jeudi, mars 28, 2024
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L’Iran est aujourd’hui, le triste champion de la peine de mort dans le monde – Robert Badinter

CNRI – « Dans le cas de l’Iran, disons-le clairement, nous n’avons de véritable espérance que dans la fin de ce régime et dans l’avènement de la démocratie. A ce moment là tout deviendra possible. Jusque là c’est à la communauté internationale d’exercer des pressions qui conviennent, les ONG sont très mobilisées au regard de cette situation. Je ne saurais assez les louer. Mais je le dis, nous n’avons pas de raisons immédiates de grande espérance », a déclaré Robert Badinter lors d’une rencontre au sénat sur la situation des droits de l’homme en Iran le 12 décembre. Organisée par le CFID, le comité français pour un Iran démocratique, la réunion regroupait de nombreux défenseurs des droits de l’homme, comme Danielle Mitterrand, Maryam Radjavi ou Patrick Beaudouin.

CNRI – « Dans le cas de l’Iran, disons-le clairement, nous n’avons de véritable espérance que dans la fin de ce régime et dans l’avènement de la démocratie. A ce moment là tout deviendra possible. Jusque là c’est à la communauté internationale d’exercer des pressions qui conviennent, les ONG sont très mobilisées au regard de cette situation. Je ne saurais assez les louer. Mais je le dis, nous n’avons pas de raisons immédiates de grande espérance », a déclaré Robert Badinter lors d’une rencontre au sénat sur la situation des droits de l’homme en Iran le 12 décembre. Organisée par le CFID, le comité français pour un Iran démocratique, la réunion regroupait de nombreux défenseurs des droits de l’homme, comme Danielle Mitterrand, Maryam Radjavi ou Patrick Beaudouin.

Voici le texte de l’intervention du sénateur Robert Badinter :

Nous avons la certitude,en tout cas les militants, que nous verrons l’Iran connaître enfin la démocratie. Quant à l’abolition universelle, moi je ne la verrez probablement pas, mais je suis convaincu que certains d’entre vous et en tout cas nos enfants la verront.

La question de l’abolition s’agissant de l’Iran se pose cependant en termes difficiles. Il faut reconnaître que de tous les Etats, c’est celui qui nous donne à l’heure actuelle le plus de préoccupations. Navrant à dire, mais c’est un fait.

Vous regardez la situation actuelle de la pratique de la peine de mort dans le monde, que constatez-vous? Que de plus en plus d’États vont vers l’abolition, elle est devenue largement majoritaire aux Nations Unies et je souligne que lundi très vraisemblablement, l’Assemblée générale votera une résolution demandant le moratoire sur les exécutions dans le monde entier. L’Assemblée générale des Nations Unies, je n’ai pas besoin de le dire, rassemble près de 200 États et nous nous attendons à une majorité importante. Déjà le troisième sous-comité des Nations Unies a voté la résolution en ce sens par 99 voix contre 55, le reste en abstention, ce qui montre l’orientation actuelle dans les Nations Unies.

Du coté cette fois-ci des ombres et non plus des lumières : si nous notons que du côté de la Chine, il commence à y avoir une prise en compte d’un mouvement abolitionniste plus important qu’on ne le croie ici. Parmi les juristes, parmi les universitaires, parmi les intellectuels chinois, le nombre d’abolitionnistes va croissant. Et on a noté des progrès dans les procédures qui permettent de penser que le nombre des exécutions ira diminuant très prochainement ; ceci indépendamment de la question particulière des jeux olympiques pour lesquels nous continuons à militer en vue d’avoir un moratoire pendant la période des jeux olympiques, au nom de la trêve olympique.

Du coté des Etats-Unis, je le marque exprès, le mouvement vers l’abolition prend de plus en plus corps. Je tiens à le souligner, le nombre des exécutions a diminué de moitié dans les cinq dernières années et ce matin même, nous avons appris que le New Jersey, serait probablement dans les semaines qui viennent le premier Etats des Etats-Unis à abolir la peine de mort depuis 1965. Ce qui montre un renversement de tendances. Ça a déjà été voté par le sénat de l’Etat du New Jersey.

Malheureusement l’Iran c’est exactement l’inverse. L’Iran d’aujourd’hui, l’Iran soumis à la dictature religieuse qu’on connaît, voit une recrudescence considérable du nombre des exécutions.

