Déclaration publique – MDE 13/075/2007
Amnesty International a lancé ce mercredi 20 juin un appel urgent au responsable du pouvoir judiciaire, layatollah Shahroudi, afin quil empêche la mise à mort de deux personnes condamnées à être lapidées en public le 21 juin 2007. Les deux personnes concernées – Mokarrameh Ebrahimi (f) et un homme dont lidentité nest pas connue – doivent être mises à mort dans un cimetière dans la localité de Takestan, dans la province de Qazvin.
Selon des militants impliqués dans la campagne Stop aux lapidations pour toujours ! en Iran (dont le site en persan est http://www.meydaan.com/news.aspx ?nid=391), Mokarrameh Ebrahimi et lhomme dont le nom na pas été révélé ont été condamnés à mort après avoir été reconnus coupables dadultère. Au titre de larticle 83 du Code pénal iranien, lexécution par lapidation est la peine prévue pour un adultère commis par un homme marié ou une femme mariée. Selon le droit iranien, ladultère peut être prouvé par les déclarations de témoins oculaires (le nombre exigé varie selon les types dadultère), des aveux faits par laccusé (répétés quatre fois), ou la « connaissance » de cet adultère par le juge. Dans ce dossier, la base de la culpabilité pour adultère était la « connaissance » du juge, qui sest appuyé sur le fait que le couple avait un enfant ensemble.
Mokarrameh Ebrahimi et lhomme dont lidentité nest pas connue sont emprisonnés depuis onze ans dans la prison de Choubin, dans la province de Qazvin. Ils auraient récemment fait appel de leur condamnation à la lapidation devant la Commission judiciaire des grâces, mais cet appel aurait été rejeté. La lapidation était prévue le 27 juin, mais elle a été repoussée au 21 juin – en public et en présence, semble-t-il, du juge de la première chambre du tribunal pénal de Takestan. Selon les informations dont nous disposons, ce serait à lui de jeter la première pierre, avant de laisser le public présent lors de ce rassemblement continuer à jeter des pierres jusquà ce que les deux accusés soient prononcés morts. Les fosses dans lesquelles Mokarrameh Ebrahimi et lhomme dont lidentité na pas été révélée seront placés pour être lapidés auraient déjà été creusées dans le cimetière de Behesht-e Zahra en préparation des exécutions.
Amnesty International demande instamment aux autorités iraniennes dintervenir immédiatement pour empêcher les lapidations prévues et de commuer la peine de mort prononcée contre ces deux personnes. Lorganisation soppose dans tous les cas à la peine de mort qui constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit. Lexécution par lapidation aggrave encore la brutalité de la peine, étant conçue spécifiquement dans le but daugmenter les souffrances de la victime, les pierres étant délibérément choisies suffisamment grosses pour infliger de la douleur mais pas assez pour tuer la victime sur le champ.
Amnesty International appelle également le gouvernement iranien à annuler toutes les exécutions par lapidation et à imposer un moratoire dans lattente dune abrogation ou dune modification de larticle 83 du Code pénal. Toutes les condamnations à mort par lapidation doivent être commuées.
Amnesty International soppose également à la criminalisation des relations sexuelles entre adultes consentants, dans un cadre privé. Lorganisation demande instamment aux autorités iraniennes de revoir toutes les lois relatives à cette question afin de décriminaliser les relations sexuelles entre adultes consentants, dans un cadre privé.
Complément dinformation La mise à mort par lapidation est prévue en droit iranien pour ladultère commis par un homme marié ou une femme mariée. Le Code pénal décrit de façon très précise la manière dont les condamnés doivent être exécutés ainsi que le type de pierres quil faut utiliser à cette fin. Aux termes de larticle 102, les hommes doivent être enterrés dans le sol jusquà la taille et les femmes jusquà la poitrine avant lexécution. Larticle 104 dispose : « Les pierres utilisées pour infliger la mort par lapidation ne devront pas être grosses au point que le condamné meure après en avoir reçu une ou deux ; elles ne devront pas non plus être si petites quon ne puisse leur donner le nom de pierre. »
En décembre 2002, layatollah Shahroudi, responsable du pouvoir judiciaire, aurait adressé aux juges une décision ordonnant un moratoire sur les exécutions par lapidation, dans lattente dune modification permanente de la loi, envisagée semble-t-il, par le Guide suprême de lIran, layatollah Ali Khamenei. Toutefois, en septembre 2003, une loi concernant lapplication de certains châtiments, notamment la lapidation, a été adoptée, qui a manifestement affaibli ce moratoire. Amnesty International a continué par ailleurs à recevoir des informations faisant état de condamnations à la lapidation, même si aucune exécution ne semble avoir eu lieu avant mai 2006, lorsquune femme et un homme ont été lapidés à mort. Les deux victimes, Abbas (h) et Mahboubeh (f) auraient été lapidés à mort dans un cimetière de Mashbad, après avoir été déclarés coupables du meurtre du mari de Mahboubeh et dadultère accusation passible de la peine de mort. Une partie du cimetière avait été fermée au public et plus dune centaine de gardiens de la révolution et de miliciens volontaires, qui avaient été invités à assister à lexécution, auraient participé à la lapidation à mort du couple.
Le 21 novembre 2006, lancien ministre de la Justice Jamal Karimi-Rad a nié que des lapidations aient lieu en Iran, déclaration reprise le 8 décembre 2006 par le chef de ladministration pénitentiaire de Téhéran. Les militants qui font campagne contre la lapidation ont répondu quil existait des preuves irréfutables que la lapidation de Mashdad avait bien eu lieu.
À la mi-2006, un groupe iranien de défense des droits humains, composé essentiellement de femmes, parmi lesquelles des militantes, des journalistes et des avocates, a entamé une campagne en vue de labolition de la lapidation, en sappuyant sur les cas de neuf femmes et deux hommes condamnés à cette peine : Hajieh Esmailvand, Ashraf Kalhori, Parisa, Iran, Khayrieh, Shamameh Ghorbani (également connue sous le nom de Malek), Kobra Najjar, Soghra Molaíi, Fatemeh, Abdollah F. et Najaf. La campagne Stop aux lapidations pour toujours ! vise à sauver les vies de neuf femmes et de deux hommes condamnés à la lapidation et à faire abolir la lapidation en droit et en pratique. Les avocats présents au sein du groupe ont entrepris de les représenter. Depuis le début de la campagne, trois personnes ont été sauvées de la lapidation, dautres ont obtenu un sursis et certains dossiers ont même été ré-examinés et parfois re-jugés. Hajieh Esmailvand a été acquittée le 9 décembre 2006 de laccusation dadultère, pour laquelle elle avait été condamnée à mort par lapidation, et a retrouvé la liberté ; Parisa a été remise en liberté le 5 décembre 2006 après avoir reçu 99 coups de fouet après une décision de la Cour suprême commuant sa peine ; la condamnation à la lapidation de Najaf le mari de Parisa a également été commuée en une peine de flagellation par la Cour suprême.
Dernière modification le : 20 juin 2007