Après des mois de spéculations et de manœuvres diplomatiques, le guide suprême du régime iranien, Ali Khamenei, a rendu son verdict final sur les négociations avec les États-Unis. Dans un discours marquant l’anniversaire de la révolution de 1979, Khamenei a rejeté les pourparlers avec les États-Unis comme « ni sages, ni rationnels, ni honorables ». Sa déclaration est intervenue peu de temps après que l’administration Trump a renforcé sa politique de « pression maximale », signalant que Washington reste engagé dans la coercition économique et diplomatique.
Alors que le régime clérical fait face à de graves crises économiques, sociales et politiques dans le pays et à l’étranger, Khamenei, qui dispose d’un accès sans précédent aux rapports de sécurité et aux briefings des services de renseignement, reste catégoriquement opposé aux négociations. Beaucoup en Occident pensaient que les problèmes croissants de Téhéran pousseraient Khamenei à négocier. Pourtant, paradoxalement, ce sont précisément ces crises qui le rendent incapable d’engager des pourparlers ou de faire des concessions.
L’abîme économique
Le régime iranien est aux prises avec de graves problèmes socio-économiques depuis des années. L’inflation est restée constamment supérieure à 50 %, le rial ayant chuté à un niveau historiquement bas de 920 000 contre le dollar après les récentes déclarations de Khamenei. Le chômage a dépassé les 20 %.
Ces difficultés économiques persistantes ont conduit à plusieurs reprises à des troubles sociaux, comme en témoignent les manifestations de décembre 2017 et de novembre 2019 déclenchées par la hausse des prix des denrées alimentaires ou du carburant. L’incapacité du régime à résoudre ces problèmes systémiques continue d’éroder sa stabilité intérieure.
Cependant, Khamenei comprend que tout retrait de ses politiques agressives, y compris la limitation des programmes de missiles ou la réduction des interventions régionales, aliénerait sa base – les forces de sécurité et paramilitaires qui soutiennent le régime. Les concessions seraient un signe de faiblesse, entraînant des fractures au sein de l’establishment et enhardissant les forces d’opposition à l’intérieur et à l’extérieur de l’Iran.
Pourquoi la négociation n’est pas une option
Les décideurs politiques occidentaux ne parviennent souvent pas à saisir la fragilité de la structure dirigeante de régime en Iran. Tout comme les dernières années du régime du Shah, la théocratie d’aujourd’hui est fragile et vulnérable. Khamenei est parfaitement conscient que s’asseoir à la table des négociations avec les États-Unis n’est pas seulement une manœuvre diplomatique, c’est un pari qu’il ne peut pas se permettre. Contrairement aux négociations précédentes, où le régime iranien a joué la montre tout en renforçant ses capacités nucléaires et militaires, la réalité actuelle n’offre pas une telle flexibilité.
Hosseini Shariatmadari, rédacteur en chef du journal Kayhan, a confirmé cette position lors d’un débat télévisé le 8 février : « Les États-Unis ont déjà fixé le plafond des négociations. En réalité, le résultat est prédéterminé ; ils ne nous invitent pas à négocier mais à capituler. » De même, le stratège affilié au CGRI, Saadollah Zarei, a écrit dans Kayhan le 9 février que s’engager dans des négociations avec les États-Unis dans ces conditions conduirait à un « cycle sans fin de concessions, sans même obtenir le moindre gain ».
Une autre révolution iranienne
La réticence de Khamenei aux négociations n’est pas un signe de confiance, mais le reflet du déclin des options de son régime. Il fait face à une nation au bord de l’effondrement économique, à une population désillusionnée et appauvrie, et à un mécontentement croissant même au sein de ses propres rangs. Cependant, selon ses calculs, céder aux exigences américaines ne résoudrait pas ces problèmes ; cela accélérerait l’effondrement de son régime.
Demain marquera les 46 ans de la révolution de 1979, un bouleversement qui a balayé une monarchie que beaucoup croyaient inébranlable. L’empire du Shah, construit sur la répression et la peur, s’est effondré sous le poids de ses propres contradictions. Aujourd’hui, la théocratie iranienne repose sur un terrain tout aussi fragile, s’accrochant au pouvoir par la brutalité et la tromperie, mais incapable d’échapper au sort des régimes qui perdent leur légitimité. Les fantômes de l’histoire nous murmurent un avertissement familier : aucune tyrannie ne dure éternellement.
Au lieu d’espérer des concessions de Téhéran, la communauté internationale doit accepter la réalité selon laquelle un changement significatif ne viendra pas de l’intérieur du système mais de sa disparition. Tout comme la révolution de 1979 a remodelé l’Iran et la région, la chute inévitable du régime actuel ouvrira un nouveau chapitre. Le monde ne doit pas se laisser prendre au dépourvu cette fois-ci. Il doit se tenir prêt, non pas à sauver une dictature en train de s’effondrer, mais à soutenir l’aube d’une nouvelle ère en Iran.