En 2006, c’était, j’ai dû le dire, 185 exécutions, dont 72 en public.

En 2007 qui n’est pas encore achevé, nous sommes, pour les exécutions connues à 399 exécutions, dont au moins 93 en public. Probablement 400 à la fin de l’année. Donc vous avez presque un doublement du nombre des exécutions en un an. Ce qui en terme de progression fait de l’Iran, hélas, aujourd’hui, le triste champion de la peine de mort dans le monde. On ne peut que le relever, que s’en émouvoir et que s’en inquiéter.

J’ajoute qu’il y a une sorte de refus complet de prendre en compte les représentations, les remontrances ou les représentations faites par les instances et nous savons que notamment aux Nations Unies, le plus grand adversaire du moratoire sur les exécutions est actuellement le gouvernement iranien. Donc, c’est une situation extraordinairement inquiétante.

Si vous considérez par rapport à la population le nombre des exécutions, vous constatez que c’est près de 30 fois plus qu’aux Etats-Unis actuellement, le nombre des exécutions proportionnellement en Iran.

Donc nous sommes, et vous particulièrement madame la présidente, dans un grand état d’inquiétude, sans voir, je dirai sauf par enfin le renversement de ce régime, une issue positive.

Si vous regardez d’ailleurs, je vais élargir un instant le problème, il faut dire les choses. Aujourd’hui, au regard du mouvement vers l’abolition universelle, ce sont les Etats intégristes islamistes qui sont les plus grands producteurs de la peine de mort. Là il y a un espèce d’enracinement qui nous pose à nous, abolitionnistes, un problème particulier et particulièrement difficile.

Car on peut arriver, et j’en ai fait l’expérience en Chine, de rappeler les droits de l’homme et ce qu’est l’exigence absolue du premier des droits de l’homme et qui est le droit à la vie. Vous gagnez indiscutablement du terrain chaque fois que vous dialoguer en raison.

Quand on en arrive aux intégristes islamistes, ceux-là s’enracinent dans une loi divine. Et entre le raisonnement à partir des droits de l’homme de ceux qui représentent une république laïque ou un régime simplement laïque, démocratique et ceux qui vous répondent en vous disant qu’ils tiennent cette obligation directement de la loi divine, il y a une difficulté de dialogue.

Et nous nous heurtons là, à un phénomène tel que nous considérons que la voie vers l’abolition universelle commande dorénavant que la pression pour l’abolition au regard de ces Etats islamistes intégristes soit menée au premier chef par les musulmans. C’est des musulmans eux-mêmes que viendra ici le renforcement vers l’abolition universelle. Là, pour nous encore une fois qui considérons le problème de l’abolition au regard des droits de l’homme, une difficulté, pour ne pas dire une impossibilité de dialogue. Car que répondre à celui qui vous dit « mais c’est la loi divine qui me prescrit l’exécution. Vous n’avez pas qualité pour interpréter, vous, la loi divine. » Aucun d’entre nous ne peut  prétendre être docteur en théologie musulmane, seuls des musulmans le peuvent.

Et c’est pour ça que chaque Etat musulman qui abolit la peine de mort aujourd’hui, fait faire à cette cause en grand bond en avant.

Je salue particulièrement, le Sénégal, qui l’a fait. D’autres Etats l’ont fait aussi. Mais dans le cas de l’Iran, on retrouve là la double et terrible alliance de la dictature totalitaire, pas de dictature totalitaire sans peine de mort. 

Telle est la situation, disons-le clairement, nous n’avons de véritable espérance que dans la fin de ce régime et dans l’avènement de la démocratie. A ce moment là tout deviendra possible. Jusque là c’est à la communauté internationale d’exercer des pressions qui conviennent, les ONG sont très mobilisées au regard de cette situation. Je ne saurais assez les louer. Mais je le dis, nous n’avons pas de raisons immédiates de grande espérance.

Je tiens à faire remarquer qu’en effet une des caractéristiques, odieuse parmi d’autres de la politique d’exécution conduite en Iran c’est que, proportionnellement aux autres pays, elle s’acharne particulièrement sur les femmes. Ce qui n’est pas la loi universelle en matière d’exécution, au regard la  proportion d’homme est toujours plus considérable, mais en Iran, c’est d’ailleurs comme ne Arabie Saoudite aussi, c’est très remarquable et publiquement et dans les conditions qu’on connaît et qu’on a évoquées tout à l’heure.