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Iran : Une élection anti démocratique

La Revue Parlementaire, avril 2008 – Les élections législatives du 14 mars en Iran, ont été un test important de la crédibilité du régime iranien. Au terme du premier tour, criant victoire, le quotidien ultraconservateur Jomhouri Eslami prétendait que : «L’Iran est la démocratie la plus avancée du Moyen-Orient». Le ministère iranien de l’Intérieur, lui, annonçait une participation à la hausse. Le second tour des législatives aura lieu à la fin de ce mois. Mais la soixantaine de sièges qui restent ne modifieront en rien la composition du Majlis (parlement).

Par Jean-Pierre Michel, Sénateur (PS, Haute Saöne), Co-fondateur du syndicat de la magistrature et Jean-Philippe Maurer, Député (UMP, Bas-Rhin), Conseiller général, membres du "Comité Français pour un Iran Démocratique"

La Revue Parlementaire, avril 2008 – Les élections législatives du 14 mars en Iran, ont été un test important de la crédibilité du régime iranien. Au terme du premier tour, criant victoire, le quotidien ultraconservateur Jomhouri Eslami prétendait que : «L’Iran est la démocratie la plus avancée du Moyen-Orient». Le ministère iranien de l’Intérieur, lui, annonçait une participation à la hausse. Le second tour des législatives aura lieu à la fin de ce mois. Mais la soixantaine de sièges qui restent ne modifieront en rien la composition du Majlis (parlement).

A l’issus du scrutin, la faction conservatrice dirigée par le président Ahmadinejad est arrivée largement en tête, enlevant 139 sièges sur 290. Sur les 30 sièges de Téhéran, 19 ont été remportés au premier tour.  18 sont issus de la liste d’Ahmadinejad. La mouvance de l’ancien président Mohammad Khatami a été littéralement écrasée en n’emportant que 34 sièges.

L’enjeu n’était en aucun cas une bataille entre durs et soi-disant « modéré ». La vraie confrontation s’est faite entre deux factions extrémistes dominantes : la liste d’Ahmadinejad ("La bonne odeur de servir"), et celui de la coalition fondamentaliste d’Ali Larijani, l’ex-négociateur en chef du dossier nucléaire, de Mohsen Rezaï, l’ancien patron des gardiens de la révolution, et de Mohammad Javad Ghalibaf, l’actuel maire de Téhéran.

Première enjeu : le contrôle du Majlis par Ahmadinejad

Ce scrutin était-il démocratique comme le prétend le quotidien ultraconservateur iranien? Ces élections « n’ont été ni libres, ni équitables », a répondu la présidence slovène de l’Union européenne dans un communiqué publié le 17 mars à Bruxelles.

L’UE exprime « sa profonde préoccupation devant le fait que les procédures électorales dans la République islamique d’Iran ont été au-dessous des standards internationaux et que le processus électoral n’a pas permis des élections véritablement concurrentielles », a renchéri la présidence slovène.

En effet les véritables opposants, ceux qui réclament un changement de système sont exclus de ces élections. Seuls ceux qui ont prêté allégeance à la théocratie et à son pouvoir absolu ont été autorisés à se présenter.

Les candidats sont passés par le tamis d’un système de contrôle, avec d’abord les comités exécutifs du ministère de l’Intérieur et ensuite le Conseil de surveillance. Plus de 2000 candidats ont ainsi été radiés sous prétexte de « insubordination au Guide suprême ». Autant de candidats découragés par les procédures se sont désistés.

Cette victoire programmée de l’aile la plus extrémiste avec l’aval d’Ali Khameneï le guide suprême n’est en fait pas une surprise. Dans la plupart des circonscriptions, les candidats ultraconservateurs n’avaient aucun rival de poids, les filtres mis en place avaient déjà fait le travail. 
 
