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Ashraf c’est l’expérience de trois décennies de lutte des femmes iraniennes

Tribune Idées – la philosophe Cyntia Fleury 

La prison Liberty – Ashraf c’est l’expérience de trois décennies de lutte des femmes iraniennes.

l’Humanité – Mercredi 14 Mars 2012 – Le démantèlement du camp d’Ashraf a commencé. Deux premiers groupes de 400 réfugiés ont été transférés dans le camp Liberty, près de l’aéroport de Bagdad. Ashraf était une ville intégralement bâtie par les réfugiés iraniens, avec des équipements culturels, avec une université, la liberté d’aller et venir, avant le transfert de sa sécurité en 2009, assurée jusqu’alors par les états-Unis, vers les autorités irakiennes. Aujourd’hui, la sortie de la liste américaine des associations terroristes est conditionnée par le démantèlement d’Ashraf et l’emménagement de Liberty. Alors que l’éthique supposerait de ne pas déplacer de nouveaux groupes à Liberty tant que les droits n’y sont pas respectés, la politique, à l’inverse, semble vouloir imposer ce déni.

 

  

 En aucun cas, le camp Liberty ne respecte le droit international de la convention de Genève de 1951 sur les réfugiés. Pour cela, il faudrait que les forces militaires et policières se retirent, que la liberté de circulation existe pour les résidents et leurs avocats, qu’il n’y ait pas de blocus médical, qu’il soit possible de construire et d’aménager les logements, que la protection de l’approvisionnement en eau soit assurée, que les ex-résidents d’Ashraf puissent apporter leurs biens pour pallier les manquements du camp Liberty. Faut-il rappeler que ces assurances minimales ont été soulignées en sept points par Struan Stevenson, président de la délégation du Parlement européen pour les relations avec l’Irak, et parrainées par plus de 4 000 parlementaires et des milliers d’avocats et de juristes en Europe, aux états-Unis et dans les pays arabes ?
Au lieu de cela, les conditions d’équipement du camp sont misérables, les sanitaires insalubres ou inutilisables, les égouts débordent. Les ordures s’entassent, faute d’avoir l’autorisation de les vider à un endroit précis. Et le camp est déjà en pénurie d’eau et d’électricité. C’est une véritable crise sanitaire qui risque de se déclencher.
Aujourd’hui, les femmes d’Ashraf et de Liberty représentent un Iran nouveau. Celui de la résistance aux mollahs. Ashraf c’est l’expérience de trois décennies de lutte des femmes de la résistance iranienne. Dans son numéro du 19 mars 2005, le journal américain Los Angeles Times publie un reportage sur la visite de son correspondant à Ashraf : « L’unité 8, qui est entièrement constituée d’hommes, est dirigée par une femme : Jila Deyhim, ingénieur en chimie. » Certains membres de son unité expliquent qu’il était difficile pour eux d’admettre qu’une femme leur donne des ordres, à leurs débuts dans les moudjahidine. « Mais maintenant, c’est un grand honneur, affirment-ils tous. Mohammad Malek, un musicien, s’enorgueillit en disant que le leadership des femmes est un véritable chef-d’œuvre de leur mouvement. » En 2005, le général américain David Phillips écrivait une lettre à Human Rights Watch. « Pendant un an, j’ai été à la tête de la sécurité du camp d’Ashraf [ ] Si l’Irak ne vivait pas le chaos dans lequel il se trouve, je demanderais à mes filles d’aller au camp d’Ashraf pour visiter ces femmes professionnelles et engagées, membres des moudjahidine. »
Faut-il rappeler que le Code pénal iranien prévoit d’enterrer les femmes jusqu’à la taille et de les lapider en cas d’adultère ? Faut-il rappeler que les crimes d’honneur continuent de se multiplier ? Qu’un homme peut échapper à toute condamnation s’il tue sa femme prise en flagrant délit d’adultère ? Ou encore qu’une femme, dont on juge infondée la plainte pour viol, est passible de 80 coups de fouet ? Aujourd’hui, défendre Ashraf et Liberty, c’est résister à la guerre de l’usure et du harcèlement psychologique contre le courage des femmes.