Les informations récentes sur la participation du nouveau président des mollahs, Mahmoud Ahmadinejad dans l’occupation de l’ambassade américaine à Téhéran en 1979 a choqué le monde.
Avant les élections, Ahmadinejad se vantait de ce que "nous n’avons pas fait la révolution pour avoir la démocratie." Après le scrutin, il a déclaré : "la vague de notre révolution islamique atteindra bientôt le monde entier".
Commentaire de Mohammad Mohadessine
Président de la Commission des affaires étrangères
Excepté quelques chefs d’Etat européens mués par des motivations commerciales et qui prouvé leur propension à compromettre des principes démocratiques et humanitaires pour des intérêts économiques mesquins, il existe un consensus sans précédent dans le monde sur le désintéressement de la population iranienne pour les élections. Les observateurs impartiaux, les journalistes étrangers sur le terrain en Iran et même les factions qui s’entredéchirent dans le régime ont confirmé que la participation était bien moindre que les chiffres annoncés par les autorités.
Le passé du nouveau président parle pour lui-même. Ahmadinejad est un preneur d’otage, un terroriste, un voleur et un tueur de sang-froid qui a tiré des coups de grâce sur les prisonniers politiques pour les achever.
Seuls ceux qui trouvent que traiter avec Téhéran est plus rentable que de se ranger du côté de la vérité, ont copié mot pour mot les titres de la presse officielle disant que Mahmoud Ahmadinejad a eu le soutien des pauvres en Iran. Avec presque quatre-vingt pour cent de la population au-dessous du seuil de pauvreté, toute la nation exige un changement de régime.
En réaction à ce scrutin qui va faire date et qui a confirmé la futilité de la politique européenne de complaisance, des dirigeants de l’EU ont adopté une attitude expectative. La question évidente c’est : vont-ils attendrent pour être convaincus qu’ils se trompaient totalement en insistant sur le fait que la conciliation renforçait les modérés en Iran ? Ou attendent-ils davantage d’exécutions, de terrorisme, de prises d’otage et que les mollahs se dotent finalement de la bombe atomique ?
Quand l’ayatollah Khomeiny est mort il y a seize ans, certains en Europe se sont réjouis disant que le régime se trouvait au bord de la modération. L’euphorie était en contradiction avec la réalité puisque juste quelques mois auparavant, les ayatollahs avaient massacré 30.000 prisonniers politiques en quelques mois. Faisant la queue pour embrasser le président d’alors Hachemi Rafsandjani, ils ont également fermé les yeux sur le décret de mort contre un de leurs propres citoyens, l’auteur britannique Salman Rushdie.
Pas plus de quarante jours après la mort de Khomeiny, les commandos de la mort de Téhéran frappaient avec le succès à Vienne, abatant deux dirigeants Kurdes iraniens à bout portant par une équipe envoyée soi-disant pour des pourparlers. Moins d’un an après la présidence de Rafsandjani, un éminent défenseur des droits de l’homme, le Pr. Kazem Radjavi, était abattu en plein jour près de chez lui à Genève. Peu après, des assassins tranchaient la gorge à Chapour Bakhtiar, le dernier Premier ministre du chah, dans son domicile près de Paris. Dans chacun de ces cas, les Européens sans scrupules ont renvoyé les tueurs aux commanditaires de ces crimes. Ces décisions honteuses ont été justifiées au nom des intérêts de l’Etat.
Ce n’était pas fini. Au moment où un tribunal à Berlin traitait d’un autre cas de la complicité iranienne dans le meurtre de dissidents en Allemagne, l’homme qui allait être impliqué pour avoir ordonné ces crimes, le ministre iranien des renseignements Ali Fallahian d’intelligence, était reçu avec tapis rouge par son homologue allemand à Bonn. Le tribunal a conclu en 1997 que non seulement Fallahian, mais aussi le guide suprême Ali Khamenei et le président Hachemi Rafsandjani portaient la principale responsabilité dans ces assassinats. Cela n’a suscité qu’une faible protestation des Européens qui ont rappelé leurs ambassadeurs de Téhéran. Quand Khatami est entré en fonction deux mois plus tard, les Européens se sont empressés de reprendre leur rapprochement pour huit années supplémentaires, qui ont connu la fin des condamnations du bilan des violations des droits de l’homme Iran, le commencement "du dialogue des droits de l’homme" avec les bourreaux, l’expansion du commerce et pour compléter le tout, la désignation du principal groupe d’opposition, les Moudjahidine du peuple, comme organisation terroriste. Le chapitre final dans cette politique honteuse a été le raid du 17 juin contre les bureaux du Conseil national de la Résistance iranienne à Paris il y a deux ans.
Aujourd’hui, l’Europe est à la croisée des chemins, où il lui faut soit retourner à la vieille politique destructrice de complaisance suivie pendant seize ans ou se mettre du côté des millions d’Iraniens qui appellent à la liberté. Pour l’un comme pour l’autre de ces chemins, l’élection était une étape importante et on ne peut pas arrêter les roues du changement.
Il y a plusieurs leçons à retenir :
1. Le guide suprême n’a pas eu d’autre choix que de consolider le pouvoir dans les mains d’une faction face aux crises incurables et croissantes. En tant que telle, la base de son pouvoir s’est dangereusement rétrécie, ce qui le rend beaucoup plus vulnérable pour les semaines et les mois à venir. Ceci pourrait entraîner le démantèlement du régime dans son ensemble. Avec toute sa puissance et sa roublardise, Khomeiny connaissait parfaitement le potentiel explosif d’un pouvoir unipolaire, raison pour laquelle il avait toujours exigé le partage du pouvoir entre les diverses factions du régime.
2. Après l’invasion de l’Irak en 2003, le régime iranien a dû choisir entre une véritable réforme ou serrer de près le statu quo. Avec l’ascension d’Ahmadinejad, il est clair que Khamenei a opté pour le second, soit plus de répression dans le pays, la poursuite du soutien au terrorisme et une plus grande intransigeance sur le plan international.
3. Maintenu à flot par la complaisance des Européens, avec entre autres, la répression de l’ennemi mortel de Téhéran, les Moudjahidine du peuple, le guide suprême n’a pas perdu une minute pour se débarrasser de ses rivaux.
4. La résistance iranienne a prouvé qu’elle disait juste dans ses analyses des événements politiques en Iran, avec pour principe que la théocratie n’a pas la capacité de se réformer et que la véritable épreuve de force n’est pas entre les factions internes, mais entre les Iraniens d’une part et le régime dans sa totalité de l’autre.
5. L’Europe a une excellente occasion de rattraper à son erreur colossale en abandonnant la complaisance, en ne réprimant pas l’opposition iranienne et en reconnaissant le droit du peuple iranien à résister contre la tyrannie. Préconiser le statu quo ne fera pas revenir en arrière ; cela prélèvera seulement un tribut plus élevé sur les Iraniens. L’histoire jugera les architectes de la complaisance comme les complices des crimes que les mollahs ont commis contre la nation iranienne.
Mohammad Mohadessine
Président de la commission des Affaires étrangères
Le 1er juillet 2005