lundi, novembre 10, 2025
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Iran : Un régime qui ne peut plus resserrer ses rangs

Iran : Un régime qui ne peut plus resserrer ses rangs

Les conflits de factions au sein du régime iranien fonctionnaient autrefois comme une soupape de sécurité : lorsque le système se sentait menacé dans son existence, les élites mettaient de côté leurs querelles et se ralliaient pour assurer leur survie. Ce réflexe a disparu. Sous une pression extrême, elles se battent en public – non pas tant sur des questions de politique que sur la question de savoir qui survivra à l’ère post-Khamenei. Le résultat est la rupture, et non la reconsolidation.

Nous l’avons clairement constaté cette semaine. Ali Larijani, désormais secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale, a averti que « certains des anciens responsables politiques du pays ne comprennent toujours pas la sensibilité et la gravité du moment présent » et se « querellent facilement entre eux », les exhortant à « dépasser leurs divergences et à renforcer la cohésion nationale ». Cet appel ressemble moins à une tentative d’arbitrage qu’à un signal d’alarme : un initié chevronné qui dit à ses pairs que la maison est en feu et qu’ils se disputent pour les meubles.

La lutte ne porte pas sur une nouvelle ligne économique ou une doctrine de politique étrangère ; elle porte sur la succession. Alors que Khamenei vieillit, aucune voie convenue ni aucun successeur consensuel n’est visible. Ce vide attire tous les arguments dans le gouffre de la question de savoir qui parlera au nom de l’État après lui – et qui sera réduit au silence dès maintenant.

Deux facteurs de panique au sein de la classe dirigeante
Premièrement, le vide laissé par Raisi. Après la mort d’Ebrahim Raisi, Khamenei a été contraint de rééquilibrer plutôt que d’achever sa consolidation du pouvoir. Il a effectivement placé Masoud Pezeshkian à la présidence et Ali Larijani à la tête de la sécurité nationale – deux figures qui exaspèrent les extrémistes Paydari et une partie des commentateurs des Gardiens de la révolution, car les critiques constantes de Pezeshkian sur le dysfonctionnement démoralisent une base loyale déjà en déclin, et Larijani ne cesse de dire au système d’apprendre des gouvernements précédents au lieu de pratiquer une « résistance aveugle ».

Deuxièmement, le retour des personnalités influentes mises à l’écart. L’ancien président Hassan Rouhani a fait son retour sur la scène politique. Dans une vidéo largement diffusée par les médias d’État le 23 octobre 2025, il a remis en question la représentativité du Majlis – « Quel pourcentage de la population ce parlement représente-t-il ? » – et a affirmé que lorsque « 90 % de la population » s’oppose à une mesure (il faisait référence à la nouvelle loi sur le port du voile), « ce n’est pas une loi ; l’esprit d’une telle loi est corrompu ». Pour une personnalité autrefois considérée comme un gestionnaire loyal au système, il s’agissait du premier acte d’une tentative, à la manière de Rafsanjani, d’influencer la succession – une tentative de se positionner non pas comme un outsider, mais comme l’arbitre du prochain arrangement de pouvoir.

Ils ne sont pas les seuls. Faezeh Hashemi a intensifié sa confrontation de longue date avec le cœur du pouvoir en déclarant, dans une interview publiée par Khabar Online le 28 octobre 2025, que son père, l’ancien président Akbar Hashemi Rafsanjani, avait été « assassiné de l’intérieur », rejetant catégoriquement toute implication étrangère – « c’était un acte de terrorisme interne ». Le moment choisi est important : elle fait cette déclaration à un moment de désarroi visible du régime, où une telle accusation inflige un coût politique maximal aux dirigeants et témoigne de sa confiance dans un changement des rapports de force.

Et lorsqu’Ali-Akbar Nateq Nouri – un pilier de la vieille droite – a qualifié la prise d’otages de l’ambassade américaine en 1979 de « grande erreur », la télévision d’État a réagi en ressortant un discours de 1993 pour le ramener dans le giron de l’orthodoxie. Le message sous-jacent était évident : délégitimer la dissidence actuelle en rejouant la loyauté d’hier. L’article a été diffusé le 4 novembre 2025.

Parallèlement, Gholamhossein Karbaschi (ancien maire de Téhéran) a critiqué le virage coercitif pris dans l’application de la loi sur le port du voile, le qualifiant de stratégiquement contre-productif – « même huit millions d’agents ne serviraient à rien » – et a critiqué les flux budgétaires alloués aux institutions de la guerre culturelle, affirmant que ces mesures étaient contraires aux directives du Conseil suprême de la sécurité nationale. Cet entretien, publié le 23 octobre 2025, souligne comment les personnalités issues du régime perçoivent désormais les priorités du pouvoir central comme des menaces à la stabilité même du système.

Parallèlement, Mahmoud Ahmadinejad reste au sein du système mais en dehors de toute obéissance : un ancien président disposant de réseaux factionnels et de dossiers non résolus, impossible à écarter mais impossible à croire – un autre acteur imprévisible dans la course à la succession.

Pourquoi cette fois-ci est différente
Le pouvoir judiciaire continue d’agir comme l’instrument d’application des décisions du Guide suprême. Cela signale à toutes les factions que la critique a des limites pénales, même pour les initiés. Il s’agit moins d’une institution judiciaire que d’un mécanisme de gestion de l’obéissance interne.

Khamenei a payé un lourd tribut pour maintenir le système en place : Pezeshkian et Larijani sont désormais aux commandes, malgré la profonde aversion que leur vouent le bloc Paydari et certains médias fidèles aux Gardiens de la révolution. Pour une partie de sa propre base, leur présence au pouvoir reste une défaite symbolique. C’est pourtant le prix que le Guide suprême paie aujourd’hui pour empêcher les factions de se révolter ouvertement. L’avertissement public de Larijani, selon lequel « certains hauts responsables ne comprennent pas la gravité de la situation », prouve que même cet exercice d’équilibrage est en train d’échouer.

Tous les signaux provenant de l’intérieur du système convergent : les principaux acteurs partent désormais du principe que la doctrine de Khamenei a échoué – elle n’a pas réussi à consolider un bloc dirigeant unifié, ni à transformer les investissements régionaux par procuration en un pouvoir durable, ni à garantir une posture nucléaire assurant la survie du régime. Il ne s’agit pas d’une réorientation stratégique, mais d’une course au positionnement dans un ordre post-Khamenei.