Par : Farid Mahoutchi
Pour le peuple iranien, 2021 s’est terminé alors que la situation des droits de l’homme s’est considérablement détériorée. Le rapport ci-dessous met en lumière la façon dont la théocratie au pouvoir a intensifié la répression sur tous les aspects de la vie pour préserver son emprise sur le pouvoir.
Le rapport annuel d’Iran Human Rights Monitor sur la situation des droits humains en Iran est la principale source de ce résumé.
Un climat social fébrile
En 2021, des Iraniens de tous horizons ont organisé des manifestations quotidiennes à travers le pays. Il y a eu au moins trois manifestations importantes dans trois provinces, Ispahan (centre), Khouzistan (sud-ouest) et Sistan et Baloutchistan (sud-est). Ces protestations ont mis en évidence l’état explosif de la société iranienne.
Pour garder le contrôle, le guide suprême du régime iranien, Ali Khamenei, a décidé de resserrer les rangs. En juin 2021, Khamenei a choisi Ebrahim Raisi, un violeur notoire des droits humains, comme président du régime. Il a également nommé Gholam-Hossein Mohseni Ejei au poste de chef judiciaire. Ejei est un criminel impitoyable qui a été l’adjoint de Raisi lorsque ce dernier était le chef du pouvoir judiciaire de 2019 à 2021.
En 2020, Khamenei a également nommé l’ancien commandant des forces de sécurité de l’État Mohammad Bagher Ghalibaf comme président d’un parlement trié sur le volet. Le trio Raisi, Ejei et Ghalibaf n’a qu’un objectif : intensifier l’atmosphère de terreur et de répression pour étouffer toute forme de dissidence. Ce nouvel arrangement de pouvoir reflète également la paranoïa du régime face aux soulèvements populaires imminents et à la menace existentielle qu’ils représentent pour la survie du régime.
La répression violente des manifestations au cours des derniers mois et l’augmentation du nombre d’exécutions depuis juin 2021 témoignent de la détérioration de la situation des droits humains en Iran d’une part et reflètent le désespoir des mollahs au pouvoir d’autre part.
Manifestations et répression en Iran
De nombreuses manifestations ont éclaté à travers l’Iran en 2021 en raison des crises économiques et sociales qui affligent le pays. Trois manifestations majeures ont duré jusqu’à plusieurs semaines.
Le 22 février 2021, des troubles ont éclaté dans la province du Sistan et du Baloutchistan, dans le sud-est de l’Iran, après que les forces de sécurité du régime ont abattu des dizaines de transporteurs de carburant privés. Le 23 février, malgré la forte présence des forces de sécurité du régime, les habitants de la ville de Saravan se sont soulevés et se sont affrontés avec les forces d’oppression du régime. Ils ont également pris d’assaut le gouvernorat.
En réponse, les forces du régime iranien ont ouvert le feu sur des habitants non armés, tuant au moins 40 manifestants et en blessant 100 autres.
Le 15 juillet, des manifestations ont commencé dans la province du Khouzistan, dans le sud-ouest de l’Iran, en raison de graves pénuries d’eau et des politiques destructrices du régime qui ont créé une crise hydrique. La manifestation, initialement pour protester contre la pénurie d’eau, a rapidement pris une connotation politique, alors que des foules de personnes ont commencé à scander des slogans anti-régime, appelant avec défi au renversement du régime. Les forces répressives ont ouvert le feu sur les manifestants non armés. Les habitants de plusieurs autres villes d’Iran ont organisé des manifestations de solidarité avec le peuple du Khouzistan.
Le 26 novembre, après des jours de sit-in et de manifestations à grande échelle, les forces de sécurité du régime ont attaqué les agriculteurs et les habitants d’Ispahan, qui réclamaient leur droit à l’eau d’irrigation. Les forces de sécurité ont utilisé des fusils à plomb, tirant des personnes principalement dans les yeux. En conséquence, de nombreux manifestants ont perdu la vue.
