé et encore aujourd’hui, leurs actes sont motivés par un but expansionniste unique : établir un État islamique plus grand et englobant l’Irak. De plus, les ayatollahs et leurs petits copains extrémistes s’étaient depuis longtemps perfectionnés dans l’art d’éliminer les voix laïques, modérées, démocratiques et indépendantes. Les rues de Téhéran et d’Europe occidentale ont été la scène de nombreux actes terroristes, meurtres de sang-froid et assassinats au grand jour organisés et exécutés sur l’ordre des plus hautes autorités de l’Etat clérical.
 
Et oui, la logique derrière la stratégie des ecclésiastiques iraniens est mûrement réfléchie, mais pourtant simple.
 
Les mollahs de Téhéran font aux Irakiens ce qu’ils ont fait aux intellectuels et aux dissidents iraniens. En créant en Irak un paysage  sociopolitique homogène, mais surtout extrémiste, ils cherchent à étendre un peu plus leur influence vers l’ouest, l’est ou le nord. Cette entreprise est certainement cohérente avec leur campagne délibérée d’expansion régionale, et ouvre ainsi la voie pour l’établissement d’un nouvel empire islamique. Tout ceci serait une catastrophe non seulement pour l’Irak et la région,
mais aussi pour la communauté internationale au sens large.
 
 
Dr Majid Sadeghpour est activiste des droits humains. Il est actuellement membre de la National Coalition of Pro-Democracy Advocates (
www.ncpda.com).