mercredi, septembre 11, 2024
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Qui est Abbas Araghchi, le nouveau ministre des AE de la théocratie iranienne ?

Abbas Araghchi, né le 5 décembre 1962, a commencé sa carrière en tant que membre du Corps des gardiens de la révolution islamique (IRGC ou pasdaran) pendant la guerre Iran-Irak. Les premières expériences d’Araghchi ont été façonnées par la nature militariste et répressive du régime. Son implication dans l’IRGC, une organisation connue pour son rôle dans la répression intérieure et le terrorisme international, a préparé le terrain pour ses futurs rôles au sein du régime, l’intégrant dans les structures de pouvoir.

Ascension politique et diplomatique
Araghchi est entré au ministère des Affaires étrangères en 1988. Sa carrière diplomatique l’a conduit en Finlande (1999-2002) et au Japon (2007-2011), où il a été ambassadeur du régime. Ses mandats, bien que largement banals en apparence, l’ont positionné comme un serviteur loyal du régime, prêt à exécuter ses directives de politique étrangère sans poser de questions.

Sa véritable ascension a commencé sous la présidence de Mahmoud Ahmadinejad lorsqu’il s’est impliqué dans les négociations sur le nucléaire iranien. Au départ, Araghchi a joué un rôle de soutien auprès d’Ali Larijani, qui dirigeait alors les négociations sur le nucléaire. Cependant, le mandat de Larijani a été de courte durée, car son approche des négociations s’est heurtée à la position intransigeante d’Ahmadinejad. Araghchi a saisi cette opportunité pour se rapprocher du pouvoir en s’alignant sur Saïd Jalili, qui a remplacé Larijani comme négociateur en chef.

Abbas Araghchi, membre du CGRI au début des années 1980

La relation d’Araghchi avec Jalili était compliqué. Alors qu’il était un membre clé de l’équipe de négociation de Jalili, Araghchi manœuvrait simultanément pour saper l’influence de Jalili au sein du MFA. L’approche rigide et idéologique de Jalili à l’égard des négociations nucléaires a conduit à une série d’échecs, aboutissant à de multiples résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU et à un isolement international accru du régime iranien. Araghchi, reconnaissant l’insoutenabilité des tactiques de Jalili, a commencé à fournir des informations à des personnalités du régime, notamment Ali Akbar Velayati, un proche conseiller du guide suprême Khamenei. Ces informations ont détaillé l’inefficacité des négociations de Jalili, positionnant Araghchi comme une alternative plus compétente.

Lorsque Hassan Rohani a été nommé président en 2013, l’une de ses premières grandes décisions de politique étrangère a été de transférer la responsabilité des négociations nucléaires du Conseil suprême de sécurité nationale au MFA sous Mohammad-Javad Zarif. Cette transition a été un tournant pour Araghchi, qui s’était effectivement positionné comme un acteur crucial dans les négociations sur le nucléaire. Zarif a conservé Araghchi dans l’équipe de négociation, reconnaissant sa profonde implication et son expérience, malgré les critiques de diverses factions au sein du régime qui voyaient Araghchi comme entaché par son association avec l’approche ratée de Jalili.

L’ascension d’Araghchi s’est poursuivie sous le président Hassan Rohani, qui l’a nommé vice-ministre des Affaires étrangères pour les affaires juridiques et internationales en 2013. Ce rôle l’a amené au premier plan des négociations qui ont abouti au Plan d’action global commun (JCPOA) en 2015. Malgré le succès temporaire du JCPOA, l’implication d’Araghchi dans ces négociations a été fortement critiquée. Son rôle dans l’obtention de la levée des sanctions sur les exportations de tapis iraniens a été considéré comme une faveur aux intérêts commerciaux de sa famille.

