mercredi, juin 7, 2023
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La situation des droits de l’homme en Iran, une question cruciale (conférence en ligne) – Vidéo

La situation des droits de l’homme en Iran, une question cruciale

Lors d’une conférence en ligne, retransmise en streaming live sur le site ncr-iran.org/fr, la situation alarmante des droits de l’homme en Iran dans le contexte de l’accord nucléaire conclu cet été avec les puissances mondiales a été discutée par un panel d’experts, qui ont répondu à des questions envoyées par les internautes. 

La question essentielle qui animait ce débat était celle de la réaction à adopter face à la récente montée de la répression en Iran : comment réagir, que faire depuis la signature de l’accord ? Où en sont les droits de l’homme en Iran ?

Pour y répondre, étaient invités : 

– M. Alejo Vidal-Quadras, vice-président du Parlement Européen de 2009 à 2014, président du Comité international pour l’Application de la Justice.

– M. Jean-Pierre Michel, magistrat et parlementaire honoraire français ; cofondateur du Syndicat de la Magistrature et du Comité Français pour un Iran Démocratique.

– M. Pierre Bercis, expert en droits de l’homme, président de l’organisation les Nouveaux Droits de l’Homme.

– M. Marco Perduca, ancien sénateur et représentant du parti radical non violent et transparti italien à l’ONU. 

Chaque invité a commencé par faire une brève introduction sur ce sujet qu’ils estiment « crucial au monde d’aujourd’hui » (Vidal-Quadras).

 Pour M. Vidal-Quadras, l’accord nucléaire récemment conclu représente une occasion manquée : « [L’accord nucléaire représentait une] occasion magnifique pour inclure dans le sujet des négociations un chapitre des droits humains, et malheureusement d’une manière que je considère surprenante, cet aspect de la question a été complètement ignoré. » 

  1. Michel pointe la responsabilité des négociateurs européens, qui « auraient dû poser comme préalable à toute discussion » la demande à l’Iran « d’abolir les exécutions publiques, d’abolir la pendaison, d’abolir toutes ces scènes cruelles qui ont lieu tous les jours en Iran ». Pour M. Michel, les négociateurs européens auraient dû avoir une approche différente du Président Barack Obama, qui a voulu « un accord rapide pour redorer son blason ». À cause de cette occasion manquée, « les exécutions capitales ne font qu’augmenter, les atteintes aux libertés publiques, aux libertés de conscience, liberté d’information sont de plus en plus graves et donc contrairement à ce qu’on avait dit ces accords ne seront pas bénéfiques pour la vie quotidienne des iraniens. » 

De son côté, M. Bercis, défenseur et « conquérant » des droits de l’homme et des « nouveaux droits de l’homme », a tenté de se montrer plus optimiste, tout en faisant remarquer que les « droits de l’hommistes » comme lui se voyaient méprisés pour leur idéalisme. Adoptant une perspective réaliste, il a rappelé que les occidentaux se trouvaient « au pied du mur » et n’avaient d’autre choix que de conclure cet accord. Reconnaissant la contradiction, il souhaite « donner une chance » aux iraniens malgré leur propension à la tromperie : « Officiellement, l’Iran aurait renoncé à l’armement nucléaire ; mais nous ne sommes pas dupes, nous connaissons bien ce régime depuis près de 40 ans ; nous savons qu’il est composé de menteurs, de gens qui torturent, de gens qui exécutent. (…) Donnons une chance mais je ne suis pas optimiste, voilà. » 

Quant à M. Perduca, il a dit comprendre la nécessité de l’accord, mais dans le sens où cet accord ne suppose pas que l’on fasse confiance à l’Iran ; et c’est aux militants d’être vigilants sur son respect : « On doit vérifier que tous les paragraphes de l’accord sont appliqués et respectés et toutes les fois qu’il y a un problème, le dénoncer, et bien entendu chaque fois que c’est possible inclure dans le débat le problème des droits de l’homme. » 

À la première question d’un internaute, qui remet en question l’intérêt pour les pays occidentaux de fermer les yeux sur les violations des droits de l’homme par l’Iran, M. Vidal-Quadras s’est montré navré que les négociateurs de l’accord n’aient même pas « essayé d’introduire la question » des droits de l’homme. « [M]ême s’ils n’avaient pas eu de succès, si les iraniens avaient refusé de parler de cet aspect, le seul fait d’avoir essayé, aurait eu d’abord pour effet de renforcer le moral du peuple iranien, et de l’autre côté de freiner le régime. C’est une manière de dire au régime : “ Vous pouvez continuer, nous, nous n’allons rien dire ” ».

Michel s’est déclaré « absolument pantois » devant les concessions accordées à l’Iran, et le contenu des annexes secrètes de l’accord (le préavis de 24 jours avant toute inspection, et le fait que les iraniens pourront eux-même procéder aux contrôles de sites suspects). D’autre part, il a pointé l’erreur qu’il y avait à croire à une immense opportunité économique, alors que « les avoirs de l’Iran à l’extérieur ne sont pas du tout à la hauteur de ce qui a été annoncé ». 

La deuxième question a été celle du silence des médias en France sur la situation tragique en Iran. 

