vendredi, mars 29, 2024
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Catalan International View : Interview avec Mme Maryam Radjavi

Présidente élue du Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI)

Par Marc Gafarot*
Catalan International View – Hiver 2010-2011

Comment voyez-vous le fait que votre organisation ait finalement été retirée de la liste des organisations terroristes de l’Union Européenne ?

Cela démontre essentiellement que l’accusation de terrorisme à l’encontre du mouvement de résistance était totalement infondée. Les plus hautes juridictions de Grande Bretagne et d’Europe ont rendu sept décisions demandant à leurs gouvernements respectifs d’annuler cette désignation sans fondement.

Cela a également prouvé avec quelle ampleur le Conseil des ministres de l’Union Européenne a violé la loi en cédant aux exigences des mollahs de porter de fausses accusations contre la Résistance iranienne. Plus important encore, cela a également démontré le grave préjudice causé par la politique honteuse de complaisance non seulement au peuple iranien et à la résistance, mais également aux grandes valeurs démocratiques sur lesquelles l’Europe a été fondée. Cette politique a mené à une grave violation de la loi.

Dans une vaste campagne destinée à annuler l’étiquette funeste et illégitime de terroriste à l’encontre de l’OMPI, des milliers de parlementaires, d’avocats et de juristes, de politiciens et de personnalités et dignitaires des droits de l’homme en Europe ainsi que des citoyens ordinaires étaient de notre côté. Ce faisant, ils n’ont pas seulement soutenu la Résistance iranienne, ils ont également renforcé la démocratie et l’état de droit en Europe. Ils méprisent profondément la politique absurde et destructrice de complaisance vis-à-vis du régime iranien.

Votre suppression de la liste porte-t-elle un grand coup à la diplomatie du régime iranien ?

Oui, absolument. Pour protester contre cette décision, le gouvernement d’Ahmadinejad a porté plainte contre l’Union européenne auprès du Conseil de Sécurité de l’ONU ! Les médias officiels ont annoncé que c’était un tournant décisif. Le parlement du régime (Majlis) s’est lancé dans un projet de loi demandant au gouvernement de revoir et de réexaminer ses relations économiques avec les pays soutenant le « terrorisme », sous-entendant par là les États membres de l’UE!

En fait, la suppression de la liste a signifié la ruine de l’investissement stratégique des mollahs dans les relations internationales. Par exemple, considérons deux exemples démontrant la sensibilité du régime sur ce sujet : le 7 mai 2008, après que la Cour d’Appel du Royaume-Uni ait ordonné la radiation de l’OMPI de la liste, le Wall Street Journal écrivait : « Selon plusieurs diplomates ayant participé à ces discussions, les responsables iraniens ont durant des années fait de la répression de l’OMPI une priorité lors des négociations avec les gouvernements occidentaux sur le programme nucléaire de Téhéran et d’autres questions ». Après être revenu de son voyage en Iran, le président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des Communes du Royaume-Uni a déclaré: « Quand nous sommes allés en Iran j’ai bien-sûr été frappé, et je pense mes collègues également, par le nombre de fois que les Iraniens ont souhaité soulever la question de ce qu’ils appellent « l’organisation terroriste MKO », elle se trouvait sur leur programme à un niveau proche de l’obsession, ils voulaient que nous en discutions et ils l’ont soulevée dans un grand nombre de contextes différents. » 

Comme vous le savez, l’Iran est un pays qui englobe beaucoup de cultures et d’ethnies différentes. En cas de chute du régime actuel, comment envisagez-vous le futur de votre pays en terme d’égalité des sexes, ethnique et religieuse?

Il ne fait aucun doute qu’après le renversement des mollahs, toutes les minorités, y compris ethniques et religieuses et particulièrement les femmes, jouiront de la liberté et de l’égalité dans le pays.

Nous voulons établir une république fondée sur la laïcité, le pluralisme et le respect des droits de l’homme. L’égalité des sexes a une place importante dans nos perspectives et notre programme politique pour l’avenir de l’Iran. Tous les droits et les libertés individuels par rapport aux femmes doivent être reconnus et respectés. Ces droits fondamentaux comprendront la liberté du choix vestimentaire, la liberté de croyance et de religion, de mariage et de divorce, de même que d’emploi et de voyage sans l’accord d’un époux, d’un père, d’un frère ou de toute autre figure masculine.