Le mépris pour le droit à la vie
Le nombre de morts de Covid-19 en Iran atteint rapidement un demi-million. Des centaines d’Iraniens meurent chaque jour, des infirmières se suicident à cause de la pression du travail et des lits d’hôpitaux sont remplis de patients, tandis que des centaines d’autres personnes souffrant de graves problèmes languissent dans les couloirs des hôpitaux. La tragédie actuelle de Covid-19 était évitable.
Craignant un autre soulèvement qui pourrait aboutir au renversement de son régime, Khamenei et ses responsables ont lancé une politique criminelle contre le Covid-19. Le régime a utilisé la stratégie des pertes humaines massives pour créer une barrière contre la marée des soulèvements.
Khamenei a qualifié ce virus de « test » et de « bénédiction », les responsables de son régime ont nié l’existence de Covid-19 en Iran pendant des mois, et lorsqu’ils ont dû annoncer son arrivée, ils ont essayé de le minimiser.
Cette politique a atteint son apogée en janvier 2021, lorsque Khamenei a interdit les vaccins américains et britanniques certifiés, citant certaines théories du complot.
Mansoureh Mills, un chercheur d’Amnesty International, a décrit l’interdiction des vaccins par Khamenei comme étant « en phase avec le mépris des autorités pour les droits humains, y compris le droit à la vie et à la santé ».
Khamenei a également profité de l’interdiction des vaccins parce que l’une de ses institutions financières, le « Siège pour exécuter l’ordre de l’Imam Khomeini », a été chargée de produire les vaccins dits « domestiques », qui non seulement n’ont pas aidé, mais ont également eu de graves effets secondaires.
Augmentation du nombre d’exécutions
2021 s’est terminé avec un nombre d’exécutions beaucoup plus élevé que l’année précédente. Selon Iran HRM, 357 ont été exécutées en Iran en 2021, soit 107 exécutions de plus qu’en 2020. Le nombre réel est bien plus élevé car le régime iranien procède secrètement à de nombreuses exécutions. En décembre, au moins sept femmes et trois mineurs délinquants ont été pendus.
Alors que le nombre d’exécutions a bondi depuis que Raïssi est devenu président du régime, le gouvernement dit « modéré » d’Hassan Rohani a terminé son mandat de huit ans avec près de 5 000 exécutions, dont 144 exécutions en 2021.
Plusieurs prisonniers politiques ont également été exécutés en Iran en 2021. Javid Dehghan, a été pendu à la prison centrale de Zahedan le 30 janvier 2021. Le régime iranien a exécuté Ali Motiri, le 28 janvier 2021. Hassan Dehvari et Elias Qalandarzehi, ont été pendus le 3 janvier , 2021. Le 28 février 2021, le régime a exécuté quatre prisonniers politiques arabes.
En décembre, le régime a pendu Heydar Ghorbani, un prisonnier politique kurde, malgré les protestations internationales pour suspendre son exécution.
Morts suspectes de prisonniers
En plus des exécutions, le régime iranien a secrètement assassiné des prisonniers politiques en prison. Ce phénomène est connu sous le nom de « morts suspectes ».
En février 2021, le derviche de Gonabadi, Behnam Mahjoubi, est décédé. Il avait été transféré à l’hôpital à la suite d’une intoxication alimentaire à la prison d’Evin. Huit jours plus tard, le 21 février, il a été annoncé mort à l’hôpital Loghman de Téhéran. Les autorités du régime ont délibérément refusé les soins médicaux à Behnam.
Sasan Niknafs était un autre prisonnier d’opinion décédé au pénitencier du Grand Téhéran le 7 juin 2021, en raison de conditions physiques critiques. Les autorités du régime ont refusé de lui fournir un traitement médical.
En septembre, Shahin Naseri, un jeune prisonnier qui avait été témoin de la torture du champion de lutte iranien Navid Afkari, exécuté pour avoir participé au soulèvement de 2018, est décédé de façon suspecte dans le pénitencier du Grand Téhéran.
