CNRI – Une documentaliste franco-iranienne, Mehrnouche Solouki, est retenue contre son gré en Iran depuis février 2007. Elle s’y était rendue en décembre pour réaliser un documentaire sur le terrible massacre des prisonniers politiques qui a suivi la fin de la guerre Iran-Irak en 1988. Son crime est davoir franchit la « ligne rouge ».
En effet, même si face à lampleur de lopposition au régime des ayatollahs, celui-ci n’arrive plus à contrôler certaines critiques de la population, il existe une « limite » à ne pas franchir. Tout transgression de cette limite provoque une réaction furieuse et violente suivie dune répression impitoyable.
Cette « ligne rouge » qui touche à la survie des mollahs, concerne le moindre contact ou référence à la résistance, à une forme organisée de résistance et plus particulièrement aux activités de lorganisation des Moudjahidine du peuple dIran. Le massacre de 30 000 prisonniers politiques en 1988 fait partie de ces tabous.
La plupart des journalistes iraniens et étrangers à Téhéran savent parfaitement que pour être tolérés, ils ne doivent jamais transgresser ces tabous. Pour certains, cela va jusqu’à une certaine complaisance avec le pouvoir.
Pour réaliser son documentaire sur la répression politique de 1988, Mehrnouche Solouki a dû surmonter l’obstacle du silence, elle le dit dans un article : " Au cours de mes recherches, jai buté sur un mur de silence. A l’exception de quelques familles de victimes, personne ne voulait parler de ces événements devant la caméra, y compris les militants des droits de la personne." Mais l’obstacle majeur fut le régime iranien qui a confisqué son documentaire et l’a emprisonné pendant un mois avant de la retenir de force en Iran en confisquant ses documents.
L’été 1988 a été lune des périodes les plus tragiques du règne des mollahs. A la suite d’une fatwa de Khomeiny ordonnant l’exécution de la totalité des prisonniers politiques "non repentis", un « comité de la mort » à été mis sur pied par les plus hauts responsables du régime pour mettre en uvre ce verdict qui a conduit à lextermination de 30.000 prisonniers politiques en l’espace de trois mois en 1988.
Lélimination des prisonniers Moudjahidine du peuple avait été planifiée depuis longtemps, mais la fin de la guerre avec lIrak hâta sa mise à exécution. En effet la fin de la guerre privait le régime de son principal argument de répression. A cette époque, après huit années dune guerre sanglante et futile, le régime était confronté à un mécontentement populaire. Sa défaite dans le conflit encourageait la population à se débarrasser définitivement des responsables de la théocratie. Il fallait dissuader le peuple. Pour cela Khomeiny a eu sa solution finale : éliminer tous les opposants à commencer par ceux qui se trouvaient en prison. Le régime a pris pour prétexte une vaste opération lancée par la Résistance iranienne.
"Crime against humanity" (crime contre lhumanité) est le titre d’un livre consacré à cet épisode sombre de lhistoire contemporaine de lIran. Publié en 2001 par la Commission des affaires étrangères du Conseil National de la Résistance iranienne. Ce livre très documenté inclus également une liste de 3.208 des victimes de ce « crime contre lhumanité ».
Des documents irréfutables
Alerté par les familles des prisonniers politiques, c’est le CNRI qui a pour la première fois alertée en 1988, l’opinion publique sur l’existence de ces massacres. En automne 1988, de nombreuses organisations de défense des droits de lhomme ont fini par tirer la sonnette dalarme sur les exécutions de masse qui se poursuivaient en Iran et demandaient une enquête internationale.
Quelques années plus tard en décembre 2000, Hossein-Ali Montazeri, un religieux de 79 ans, qui avait été pendant dix ans le successeur désigné de Khomeiny, le dirigeant suprême du régime théocratique au pouvoir en Iran, publiait ses mémoires. Ce texte révélait des documents choquants sur les atrocités commises par le régime, dont la plus horrifiante sur le massacre des prisonniers politiques en 1988 sur lordre de Khomeini.
Le livre de Montazeri a toutefois le mérite davoir une valeur légale et politique unique, dans la mesure où il révèle pour la première fois, des documents clés sur la manière dont le massacre avait commencé et conduit par la suite.
Parmi ces documents, le plus important est le texte de la fatwa décret religieux qui a la force de la loi en Iran des mollahs par laquelle Khomeiny ordonne le massacre de tous les prisonniers politiques. « Ceux qui, à quelque niveau que ce soit, continuent à appartenir aux Monaféquines [Moudjahidin] doivent être exécutés. Exterminez les ennemis de lIslam immédiatement, » a-t-il décrété.
Ce qui donne plus dauthenticité à ces révélations est quelles sont faites par un homme qui était au moment de ce crime le successeur officiellement désigné de Khomeini et la deuxième plus grande autorité dans le pays. Même aujourdhui Montazeri affirme clairement quil parle de lintérieur du régime, quil est soucieux de la survie de celui-ci et quil ne cautionne en aucune manière toute action visant à saper ou changer le régime en place. En fait, au-delà de la révélation de certains documents et faits importants, Montazeri cherche à blanchir les plus hautes autorités du gouvernement impliquées dans ce carnage.