Nous croyons profondément à une totale égalité dans les domaines des droits sociaux et des droits des femmes. Nous insistons particulièrement sur le fait que les femmes devraient jouir d’un droit égal de participation à la direction politique de la société.

Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

Le 23 février 2010, lors d’une réunion au Parlement Européen, j’ai décrit en détails l’ensemble de mes opinions sur la question de l’égalité des sexes. Vous pouvez remarquer que j’aborde également ces points ici. Quant aux droits des minorités ethniques, je souhaiterais également réitérer que ces droits sont parfaitement prévus et garantis dans le programme du Conseil national de la Résistance iranienne (Parlement en exil).

Le Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI) a annoncé dans son programme que la stabilité, l’intégrité territoriale et l’unité nationale sont complémentaires avec la réalisation de l’intégralité des droits de tous les membres des différents secteurs sociaux. Ainsi, nous avons réellement besoin d’une autodétermination nationale (autonomie), en tant que concept de suppression de la double oppression de toutes les minorités de notre pays, en fournissant des droits et des libertés culturels, sociaux et politiques avec la notion d’unité inséparable et de souveraineté nationale ».

Beaucoup de membres et de responsables de la résistance et de l’OMPI appartiennent à ces minorités. Par exemple, le fondateur de l’OMPI lui-même, Mohammad Hanifnejad était de Tabriz, la plus importante ville d’Azerbaïdjan. Une proportion significative de nos martyrs de la Résistance appartient également à des minorités ethniques et religieuses.

En 1983, le CNRI a voté un plan pour l’autonomie de la région du Kurdistan iranien. Le plan annonce : « tous les droits et libertés stipulés dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et les conventions internationales s’y rapportant, comme la liberté de croyance et d’expression, la liberté de la presse, la liberté d’association et d’activités des partis et organisations politiques, des syndicats de travailleurs et des conseils ruraux, des associations démocratiques, la liberté de choisir sa profession et son lieu de résidence, ainsi que la liberté de religion seront garanties au Kurdistan comme dans les autres parties de l’Iran. Tous les habitants du Kurdistan, qu’ils soient hommes ou femmes, jouiront d’une égalité des droits sociaux, économiques, politiques et culturels, comme dans les autres régions de l’Iran, sans aucune forme de discrimination sexuelle, tribale, ethnique ou religieuse ».

Le monde est préoccupé par le programme nucléaire militaire iranien actuel. Récemment, l’ancien premier ministre Tony Blair a établi un lien entre la raison qui a motivé l’attaque de l’Irak et ce qui se produit actuellement en Iran. L’Iran pose-t-il une menace pour la sécurité mondiale ? Voyez-vous une quelconque perspective de changement de régime par une intervention militaire en Iran similaire à ce qui s’est produit en Irak?

Il ne fait aucun doute que le régime iranien représente la principale menace à l’existence et à la survie de tous les pays du Moyen-Orient, car sans la répression nationale et l’exportation du terrorisme, le régime ne peut demeurer au pouvoir en Iran.

La constitution des mollahs met l’accent sur l’instauration d’un empire islamique mondial qui signifie fondamentalement l’hégémonie de l’intégrisme et de la violence à travers le monde islamique. Les activités terroristes et l’aggravation des crises à Gaza, au Liban, en Egypte, au Yémen, en Arabie Saoudite et surtout en Irak sont essentiellement guidées par cette politique.

L’accélération du programme nucléaire du régime représente également une grande menace pour la paix dans le monde. Jusqu’à présent, le régime a étendu la portée de ses missiles pour atteindre certaines parties d’Europe.

Mais, en ce qui concerne votre question sur une répétition de l’expérience irakienne, nous nous opposons à toute intervention militaire étrangère en Iran. Pendant de nombreuses années, nous avons systématiquement déclaré que la solution à la crise iranienne ne consiste ni dans la politique de complaisance, ni dans une intervention militaire étrangère. Notre solution est la troisième voie, à savoir un changement démocratique opéré par le peuple iranien et sa résistance compétente. le soulèvement qui a cours juin 2009 en Iran prouve que cette solution est à la fois juste et possible et à la portée de notre peuple.

