jeudi, mars 28, 2024
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L’Iran fait monter les enchères nucléaires

ImagePar Alain  Barluet

Le Monde – Faisant fi des avertissements de l’ONU, Téhéran accélère son programme d’enrichissement de l’uranium.

MENACÉ de sanctions pour ses activités nucléaires suspectes, l’Iran a répondu en franchissant une nouvelle étape sur le chemin de la maîtrise de l’atome. Téhéran vient de lancer une deuxième cascade de centrifugeuses destinées à l’enrichissement de l’uranium. Annoncée lundi par le directeur général de l’AIEA, Mohammed ElBaradei, reprise mardi par Washington, l’information a été confirmée officiellement hier par l’agence des étudiants iraniens (Isna). « La seconde cascade a été mise en place il y a deux semaines et nous allons la ravitailler en gaz (d’hexafluorure d’uranium UF6) cette semaine », indique l’agence Isna.

 Cette deuxième cascade de 164 centrifugeuses serait identique en nombre à celle inaugurée à Natanz, dans le centre du pays, en avril. À l’époque, cette cascade avait permis aux Iraniens de recueillir pour la première fois une petite quantité d’uranium enrichi. Le processus consiste à introduire l’UF6, rendu gazeux par chauffage, dans un appareil, l’ultracentrifugeuse, tournant à très grande vitesse. Les atomes les plus lourds, comme dans un manège, se portent à la périphérie de la machine, les plus légers restant au centre. Ils sont alors pompés et renvoyés vers d’autres centrifugeuses disposées en cascade, pour arriver à l’uranium enrichi qui peut, soit alimenter des centrales nucléaires – l’objectif affiché par Téhéran – soit servir à fabriquer des armes atomiques – ce que les Occidentaux soupçonnent l’Iran de vouloir faire. Des dizaines de milliers de centrifugeuses sont nécessaires pour enrichir l’uranium. Depuis leur premier succès à Natanz, au printemps, les Iraniens auraient rencontré nombre de difficultés et leurs progrès seraient laborieux. De toute façon, même s’ils viennent de doubler leur capacité d’enrichissement, les experts iraniens auront besoin de plusieurs années (quatre à dix, selon John Negroponte, le directeur du renseignement américain) avant de disposer de l’arme atomique. Téhéran n’en poursuit pas moins imperturbablement son programme et, comme le souligne un diplomate occidental, le gouvernement de Mahmoud Ahmadinejad « a toujours fait ce qu’il a dit ».
 

Tester la fermeté internationale
 

Cette fois, les nouvelles annonces de Téhéran font écho aux préparatifs de sanctions entrepris par les puissances face au refus iranien de suspendre l’enrichissement. La résolution 1 696 du 31 juillet donnait un mois aux Iraniens pour obtempérer. Le 11 octobre, les Six (États-Unis, Russie, Chine, Grande-Bretagne, France et Allemagne) ont finalisé une liste de sanctions mais, hormis les Américains, ils doutent de leur efficacité. Le test nucléaire mené par la Corée du Nord, le 9 octobre, a permis aux puissances de retrouver une précaire unité de façade.
 

En annonçant le doublement de leur capacité d’enrichissement, les Iraniens entendent une nouvelle fois tester la fermeté de la communauté internationale. La Chine et la Russie répugnent à toute approche brutale. Ni l’une ni l’autre ne veut de voisin nucléarisé. Mais Téhéran, tout comme Pyongyang, sait que l’atome reste le meilleur gage du dialogue direct que chacun d’eux espère nouer avec Washington.