Les documents et récits contenus dans les mémoires de Montazeri complètent et corroborent des milliers de rapports substantiels et des plaintes officielles déposées par des témoins oculaires et les familles des victimes du massacre. Ceux-ci prouvent sans lombre dun doute que la plupart des hauts responsables actuels du régime des mollahs ont participé à lapplication de la politique de lextermination des prisonniers politiques en 1988.
Sexprimant à la télévision française en février 1989, Hachemi-Rafsandjani, alors commandant en chef adjoint des forces armées et président du parlement des mollahs, a indiqué : « le nombre de prisonniers politiques exécutés au cours de ces derniers mois ne dépasse pas un millier » (Iran Yearbook 89/90).
Ali Khamenei, alors président de la République, lactuel guide suprême du régime, sadressant à un rassemblement à luniversité de Téhéran sinterrogeait : « Quant aux exécutions de masse… [de] ceux qui, en prison, étaient en contact avec les Monafeghines qui avaient lancé une offensive contre la république islamique, croyez-vous que nous devrions leur offrir des confiseries pour cela ?… Ils sont condamnés à mort et nous les exécutons. Nous ne plaisantons pas là-dessus » (Radio Téhéran, décembre 1988).
A propos du décret de Khomeiny, le quotidien Iran News écrivait : «Ce décret a été promulgué à lépoque où le président Mohammad Khatami était directeur des Affaires idéologiques et culturelles du haut commandement des forces armées. Il a appliqué le décret de limam de la manière la plus décisive »,(Iran News, 10 avril, 2000).
Ressalat, un autre quotidien sous contrôle gouvernemental, écrivait le même jour : « M. Khatami, qui était directeur des Affaires culturelles du haut commandement des forces armées, a vigoureusement soutenu le décret de limam » (Ressalat, 10 avril, 2000).
Abdulkarim Moussavi Ardebili, chef du pouvoir judiciaire au moment du massacre a déclaré publiquement : « Ils doivent tous être exécutés…Il ny aura plus de sentences et dappels » (Radio Téhéran, 6 août 1988).
Le journal Le Monde écrivait en mars 1989 : « Limam Khomeiny a convoqué le procureur de la révolution, lHojjato-Islam Khoeiniha, pour lui donner lordre de faire exécuter tous les Moudjahidine, quils soient en prison ou ailleurs, pour être entrés en guerre contre Dieu. Les exécutions ont suivi les procès sommaires. Le procès consistait à mettre en uvre des méthodes différentes de pression pour forcer les prisonniers à se repentir, changer dopinion ou passer à laveu … Parmi de très jeunes Moudjahidine exécutés, se trouvait certains de ceux qui étaient emprisonnés depuis 8 ans, alors quils nétaient âgés que de 12 à 14 ans, pour avoir pris part aux manifestations publiques » (Le Monde, 1er mars, 1989).
Le massacre perpétré dans les prisons iraniennes pendant la deuxième moitié de 1988 tombe, sans aucun doute, dans la catégorie des crimes contre lhumanité ; crimes dune gravité qui nécessitent une juridiction, une application et une responsabilité universelles. La Résistance iranienne a présenté aux autorités internationales concernées des dossiers de 21 hauts dirigeants et responsables du régime de Téhéran ayant été les protagonistes majeur de ce massacre. Elle a appelé le Conseil de sécurité de lONU à créer un tribunal pour inculper et juger ces individus sur la base du droit international et des antécédents légaux allant du Tribunal de Nuremberg aux tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda et lex-Yougoslavie, mandatés par des résolutions du Conseil de sécurité.
Première lettre de l’ayatollah Montazeri à Khomeiny
sur le massacre des prisonniers politiques
sympathisants des Moudjahidine du peuple
Au nom de Dieu, Clément, Miséricordieux,
A l’attention du grand ayatollah l’Imam Khomeiny, que le Dieu prolonge sa vie.
Je vous présente mes salutations.
En ce qui concerne votre récent décret sur l’exécution des Monaféghines* prisonniers, je pense que l’exécution des personnes arrêtées à la suite des événements récents n’aura pas d’impacts négatifs et que la nation et la société accepteront cela.
Par contre, en ce qui concerne l’exécution des personnes ayant été en prison depuis un certain temps, j’ai plusieurs observations à vous soumettre :
Premièrement, dans les circonstances actuelles, ces exécutions seront perçues comme des représailles et des actes de vengeance.
Deuxièmement, cela va endeuiller et écurer leurs familles dont un certains nombre sont croyantes et partisanes de la Révolution,
Troisièmement, beaucoup de prisonniers ne persistent plus sur leur position, mais certains responsables font preuve de dureté et les traitent comme ceux qui persistent sur leur position.
Quatrièmement, dans les circonstances actuelles, après les pressions et les attaques de Saddam et des Monaféghines*, nous faisons figure de victime et beaucoup de médias et de personnalités ont pris notre défense. Ce n’est pas dans l’intérêt du régime ni dans celui de votre propre personne qu’ils recommencent leur propagande contre nous.