Nous disons aux gouvernements occidentaux que le rôle le plus souhaitable qu’ils peuvent jouer est d’éviter de faire des concessions au régime des mollahs. Nous voulons en particulier qu’ils cessent de traiter et de négocier avec Khamenei et Ahmadinejad, dont le coût quotidien est l’exécution et la torture du peuple iranien ; et ils devraient démanteler les sociétés appartenant aux gardiens de la Révolution et aux réseaux des services de renseignements des mollahs en Iran. Ils doivent également subordonner leurs relations à la fin de la répression en Iran et prendre des mesures pour radier l’OMPI (mouvement principal et axial d’opposition) de la liste des organisations terroristes étrangères des Etats-Unis. C’est la plus grande concession que l’Amérique a faite aux mollahs. Les gouvernements occidentaux doivent aussi imposer au régime des sanctions réelles et pratiques sur le carburant, le commerce, les armes et la technologie.

Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a exprimé son inquiétude sur la détérioration de la situation des droits humains dans votre pays. le conseil a également requis du régime de mettre fin aux châtiments cruels comme la lapidation, les amputations, les flagellations et les exécutions. De plus, le statut de la liberté de religion et d’expression est très mauvais. Prévoyez-vous des changements ?

Cette décision [des Nations Unies] est en effet une étape positive. Cependant, elle n’est pas suffisante et ne touchera pas le régime. La politique clé qui forcera le régime à arrêter la torture, les exécutions et la lapidation est fondée sur deux principes : En premier lieu, les gouvernements doivent subordonner les relations diplomatiques avec le régime à la fin de la torture et des exécutions. C’est un régime qui a été condamné plus de 56 fois par les organisations internationales pour atteintes aux droits humains et c’est pour cela qu’il mérite d’être traité ainsi.

Deuxièmement, les gouvernements doivent abandonner leur politique de modération et de négociation avec les mollahs. Toute négociation avec ce régime criminel ne fait que l’encourager. C’est le meilleur soutien qu’ils peuvent apporter au soulèvement et à la résistance du peuple iranien, qui s’efforce d’instaurer la liberté et la démocratie par un changement de régime tout en mettant fin une fois pour toutes à ces châtiments inhumains comme la lapidation et les amputations.

Le régime utilise-t-il le Coran pour justifier de telles pratiques ?

Je dois ajouter que ces châtiments violents infligés par les mollahs n’ont rien à voir avec l’islam. L’islam est une religion de tolérance et de pardon. Il est tout à fait le contraire de l’interprétation réactionnaire donnée par les mollahs. Notre résistance ne croit en aucune de ces règles religieuses mises en avant par les mollahs. Nous nous sommes engagés à abolir les exécutions et la torture en Iran après le renversement des mollahs.

Comment voyez-vous la fin de ce régime ? Pensez-vous que nous assistons à sa disparition politique et idéologique ?

Oui. Alors que le soulèvement continue, le régime a subi ses plus graves divisions internes de ses 30 ans d’histoire et tombe progressivement en ruines. La plupart des principaux dignitaires religieux s’opposent à Khamenei. Beaucoup ont courageusement exprimé leur désaccord et beaucoup d’autres sont restés silencieux. Cependant, jamais le leadership religieux des mollahs n’a été aussi isolé. La position de Khamenei en tant que guide suprême est compromise de manière significative et il est clair qu’il n’est plus capable d’enrayer la protestation ou de résoudre les différends qui ont englouti le sommet du régime. Il est on ne peut plus clair que ni le pouvoir du régime ni la société elle-même ne reviendront en arrière. La tendance actuelle conduira au renversement des mollahs.
 
*Marc Gafarot
Titulaire d’un diplôme en Lettres de l’Universidad de Navarra, d’une maîtrise en Etudes Européennes de la London School of Economics et d’une maîtrise en Etudes Latino-Américaines de l’Université de Liverpool. En tant que journaliste et commentateur politique, il a travaillé à Londres pour Bloomberg LP, en Amérique Latine pour de le Sommet de la Communication et a été conseiller parlementaire au Parlement Européen de Bruxelles et Strasbourg. Gafarot est actuellement Chef des Relations Internationales pour Catalan international View. Il a écrit un livre sur la Flandre et le fédéralisme en Belgique intitulé « La mort de Bèlgica ? La gradual i pacífica emancipaciaò flamenca”  et co-écrit le Guide de l’Etudiant à l’Intégration Européenne.