vendredi, mars 29, 2024
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Otages du camp d’Achraf en Irak -les bégaiements de l’Histoire

Par Yves Bonnet, Préfet honoraire, ancien directeur de la DST

Huffington Post, 18 septembre – L’Histoire se répète-t-elle ? On serait tenté de le croire lorsqu’on apprend qu’une nouvelle fois une atteinte aux droits de l’homme est sur le point d’être commise en Irak, vingt-sept ans après une erreur qui, en son temps, avait déchaîné un concert de protestations, d’ailleurs justifiées, et conduit le gouvernement français à faire appel à la compréhension d’un dictateur nommé Saddam Hussein.

C’était en février 1986: à l’approche des élections législatives et dans le contexte d’attentats terroristes qui, en trois jours, avaient ensanglanté Paris (galerie du Claridge, Librairie Gibert Jeune, FNAC des Halles), le ministre de l’Intérieur Pierre Joxe avait décidé d’expulser vers leur pays d’origine, l’Irak, deux opposants au régime, ce qui revenait à leur signifier leur condamnation à mort. L’erreur était manifeste et l’indignation générale, ce qui conduisit le gouvernement à demander au dictateur le retour des deux hommes. Saddam Hussein y consentit en dépit de sa réputation de cruauté, et les deux militants retrouvèrent le chemin de la liberté.

Par une amère manifestation de l’ ironie de l’Histoire, voici qu’à Bagdad où règne un nouveau dictateur, Nouri el Maliki, pas davantage respectueux des droits de l’homme que son prédécesseur, sept opposants, iraniens cette fois, ont été capturés de vive force après une « boucherie » menée sur ordre de Téhéran par « l’armée » irakienne et qui s’est traduite par l’investissement d’un camp de l’Organisation des moudjahidines du peuple d’Iran, à Achraf, et le massacre de plus de cinquante militants désarmés. Ces sept personnes, dont six femmes, n’ont semble-t-il échappé à la mort par balles que pour être livrées aux mollahs qui règnent sur le pays, torturées puis pendues. Alors qu’elles sont, comme leurs compagnons exécutés sommairement, placées sous le régime de la quatrième convention de Genève depuis 2003. Selon des informations parvenues au HCR les otages sont détenus quelque part en Irak ce qui est confirmé par le porte parole du soit disant ministère des droits de l’homme du gouvernement irakien qui a déclaré que les forces irakiennes les détiennent, alors qu’un conseiller de Maliki dit le contraire pour éviter des poursuites internationales. Tout espoir n’étant pas perdu, l’urgence est d’autant plus grande d’agir.

Les opposants à Saddam Hussein qui sont au pouvoir à Bagdad ne paraissent pas avoir conservé le souvenir de leur propre situation quand ils venaient implorer le gouvernement français de sauver leurs deux camarades livrés au dictateur. Ils font tout le contraire et se soumettent une fois encore aux ordres de la théocratie et de son nouveau président « modéré » Rohani, dont ils ne sont à la vérité et depuis dix ans que les séides. En France, les iranologues complaisants se taisent : ce ne sont pas sept opposants kidnappés qui vont ternir la belle réputation du nouveau président dont le ministre des affaires étrangères vient de menacer de représailles les pays qui soutiendraient la cause de la Résistance iranienne dont je rappelle qu’elle n’est ni terroriste ni fanatique mais seulement déterminée et convaincue du retour à la démocratie.

L’Iran officiel met en garde et promet des actions de rétorsion qui seraient dès lors clairement terroristes. Il est coutumier du fait : cinq de ses dirigeants les plus éminents font l’objet de mandats d’arrêt internationaux délivrés par Interpol, sa mise en cause dans des attentats à Berlin ou à Buenos Aires n’est même plus contestée : que faut-il de plus pour que nous prenions à notre tour des mesures de rétorsion, légales celles-ci, à son encontre et à celui du gouvernement Maliki qui se dispose à commettre l’infamie suprême, livrer des personnes désarmées à un gouvernement sans foi ni loi ? Il est juste de soutenir les victimes et de prévenir leur mort, où que ce soit et quelles qu’elles soient ; il faut seulement admettre que cette noble attitude ne souffre pas d’exception.
 
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