Deuxième enjeu : le boycott

Il n’est donc pas étonnant d’entendre de nombreuses voix crier aux fraudes. Comme toutes les autres élections en Iran, les législatives se déroulent sous le contrôle des gardiens de la révolution qui disposent de la totalité du pouvoir, avec l’absence de véritable contrôle d’observateurs impartiaux. Ce qui permet la manipulation des chiffres, du taux de participation et des fraudes. Contrairement aux déclarations officielles, les observateurs sur place ont tous noté un désintéressement total de la population, malgré l’appel de toutes les factions à la participation. Selon les réseaux internes de la principale opposition, les Moudjahidine du peuple (OMPI), qui ont contrôlé la fréquentation de près de la moitié des bureaux de vote, soit plus de 25.000 bureaux, 95% de la population a boycotté le scrutin. Tout semble indiquer que l’appel au boycott lancé par le Conseil national de la Résistance a bien été suivi. Embourbé dans ses mensonges, le ministère de l’Intérieur a laissé entrevoir une forte abstention. A titre d’exemple, Hadad Adel arrivé en tête à Téhéran, a été élu selon les chiffres officiels avec 11,5 % des voix. Selon l’agence officielle ISNA, à Tabriz (nord-ouest de l’Iran), le premier élu de la province d’Azerbaïdjan, Massoud Pezechkzad est arrivé en tête avec 105.000 voix, soit 8,5 % de l’ensemble des électeurs de la province. L’agence officielle Mehr annonce 211.624 voix pour le premier élu de Machad dans le nord-est, Mohammad Reza Faker, soit un petit 11,5 %.

Un sombre avenir

C’est sur un fond de crise grave que se sont déroulé ces élections. D’abord à l’intérieur du pays les mouvements de protestations se multiplient particulièrement auprès des étudiants. Un mouvement qui se radicalise aggravé par la crise économique et sociale. Ensuite la crise internationale. L’ingérence des mollahs en Irak, en Afghanistan, en Palestine et au Liban s’avère des plus néfastes. Plus grave encore la crise sur le programme nucléaire. Les révélations effectués en février par le CNRI et recoupé dans le fond par les recherches de l’agence internationale de l’Energie atomique sur l’existence des travaux pour l’ogive nucléaire ont mis la communauté internationale en Etat d’alerte. Contredisant le rapport des services américains qui supposait un arrêt du programme militaire nucléaire iranien, le CNRI a en effet démontré l’existence du « département de développement de l’application des technologie avancées » près de l’université du ministère de la Défense à l’est de Téhéran. Un centre de commandement pour la fabrication de la bombe atomique. L’opposition iranienne a également révélé l’emplacement du complexe industriel Nouri où se déroulent les travaux pour la production des ogives nucléaires au sud-est de Téhéran dans la zone militaire de Khojir. Ces révélations ont certainement justifié l’adoption d’une troisième résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, des mesures de restrictions à l’encontre des organismes et des personnes impliquées dans ce programme. 

Fragilisée par les mouvements de protestation à l’intérieur et par les  résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, le régime iranien tente en toute évidence de consolider des éléments les plus extrémistes proches du gouvernement et du guide suprême. En introduisant les éléments favorables à Ahmadinejad, le pouvoir montre sa volonté de poursuivre la fuite en avant.
 
Maryam Radjavi, la Présidente élue de la Résistance iranienne, a souligné que la purge effectué parmi les fidèles du régime n’est qu’un signe de son déclin. Elle a estimé que le résultat de « la mascarade électorale du Majlis", doit préparer le régime à une confrontation avec la communauté internationale. C’est pourquoi, a-t-elle conclu, ‘tout retard dans l’adoption d’une politique de fermeté vis-à-vis du régime conduirait à une catastrophe majeure. Une telle politique doit comporter des sanctions complètes imposées au régime des mollahs et la reconnaissance du droit du peuple iranien à résister."

En effet comment peut-on ignorer le bilan épouvantable de ce régime, les pendaisons de mineurs et les lapidations de femmes, et ce virage vers plus de cruauté et de violence?  

Il faut que la communauté internationale, la France en tête, respecte les aspirations démocratiques du peuple Iranien, son droit à s’opposer à la tyrannie brutale. La première démarche dans ce sens serait de retirer l’OMPI, la colonne vertébrale de l’opposition iranienne, de la liste du terrorisme. Cette inscription est un élément clé de politique de complaisance avec le fascisme religieux au pouvoir en Iran. Cette inscription est illégitime, particulièrement depuis qu’en décembre 2006, la Cour de justice européenne a ordonné d’annuler cette inscription. De même en novembre dernier, une juridiction de Grande-Bretagne a qualifié de "perverse" cette stigmatisation de l’OMPI et a ordonné au gouvernement britannique de retirer cette inscription.

Les juges ne sont pas les seuls. En janvier, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et le Parlement européen ont appelé les Etats membres à respecter les décisions judiciaires concernant l’OMPI.

Reconnaître le droit du peuple iranien à un avenir libre, c’est montrer  que nous croyons à nos propres idéaux. L’ignorer ce n’est pas seulement un déshonneur, mais c’est laisser planer le spectre d’une grave menace pour notre civilisation. 

Sous titre des photos :
Les Moudjahidine du peuple d’Iran ont appelé au boycott des élections : des affiches pour le boycott ont été collées sur les places publiques par les réseaux de résistants