Cinquièmement, en ce qui concerne les prisonniers ayant déjà été jugés et conformément aux règles juridiques en vigueur condamnés à des peines inférieures à la peine de mort, la décision de les exécuter sans motif et sans aucune nouvelle activité de leur part, serait une décision contraire à toutes les règles de droit et contraire à toutes les jurisprudences. Une telle décision n’aura pas un écho positif dans l’opinion publique.
Sixièmement, nos autorités judiciaires, nos procureurs et non responsable des renseignements ne sont pas des gens parfaits, ils peuvent commettre des erreurs. Votre récent décret conduira inévitablement à l’exécution des innocents. Dans les affaires sérieuses, il n’est pas permis de trancher lorsqu’il y a des doutes.
Septièmement, jusqu’à présent, avec tant de violences et de tueries qu’est ce que nous avons pu obtenir? La seule chose qu’on a obtenu, c’est qu’il y a de plus en plus de propagandes contre nous alors que les gens sont de plus en plus attirés vers les Monaféghines* et les anti-révolutionnaires. Il est temps qu’on fasse preuve de davantage de clémence. C’est ainsi qu’on pourra attirer les gens.
Huitièmement, si vous insistez à faire appliquer votre décret, au moins, ordonnez que les décisions de condamnation à mort soient prises par consensus et non pas par la majorité des voix. De plus, ordonnez que les femmes, en particulier les femmes ayant des enfants, soient épargnées.
Pour finir, la décision d’exécuter plusieurs milliers de personnes en quelques jours, n’aura pas un bon impact et il y aura forcément des bavures. Un certain nombre de juges qui sont des gens croyants, sont très perturbés d’avoir été obligés de prendre de telles décisions. Cette phrase du prophète de l’Islam trouve ici toute sa pertinence : "Lorsque vous êtes chargés de juger et sanctionner un musulman, atténuez votre sentence autant que possible et si possible pardonnez. Lorsque vous risquez de commettre une erreur de jugement, il est préférable de se tromper en pardonnant plutôt que de se tromper en condamnant."
Je vous salue, que le Dieu prolonge votre vie
Le 9/05/1967 (le 29 juin 1988)
Hossein Ali MONTAZERI
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1) "Monafeghines" signifie littéralement "Hypocrites", c’est la terminologie officielle du régime pour designer les Modjahédines du Peuple d’Iran
Fatwa de Khomeiny sur le massacre des Moudjahidine du peuple dans les prisons
« Etant donné que les Monafeghines (1) sont des traîtres qui n’ont aucune croyance en l’Islam, que tout ce qu’ils disent est motivé par leur ruse et leur hypocrisie, que leurs dirigeants ont avoué leur apostasie à l’égard de l’Islam,
Etant donné qu’ils sont en guerre contre le Dieu, qu’ils mènent des guerres classiques [contre le régime] dans le nord, dans l’ouest et dans le sud du pays, en collaboration avec le parti Baas irakien, qu’ils font de l’espionnage pour Saddam contre notre nation musulmane,
Etant donné qu’ils sont en relation avec l’Arrogance mondiale (2), que dès le début de sa fondation, ils ont porté des coups lâches au régime de la République islamique,
[Il est ordonné ce qui suit :]
Tous ceux qui sont emprisonnés à travers le pays et qui persistent dans leur hypocrisie sont condamnés à mort car ils sont en guerre contre le Dieu.
A Téhéran, la compétence de prononcer des sentantes de mort est du ressort d’un comité tripartite composé de Monsieur Hodjatoleslam Nayyeri, Monsieur Eshraghi et un représentant du ministère des renseignements. Même s’il est plus prudent que les décisions soient prises pas consensus, la majorité des votes suffit.
De même, dans les prisons de chacun des chefs-lieux des provinces du pays, les sentantes de mort prononcées après le vote du juge religieux, du procureur de la révolution [du province] ou son substitut et du représentant du ministère des renseignements doivent être nécessairement mises en application.
Il serait naïf d’être clément à l’égard de ceux qui ont déclaré la guerre à Dieu. L’intransigeance de l’Islam à l’égard des ennemies du Dieu fait partie des principes intangibles du régime islamique. J’espère que votre colère et votre haine révolutionnaire contre les ennemis de l’Islam produiront la satisfaction du Dieu.
Que les Messieurs chargés de prendre les décisions ne fassent preuve daucune hésitation, ni doutes, ni atermoiement. Ils doivent s’efforcer à réprimer les mécréants avec la plus grande violence. Faire preuve d’hésitation dans les affaires judiciaires de l’Islam révolutionnaire serait négliger le sang pur des martyrs. »
Rouhollah al-Moussavi al-Khomeiny
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1) "Monafeghines" signifie littéralement "Hypocrites", c’est la terminologie officielle du régime pour designer les Modjahédines du Peuple d’Iran.
2 ) "l’Arrogance mondiale" est le terme utilisé par le régime de Khomeiny pour désigner des Etats-Unis d’Amérique.