Le 22 septembre 2024, une nouvelle inattendue s’est répandue sur les plateformes médiatiques. Mojtaba Khamenei, le fils du guide suprême du régime clérical, Ali Khamenei, a publié un message vidéo annonçant qu’il suspendrait ses cours de religion sur la jurisprudence islamique, connue sous le nom de « Kharej Fiqh Usul », qui est le niveau d’étude le plus élevé dans les séminaires chiites.
Mojtaba Khamenei a fait cette annonce dans un clip vidéo rare où il déclare : « La suspension de ces cours est une décision personnelle et n’a aucun lien politique. C’est une affaire entre moi et Dieu. »
Il poursuit dans le langage traditionnel du séminaire en disant : « Cette suspension peut être temporaire ou permanente. Je ne sais pas encore. » Sa déclaration laisse ouverte la possibilité qu’il reprenne les cours, qui sont en place depuis 2009 après son implication dans la répression brutale des manifestations nationales cette année-là.
Dans les séminaires chiites, l’enseignement du « Kharej du Fiqh » est considéré comme le summum de l’éducation religieuse, souvent dispensé par des érudits en voie de devenir Marja, ou autorités cléricales supérieures pour les musulmans chiites. Cependant, certaines personnalités religieuses de haut rang ont exprimé leurs inquiétudes ces dernières années quant à la baisse de la qualité de ces enseignements, car de plus en plus de religieux dispensent ces cours sans les qualifications appropriées.
Who Is Vahid Haghanian, The Invisible Hand of Khamenei Now in #Iran’s Presidential Spotlighthttps://t.co/JbPvTZg5BG
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De nombreux analystes pensent qu’Ali Khamenei a travaillé en coulisses pour élever le statut de son fils au sein de la hiérarchie politique et religieuse. L’implication de Mojtaba dans ces cours religieux a été considérée comme faisant partie d’un effort plus large pour le préparer à un rôle plus important dans la direction de l’Iran. Les diplômés de ces cours, connus sous le nom de Mujtahids, atteignent un niveau de jurisprudence qui leur permet de rendre des décisions juridiques indépendantes dans l’islam chiite.
Depuis des années, Mojtaba Khamenei est considéré comme un successeur probable de son père, malgré de fréquentes démentis des initiés du régime. Cependant, cette vidéo a fait surface en même temps que des rapports, provenant de Mohammad Mohammadi Golpayegani, le chef du bureau de Khamenei, faisant allusion à la possibilité d’un départ à la retraite d’Ali Khamenei – une rumeur qui a été rapidement démentie.
Ces développements font également suite à la mort d’Ebrahim Raïssi dans un accident d’hélicoptère plus tôt cette année, que beaucoup ont considéré comme augmentant les chances de succession de Mojtaba. Bien que la vidéo ait été présentée comme un geste personnel et apolitique, elle est rapidement devenue un sujet majeur, les médias nationaux et étrangers offrant diverses interprétations.
Les médias d’État, qui ont qualifié Mojtaba Khamenei d’« ayatollah » avec une emphase frappante, ont fait écho à un récit uniforme, citant le religieux Saïd Solh Mirzaei, membre de l’Assemblée des experts. Mirzaei a salué cette suspension : « La décision de l’ayatollah Seyed Mojtaba Khamenei a suscité beaucoup d’attention et d’analyses, mais la véritable raison semble être qu’il a suivi la voie des érudits éthiques, qui suspendaient parfois leurs cours pour cultiver l’humilité spirituelle. »
Mirzaei a également commenté dans Tasnim News : « J’ai entendu à plusieurs reprises de hauts dignitaires religieux de Téhéran parler de l’extrême piété et de la prudence de l’ayatollah Mojtaba. Son comportement reflète les traditions estimées des anciens chefs religieux. »
Khamenei’s Circle and the Complex Incoherent World of Iran’s Power Strainhttps://t.co/WZ6tJu2TdG
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Certains analystes ont lié la diffusion publique de cette vidéo à des problèmes de sécurité, spéculant qu’elle pourrait être liée à l’intensification des opérations israéliennes contre les forces mandatées par Téhéran dans la région. Cependant, pour quelqu’un comme Mojtaba Khamenei, qui est resté largement dans l’ombre, la vidéo a indéniablement attiré davantage l’attention du public sur lui, ce qui pourrait remettre en cause l’explication liée à la sécurité.
L’incident récent autour de Mojtaba Khamenei a également ravivé d’anciennes controverses, notamment les allégations selon lesquelles il aurait fait sortir clandestinement de l’or d’Iran après les manifestations de 2009. L’un des slogans de l’opposition les plus largement diffusés pendant les manifestations était : « Mojtaba, nous espérons que tu mourras avant de devenir leader ! » Ce chant reflétait la crainte généralisée que le leadership suprême puisse devenir une position héréditaire.
En 2011, WikiLeaks a publié un rapport selon lequel Mojtaba aurait effectué plusieurs voyages à Londres, ce qui a suscité des soupçons sur ses activités financières à l’étranger. Selon les câbles divulgués de l’ambassade américaine à Londres, ces voyages ont alimenté les spéculations selon lesquelles il pourrait être impliqué dans le transfert d’actifs ou l’obtention d’investissements étrangers.
Le régime iranien, connu depuis longtemps pour son opacité et son recours à la tromperie pour duper le public, utilise désormais les médias d’État pour renforcer l’image de Mojtaba Khamenei. Ils le présentent comme une figure de piété et de vertu, façonnant soigneusement un récit qui sert les intérêts du régime. Cependant, ce qui reste indéniable, c’est la santé déclinante d’Ali Khamenei, les conflits internes croissants au sein d’un régime assiégé par des troubles politiques et socio-économiques, et l’escalade des crises internationales.