Revers politiques et manœuvres stratégiques
La carrière d’Araghchi a connu d’importantes turbulences après le retrait des États-Unis du JCPOA en 2018 sous la présidence de Donald Trump. Alors que le régime s’efforçait de gérer les conséquences du retrait, Araghchi a été chargé de mener les efforts pour sauver l’accord par le biais de négociations avec les signataires restants. Ces efforts ont cependant été semés d’embûches, notamment le scepticisme du guide suprême Khamenei et son rejet final de l’accord renouvelé. Le rejet par Khamenei de l’accord comme impraticable, malgré les concessions de l’administration Biden, a marqué un revers important pour Araghchi.

Le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Mohammad-Javad Zarif (à gauche) avec Abbas Araghchi (à droite) pendant les négociations nucléaires à Vienne

Pendant les dernières étapes critiques des négociations de Vienne en 2021, Araghchi s’est retrouvé de plus en plus isolé. Lorsqu’Ebrahim Raisi a été déclaré vainqueur de l’élection présidentielle, le vent politique a radicalement tourné contre des personnalités comme Zarif et Araghchi. Malgré les informations du ministère des Affaires étrangères selon lesquelles le JCPOA était sur le point d’être relancé, le rejet final de l’accord par Khamenei a conduit à la révocation d’Araghchi de son poste de vice-ministre des Affaires étrangères pour les Affaires politiques. Cette rétrogradation a été considérée comme une conséquence directe de son association avec les négociations ratées et de son incapacité à obtenir l’accord.

Dans une démarche que beaucoup ont interprétée comme une tentative de le maintenir dans le giron du régime sans lui accorder une influence significative, Kamal Kharrazi, chef du Conseil stratégique des relations étrangères et personnage clé du cercle intime de Khamenei, a nommé Araghchi au poste de secrétaire du Conseil en septembre 2021. Ce poste, bien que prestigieux sur le papier, était largement symbolique, reflétant l’intention du régime de mettre Araghchi sur la touche tout en maintenant sa loyauté.

Liens familiaux et allégations de corruption
La famille d’Araghchi est profondément liée à sa vie professionnelle. Ses frères, qui sont impliqués dans le commerce iranien des tapis, ont bénéficié directement de la levée des sanctions sur les exportations de tapis, une disposition qu’Araghchi lui-même a fait en sorte d’inclure dans les négociations du JCPOA. Araghchi s’est même vanté qu’il s’agissait d’un « cadeau » personnel à ses frères, reflétant l’imbrication de ses fonctions officielles avec les intérêts financiers de sa famille.

La riche famille d’Abbas Araghchi fait don d’un tapis coûteux à un musée de premier plan à Mashhad, dans le nord-est de l’Iran, en décembre 2013.
L’implication de son neveu, Ahmad Araghchi, dans la Banque centrale du régime souligne encore davantage la nature corrompue des relations familiales d’Araghchi. Nommé vice-gouverneur en 2017, Ahmad a ensuite été arrêté et accusé de perturber le marché des changes, mais sa peine a été annulée dans un revirement judiciaire suspect, apparemment influencé par le bureau du guide suprême Khamenei.

L’épouse d’Araghchi, Bahareh Abdollahi, est la fille d’un homme d’affaires éminent associé au parti de la coalition islamique (Motalefeh), une ligne dure. Ce mariage a encore renforcé les liens d’Araghchi avec les factions orientées vers le marché, assurant la prospérité de sa famille sous la protection du régime.

Déclarations et positions
Tout au long de sa carrière, Araghchi a exprimé haut et fort son soutien aux politiques extrémistes du régime, en particulier en ce qui concerne le programme nucléaire. Après l’attaque israélienne contre le consulat du régime à Damas le 1er avril, Araghchi a suggéré à plusieurs reprises que « l’Iran pourrait reconsidérer sa doctrine nucléaire », menaçant implicitement de développer des armes nucléaires.

La rhétorique d’Araghchi pendant les négociations nucléaires était systématiquement alignée sur la stratégie de la corde raide du régime. Il a souvent laissé entendre que « l’Iran pourrait reconsidérer son engagement envers le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) si des sanctions étaient réimposées. » Cette position n’était pas seulement une tactique de négociation, mais aussi le reflet de la volonté du régime d’aggraver les tensions s’il estimait que sa survie était en jeu.