À ce sujet, M. Bercis a exprimé son incompréhension. Les Moudjahidines, les militants, qui « sont des dizaines, voire des centaines de milliers, sont à l’index, ils n’ont pas le droit de s’exprimer ». Mme Radjavi, la Présidente élue du Conseil National de la Résistance, « n’a jamais le droit à la parole dans les médias français, y compris [dans un] grand quotidien du matin où pourtant nous voyons un de ses éminents représentants toujours présent aux réunions des moudjahidines ». 

« Il faut que les amis de la démocratie en Iran (…) trouvent la bonne formule au mois de novembre quand Rohani va venir pour faire entendre la voix des sans-voix », a-t-il déclaré. 

La troisième question interrogeait le rôle des partis politiques face à ce silence. 

  1. Perduca a exposé la situation particulière de l’Italie, où les partis politiques sont liés aux intérêts économiques, où « il y a eu un débat très concentré sur la part économique » des relations avec l’Iran. Les plus grands médias italiens sont en partie des groupes économiques très forts (…) – même s’il y a bien sûr la liberté d’expression en Italie, quand il y a des sujets un peu [sensibles] on présente les questions d’une manière un peu particulière. C’est à nous de faire une contre-information pour informer sur ce qui se passe en Iran… en ce qui concerne les droits de l’homme mais aussi en ce qui concerne l’économie. » 

Il a ajouté : « Je pense que Rohani va venir en Italie dans les prochains mois – (…) il faut organiser des manifestations très claires, très dures, en faveur du respect des droits de l’homme parce que les droits de l’homme des iraniens ce sont en même temps les droits de l’homme des italiens (…). Parce qu’ici, on a caché des informations très importantes pour les italiens, pour voter pour des gouvernements qui signent des accords secrets avec des régimes qui ne sont pas démocratiques. »

Puisqu’il existe des accords secrets qui n’ont pas lieu d’être, « il y a une érosion de la possibilité de participation publique et politique des citoyens même chez nous ; on peut imaginer ce qui se passe dans un pays comme l’Iran. » 

La quatrième question demandait à M. Michel quel était le poids des lobbys en France et en Europe pour présenter le pays des mollahs comme un pays normal. 

« Je crois que les lobbys sont très importants, ils sont d’ailleurs appuyés par des personnalités qui devraient être indépendantes… (…) Qui ont tribunes ouvertes dans les journaux pour dire tout le bien qu’ils pensent du régime iranien. (…) C’est absolument étonnant que la presse française écrite, télévisée, radio, ne parle absolument pas ou très peu des problèmes des droits de l’homme en Iran, alors que dès que M. Sissi emprisonne des Frères Musulmans, immédiatement ça fait les gros titres dans les journaux ; et l’on dit que M. Sissi est un dictateur, mais on ne dit pas que le Guide Suprême ou M. Rohani est un dictateur. » 

« Il faudra qu’au mois de novembre, en France et dans les autres pays européens où M. Rohani ira peut-être (…), nos concitoyens sachent exactement avec qui on discute. On discute avec un pays qui est quand même la source-même de l’islamisme radical. Tout est parti de Téhéran, tout est parti des fatwas du Guide Suprême. » 

D’autres questions ont amené les participants à débattre sur la passivité des États-Unis après les bombardements chimiques d’Assad en 2013, le silence des politiques sur les exécutions en Iran, les leçons à tirer du massacre de 30 000 prisonniers politiques en 1988 dont les responsables sont toujours au pouvoir. 

Il a par ailleurs été demandé à M. Vidal-Quadras de répondre à ceux qui affirment que l’Iran des mollahs est un partenaire dans le combat contre l’extrémisme dans la région : 

  1. Vidal-Quadras : « L’idéologie du fondamentalisme islamique a été créée par Khomeiny. Et après ça s’est multiplié : sunnites, chiites… Mais le père de l’idée a été Khomeiny ; cette conception rigoriste, dogmatique, qui a besoin de la violence pour s’étendre dans le monde. Ce que nos gouvernements ne comprennent pas c’est que la menace la pire pour la stabilité mondiale a toujours été le régime des mollahs en Iran. Et on avait trouvé une voie efficace pour le combattre, les sanctions économiques, la pression diplomatique, l’exigence de respect aux droits humains, et tout à coup on a abandonné cette voie. » 

De son côté, M. Michel a également tenté de rétablir la vérité sur le gouvernement supposément « modéré » de M. Rohani : « il n’y a pas en Iran des modérés et des moins modérés. Il y a en Iran le Guide Suprême qui commande, qui a cru bon de faire élire comme Président de la République quelqu’un qui était plus présentable pour l’opinion publique occidentale, et encore… » 

Pour conclure, à plusieurs reprises lors de cette conférence, les participants ont rappelé la vivacité du peuple iranien, sa capacité à documenter sa situation et à résister à l’oppression, en soulignant l’espoir que représente la jeunesse. 

  1. Bercis : « On voit toutes ces jeunes femmes, ces jeunes gens qui sont très branchés sur les moyens modernes de communication. C’est là mon espoir parce que la jeunesse est majoritaire en Iran. Ça va continuer à pousser dans le sens de la démocratie. Peut-être qu’à un moment on va se trouver face à un nœud gordien comme en 2009, on va se trouver face à une révolte populaire. (…) Il n’empêche que nous en Occident, avec les nuances qui nous séparent on continue le combat très soudé pour la démocratie en Iran. »