Par Mansoureh Galestan
Les protestations nationales contre la chute de la dictature théocratique en Iran ont commencé il y a plus de deux semaines. Alors que les manifestations en Iran se poursuivent, d’autres conséquences stratégiques émergent. Le calme relatif sporadique n’est que le calme avant la tempête. La bataille entre le peuple iranien et le régime se poursuit sous d’autres formes.
Les prisons sont une scène de cette bataille. Le régime tente de briser le moral des prisonniers alors que ceux-ci continuent à résister. Les mollahs utilisent diverses formes de torture pour obtenir des aveux forcés des détenus afin de montrer que le régime a réussi à démanteler le cœur du soulèvement, qu’il prétend avoir été « provoqué par des pays étrangers ».
Pourtant, en dépit de ces banalités, les hauts responsables du régime reconnaissent la poursuite du soulèvement et montrent la peur du régime.
Le mollah Alireza Harati Motlagh, leader des prières du vendredi du régime dans la ville de Borujen, qualifiant le soulèvement de conspiration, a déclaré : « Ces incidents ne s’arrêteront pas et se poursuivront. »
Asghar Beigi, chef des prières du vendredi à Ardebil, a également averti les responsables du régime : « L’ennemi ne dort jamais, alors nous devons être vigilants à tout moment. »
De plus, Ali Rabie, porte-parole du gouvernement, dans un article publié dans le quotidien officiel iranien, le 30 novembre, exprimant sa préoccupation face à la crise croissante du régime, a déclaré : « Le grand Satan de notre temps est le trouble et l’insécurité présumées de nos citoyens. Le danger de cet état d’esprit pour notre sécurité nationale est incomparable avec toute menace nationale ou étrangère. »
C’est intéressant parce que le régime présente depuis des années les États-Unis comme le « Grand Satan » et son principal ennemi. Aujourd’hui, le porte-parole du gouvernement qualifie les « troubles et l’insécurité présumés des citoyens », ou plutôt le soulèvement populaire, de menace et d’ennemi réel du régime, incomparables avec toute autre menace nationale ou étrangère. Il a, en outre, donné un avertissement aux responsables du régime : « Deux ans se sont écoulés entre [les soulèvements] de 2017 et 2019. Si nous ne trouvons pas de solution, nous serons témoins d’un autre incident. »
Le quotidien officiel Farhikhtegan, dans un article publié le 1er décembre, a qualifié l’armée de jeunes manifestants, âgés de 15 à 22 ans, de « bombe à retardement » et a appelé les autorités du régime à « prendre cette bombe à retardement au sérieux ».
Il n’est pas difficile d’imaginer l’éruption possible d’un autre soulèvement national. Parce que les mêmes facteurs qui ont déclenché les protestations en Iran en novembre sont toujours présents. Les facteurs les plus importants sont :
1- Les sanctions économiques. Dans son article, Rabie a réitéré : « Dans la situation actuelle, les sanctions américaines vont se poursuivre et, à mon avis, s’intensifier. »
2- L’intensification des luttes intestines entre les factions du régime qui s’est accrue après le soulèvement. Par exemple, certains membres de la faction rivale du président du régime, Hassan Rohani, ont demandé qu’il soit démis de ses fonctions et poursuivi.
3- L’indignation populaire croissante, le soulèvement social et la haine totale envers le régime, surtout après 750 martyrs.
4- Un autre facteur important et inspirant est le soulèvement du peuple irakien et ses coups durs portés au régime des mollahs, en particulier ses deux récentes victoires.
DEUX VICTOIRES IMPORTANTES DU SOULÈVEMENT DU PEUPLE IRAKIEN
Au cours des derniers jours, le peuple irakien a remporté deux victoires importantes. Premièrement, les irakiens ont incendié et détruit le consulat du régime iranien dans la ville de Nadjaf, symbole de l’ingérence meurtrière du régime en Irak. Deuxièmement, ils ont obligé le Premier ministre irakien, Adel-Abdul Mehdi, soutenu par l’Iran, à démissionner. Ce fut le début du démantèlement de la structure gouvernementale corrompue et sectaire en Irak. Le régime des mollahs s’est rapidement rendu compte de ces deux facteurs importants et a tenté en vain de les empêcher par des menaces, l’oppression, des ruses et des complots. Hélas, ces tactiques ont échoué.
Les autorités du régime ont exprimé leur crainte de l’évolution de la situation en Irak.
Le mollah Felahati, chef des prières du vendredi à Racht, a appelé à l’exécution des manifestants irakiens et a déclaré : « Ceux qui ont incendié le consulat de la République islamique à Nadjaf étaient des voyous, et ils devraient être exécutés parce qu’ils ont fait la guerre à la république islamique. »
Dans un article publié le 30 novembre, le quotidien Keyhan, comme le porte-parole du Guide Suprême, a montré la peur totale du régime face au soulèvement en Irak et a écrit : « Nous demandons instamment aux forces irakiennes fidèles et révolutionnaires, telles que celles des Forces de mobilisation populaire, de ne pas perdre une seconde pour sauver l’Irak islamique des mains de voyous sanguinaires. »
Ces réactions, cependant, ont un usage interne pour le régime afin de pacifier ses forces désespérées. En effet, la démission du Premier ministre irakien signifie l’effondrement de la prétendue « profondeur stratégique » du régime au Moyen-Orient.
C’est pourquoi d’autres journaux officiels décrivent la chute du régime iranien comme le but ultime du soulèvement irakien.
Par exemple, Ali Bigdeli, l’un des experts du régime, a déclaré dans un article publié le 30 novembre dans le quotidien officiel Jahan-e Sanat : « Les récents incidents en Irak envoient des messages différents. Pourtant, le message le plus important s’adresse à l’Iran. Si cette crise continue en Irak, l’Iran recevra des messages plus décevants. »
Contraint de reconnaître le soulèvement et l’indignation du peuple irakien, Bigdeli a déclaré : « Malgré la présence des forces gouvernementales (irakiennes), les Forces de mobilisation populaire (soutenues par l’Iran) ont réprimé cette crise. Cela a dirigé cette crise vers l’Iran. »
Même si le sang des manifestants irakiens est versé par les voyous du régime des mollahs, il est important de souligner une évidence : le soulèvement du peuple irakien n’est pas séparé des protestations nationales en Iran. Parce que de l’Iran à l’Irak, en passant par le Yémen, la Syrie et le Liban, le peuple a un ennemi commun : la théocratie au pouvoir en Iran.