Lors de ses apparitions publiques, Araghchi a exprimé sa fierté de son appartenance au CGRI, affirmant qu’il avait toujours conservé son uniforme. Sa rhétorique a toujours été alignée sur le discours du régime, dépeignant le régime comme une victime de l’agression occidentale tout en justifiant les politiques oppressives de Téhéran comme nécessaires à la sécurité nationale.

Araghchi a également adopté une position ferme face aux critiques internationales concernant le bilan de Téhéran en matière de droits de l’homme, son implication dans les conflits régionaux et ses ambitions nucléaires. Il a rejeté ces critiques comme faisant partie d’un complot plus vaste visant à délégitimer la République islamique, les présentant souvent comme des efforts des ennemis de l’Iran pour affaiblir le régime.

Tout au long de sa carrière, Araghchi a été un fervent défenseur des politiques radicales du régime, en particulier en ce qui concerne le programme nucléaire iranien. Ses déclarations publiques ont souvent reflété la rhétorique de défi du régime, décrivant l’Iran comme une victime de l’agression occidentale tout en justifiant ses ambitions nucléaires comme une dissuasion nécessaire.

Dans des interviews et des apparitions publiques, Araghchi a également exprimé sa profonde loyauté envers le CGRI, en particulier son ancien commandant de la Force Al-Qods, Qassem Soleimani. Ses déclarations glorifient souvent le rôle du CGRI dans la défense du régime et projettent une image d’engagement indéfectible envers la vision de Khamenei. L’insistance constante d’Araghchi sur le respect des directives du Guide suprême, même face à l’opposition internationale, souligne son rôle de fervent défenseur des politiques théocratiques et militaristes du régime.

Dans sa dernière tentative pour obtenir le poste de ministre des Affaires étrangères, Abbas Araghchi a une fois de plus révélé sa nature soumise, trahissant ses anciens supérieurs au sein du MAE et du gouvernement Rohani. Expliquant la session tenue lundi matin 12 août par la Commission de la sécurité nationale et de la politique étrangère du parlement du régime, à laquelle Abbas Araghchi a assisté, Ebrahim Rezaee a déclaré aux journalistes d’État : « Le ministre des Affaires étrangères proposé a souligné que les résolutions du Parlement sont contraignantes pour l’appareil diplomatique et que le ministère des Affaires étrangères doit suivre les politiques et les directives des hauts fonctionnaires du pays et mettre en œuvre les politiques mandatées. »

Il a ajouté : « M. Araghchi a déclaré que l’administration Raïssi poursuivait activement cette approche, et nous continuerons sur cette voie. Nous utiliserons également les capacités des institutions internationales.

Faisant référence à l’équipe de négociation nucléaire dirigée par Mohammad-Javad Zarif, il a précisé : « M. Araghchi a déclaré qu’il ne faisait pas partie des « gangs de New York », bien qu’il ne les juge pas. »

Le porte-parole de la Commission de sécurité nationale du Parlement, citant la loi controversée adoptée par le Parlement pour intensifier la politique nucléaire et couper la coopération avec les puissances du P5+1, a déclaré : « Concernant le Plan d’action stratégique pour la levée des sanctions et sa mise en œuvre, le ministre proposé a souligné que la loi est contraignante et doit être respectée. »

Conclusion
La carrière d’Abbas Araghchi témoigne du pouvoir corrosif de la loyauté envers un régime tyrannique. Son ascension au sein de la dictature cléricale, alimentée par ses liens avec le CGRI et les intérêts bien ancrés de sa famille, a été marquée par une volonté de servir les politiques les plus répressives et les plus controversées du régime. Alors qu’il accède au poste de ministre des Affaires étrangères dans l’administration du président Massoud Pezeshkian, son bilan laisse penser que la politique étrangère du régime restera rigide, conflictuelle et de plus en plus isolée de la communauté internationale.