Si le juge « antiterroriste » Jean-Louis Bruguière a cessé ses fonctions, le mouvement des Iraniens en exil à Auvers-sur-Oise est toujours sous le coup de procédures judiciaires. Une situation ubuesque.
Par Jean-François Dupaquier
LEcho-le Régional, 25 juillet Le flamboyant juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière, qui sétait fait mettre en disponibilité pour se présenter comme candidat UMP aux dernières élections législatives a été battu par son adversaire socialiste et na pas réintégré la cellule du dernier étage du Tribunal de Grande Instance de Paris.
Une issue qui met fin à un regrettable mélange des genres du militant UMP et candidat magistrat en voiture blindée, révolver de gros calibre dans la poche, entouré de policiers gardes du corps à oreillettes. Mais la mise à la retraite du juge Bruguière ne solde pas des dossiers discutables, aux effets ravageurs, comme les procédures judiciaires visant les dirigeants de lOrganisation des Moudjahidine du peuple iranien, basé à Auvers-sur-Oise. Et notamment la belle Maryam Radjavi, présidente de la République élue du Conseil national de la Résistance iranienne.
Regrettable confusion des genres
Le 17 juin 2003 avait lieu la spectaculaire arrestation perquisition au siège des Moudjahidine dAuvers-sur-Oise, avec les hommes du GIGN, du RAID, de la DST, etc. Une opération très médiatique, bien dans la manière du juge Bruguière. Mais une affaire qui par la suite sest singulièrement dégonflée, ce qui, hélas, est aussi dans la manière du « service après-vente » du juge vedette.
Plus de quatre ans après, que reste-t-il des arrestations, perquisitions, saisies, mise en examen et suicides par le feu de militants désespérés ? Essentiellement une enquête pour blanchiment dargent, les Moudjahidine ayant refusé de donner la liste des cotisants iraniens à leur mouvement. Et on comprend pourquoi, au vu de la situation en Iran.
Largument du « blanchiment dargent »
Que penserait-on dun juge qui en 1943, aurait mis en examen Jean Moulin, le chef de la résistance française, au prétexte que son mouvement bénéficiait de fonds dorigine difficile à déterminer ?
Mais ce qui est encore plus choquant, cest lappui apporté à labominable régime des mollahs iraniens par lopération Bruguière et le refus de clôturer, contre toute évidence et contre toute morale, un dossier vide.
Que le régime de Téhéran soit un des plus barbares de la planète constitue une évidence. Dans le film animé « Persépolis » quon a pu voir dans de nombreuses salles ces dernières semaines, la réalisatrice rappelle un crime particulièrement significatif : la condamnation à mort dune jeune militante des droits de lhomme quon ne pouvait exécuter car la religion invoquée par le régime interdit de tuer une vierge. Quà cela ne tienne, la condamnée fut mariée de force à un gardien de la révolution, déflorée par lui et ensuite « légitimement » tuée. Ajouter le viol à la condamnation à mort est un des attraits du régime de Téhéran que le juge Bruguière a, on lespère involontairement, soutenu, en persécutant le principal mouvement laïc de résistance à la barbarie.
Violée par ordre du régime
La correspondante en Iran du grand quotidien Le Figaro a rapporté de nouvelles anecdotes et appréciations sur un régime quen multipliant les souffrances des Iraniens et Iraniennes, ayant récemment aggravé les vagues de persécution.
Dans ce reportage daté du 13 juillet dernier intitulé « le régime iranien étouffe toute contestation », Delphine Minoui évoque les arrestations détudiants, de syndicalistes et de « binationaux » (une catégorie particulièrement surveillée), les poursuites contre les militantes féministes, les intimidations dopposants et de journalistes.
Arrestations tous azimuts
Delphine Minoui écrit : « Dans la salle de rédaction de ce journal local, on entend voler les mouches. Sous le poids des nouvelles restrictions imposées ces derniers mois, les plumes nont plus grand-chose à gratter. « A lexception de la retranscription des discours du guide suprême et des déclarations du président Ahmadinejad, écrire est devenu une prise de risque incontrôlable », se lamente un jeune reporter, qui préfère taire son nom.
On apprend quil lui est interdit dévoquer les sanctions onusiennes, interdiction de mentionner les arrestations menées par la sinistre et ubuesque « Police des murs », décrire sur les pressions subies par la minorité sunnite
Persécution et autocensure
A lorigine de cette « autocensure » : une circulaire de trois pages, envoyée par le Conseil suprême de la sécurité nationale aux rédactions des quotidiens iraniens et qui dresse une liste exhaustive des sujets à éviter. « Ceux qui dérogent à la règle sont régulièrement intimidés, parfois arrêtés, voir forcés de mettre la clef sous la porte », rapporte la journaliste du Figaro.
Elle mentionne : la fermeture forcée, à une semaine dintervalle, du quotidien réformateur Hamihan et de lagence de presse, semi-officielle Ilna, proche des modérés
Lapidation publique
Sous couvert danonymat, le journaliste local explique : « le pouvoir se sent menacé de lextérieur. Du coup, il réprime en interne ».
Les femmes sont particulièrement visées. On cite le cas de Delaram Ali qui vient dêtre condamnée à 34 mois de prison. Comme ça risque de ne pas suffire à la remettre dans le droit chemin, les juges ont assorti la peine de coups de fouet. Elle avait osé mener campagne en faveur de la parité entre les sexes dans son pays. Inimaginable !
La répression est généralement plus banale : ces dernières semaines, près de 150.000 Iraniennes ont été interpellées à cause de leurs foulards jugés insuffisamment stricts (ils ne cachaient pas totalement les cheveux)
Montrées du doigt, les autorités annoncent périodiquement la fin des sévices les plus barbares. En 2002, ils avaient ainsi déclaré que les lapidations publiques navaient plus cours. Ils sont sans doute victimes de la maladie dAlzheimer car on a annoncé voici quelques jours la lapidation publique dun homme accusé dadultère !
Et le vrai visage de la France ?
Comme le remarque un journaliste iranien interrogé par lenvoyé spéciale du Figaro, « le gouvernement dAhmadinejad est en train de montrer son vrai visage ».
Et si la France, elle, montrait le visage que lon aime et pour lequel des générations de démocrates se sont battues, parfois au péril de leur vie ? Le « Pays des Droits de lhomme » pourrait mieux défendre cette « identité française » dont on nous rebat les oreilles ces dernières semaines. La solution ? En clôturant le dossier si malencontreusement ouvert par le juge Bruguière.