Meurtre arbitraire
Selon Iran-HRM, au moins 77 Iraniens ont été tués en 2021 en raison d’assassinats arbitraires. La plupart de ces victimes étaient des porteurs privés dans la région du Kurdistan d’Iran et des porteurs de carburant au Sistan et au Baloutchistan. En outre, au moins 107 personnes ont été blessées à cause des tirs aveugles des gardes-frontières. Le régime iranien tue arbitrairement des porteurs privés sous prétexte de lutter contre la corruption et la contrebande, tandis que les CGRI et Khamenei contrôlent le plus grand réseau de contrebande d’Iran.
Minorités ethniques et religieuses
Le régime a poursuivi et doublé ses violations systématiques des droits des minorités ethniques et religieuses tout au long de 2021. Il a arrêté des dizaines de citoyens kurdes en raison de leurs activités culturelles. Du 11 au 14 novembre, des agents du ministère du Renseignement se sont lancés dans une vague d’arrestations de citoyens kurdes dans diverses villes, dont Baneh, Marivan, Saqqez et Sanandaj. Ces arrestations arbitraires ne se sont pas limitées à la minorité kurde. Du 14 au 17 mai, au moins 26 citoyens d’origine arabe ont été arrêtés à Ahvaz et Mahshahr.
Le régime iranien a également arrêté et condamné à de lourdes peines des membres de la communauté baha’ie iranienne. Selon Iran-HRM, « à la suite de l’annonce des résultats des examens nationaux d’entrée de 2021, au moins 17 baha’is ont été disqualifiés et empêchés de poursuivre leurs études en raison de leur foi ».
En plus des baha’is, des dizaines de convertis chrétiens iraniens ont été condamnés à de lourdes peines.
Conclusion
Le 17 décembre, la 76e session de l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la 68e résolution des Nations Unies condamnant les violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme en Iran.
Cette résolution a une fois de plus souligné que le régime iranien n’a jamais cessé ses violations des droits de l’homme. La nomination de violateurs des droits humains tels que Raïssi et Mohseni Eje’i à des postes de direction en Iran témoigne de ce que l’on pourrait qualifier de « crise d’impunité en Iran ».
Raisi était l’un des principaux responsables du régime lors du massacre de plus de 30 000 prisonniers politiques en 1988, pour la plupart des membres et des partisans de l’Organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI/MEK).
En réaction à la présidence d’Amnesty International, la secrétaire générale d’Amnesty International, Agnès Callamard, a déclaré : « Le fait qu’Ebrahim Raïssi ait accédé à la présidence au lieu de faire l’objet d’une enquête pour les crimes contre l’humanité de meurtre, de disparition forcée et de torture, est un sombre rappel que l’impunité règne en maître en Iran. »
Cette impunité est principalement due au silence et à l’inaction de la communauté internationale à tenir Téhéran pour responsable des violations des droits humains.
Dans une lettre publiée en décembre 2020, sept experts de l’ONU ont qualifié le massacre de 1988 de « crimes contre l’humanité ». La lettre soulignait : « L’échec de ces organes [internationaux] à agir a eu un impact dévastateur sur les survivants et les familles ainsi que sur la situation générale des droits de l’homme en Iran et a encouragé le régime à continuer à cacher le sort des victimes et à maintenir une stratégie de dénie qui continuent à ce jour. »
Comme la Résistance iranienne l’a longtemps souligné que le dossier de quatre décennies de crimes contre l’humanité et de génocide commis par ce régime, notamment le massacre de 30 000 prisonniers politiques en 1988 et le massacre de 1 500 manifestants en 2019, doit être déféré au Conseil de sécurité de l’ONU, et les dirigeants de ce régime, et surtout Ali Khamenei, Ebrahim Raïssi, et le chef de la magistrature, Gholam Hossein Mohseni Eje’i, doivent être poursuivis devant une Cour internationale.