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Pourquoi la survie du régime clérical en Iran empêche sa coexistence pacifique au Moyen-Orient

Pourquoi la survie du régime clérical en Iran empêche sa coexistence pacifique au Moyen-Orient
Délégations au sommet « Paix 2025 » à Charm el-Cheikh, Égypte — 13 octobre 2025. (Source: DWS News YouTube channel — Oct 13, 2025)

Le régime théocratique au pouvoir en Iran a refusé de participer au sommet de Charm el-Cheikh, une réunion de haut niveau convoquée par l’Égypte – avec une large participation transatlantique, arabe et asiatique – pour consolider le cessez-le-feu à Gaza et passer des armes à la gouvernance. De nombreux médias confirment le refus de Téhéran ; les médias d’État iraniens l’ont présenté comme une décision souveraine prise après des « consultations d’experts ». L’image est claire : le régime a évité un événement consacré à la réduction progressive de la guerre par procuration et à l’élaboration de règles applicables.

L’ordre du jour – échanges de prisonniers, supervision internationale de la reconstruction, autorité intérimaire technocratique à Gaza et exclusion des factions armées du pouvoir – est en contradiction directe avec la stratégie régionale de Téhéran. Sa participation aurait impliqué un acquiescement aux restrictions imposées aux instruments mêmes que le régime finance, forme et arme.

La justification publique de Téhéran – sanctions et « attaques » des États occidentaux – ne résiste pas à l’examen. Ces pressions sont précisément ce que le sommet cherchait à désamorcer par des moyens institutionnels. Refuser de participer à ce sommet relevait moins d’une question de principe que d’une question d’auto-préservation : rejoindre une coalition formalisant les contraintes sur la guerre par procuration aurait mis en évidence la faiblesse du régime sur le plan intérieur et affaibli ses outils de coercition à l’étranger.

Idéologie
La dictature cléricale n’est pas conçue pour une coexistence normale. Sa constitution structure sa politique étrangère autour de la confrontation avec les « puissances hégémoniques », promettant un « soutien » au-delà des frontières de l’Iran – une clause invoquée à maintes reprises pour justifier un activisme extraterritorial. Il ne s’agit pas d’une préférence politique que l’on peut abandonner lors d’un sommet ; elle est inscrite dans l’ADN juridico-idéologique du régime.

Pendant la guerre Iran-Irak, le slogan de l’ancien guide suprême Ruhollah Khomeini – « La route de Jérusalem passe par Kerbala » – sacralisait la confrontation avec ses voisins et formulait une théorie de l’influence régionale par la lutte armée. La littérature scientifique et politique montre comment ce slogan a façonné la stratégie bien au-delà du champ de bataille. Un système politique qui fait de la guerre par procuration une vertu considérera tout cadre de démobilisation comme une hérésie.

Ce mandat idéologique n’est pas un excès de rhétorique ; il confère un objectif, un budget et un prestige aux organes de sécurité qui le mettent en œuvre. Lorsque des acteurs extérieurs militent en faveur de la démilitarisation, de la surveillance et d’un règlement des différends réglementé, ils remettent en cause un discours fondateur qui assimile le militantisme à une position morale. C’est pourquoi même une participation symbolique à Charm el-Cheikh a été trop coûteuse pour Téhéran.

Instruments
Le CGRI, désigné organisation terroriste étrangère par les États-Unis en 2019, existe pour défendre le régime sur le plan intérieur et projeter sa puissance à l’étranger par le biais de la Force Al-Qods. Son avantage comparatif réside dans la guerre par procuration : il arme, forme et finance des acteurs non étatiques afin d’exercer un droit de veto sur la politique locale et de faire pression sur ses adversaires sans conflit interétatique direct.

Les rapports de l’ONU et les désignations gouvernementales détaillent le soutien matériel iranien aux Houthis, au Hezbollah et à plusieurs milices irakiennes. Les récentes actions américaines ont de nouveau ciblé les finances et la logistique des groupes pro-iraniens ; des experts de l’ONU ont retracé des missiles et des composants de drones interceptés jusqu’aux réseaux iraniens. Ce processus qui bloque les voies de ravitaillement et écarte les groupes armés de la gouvernance menace l’ensemble du modèle opérationnel de Téhéran. Les médias iraniens peuvent affirmer que l’absence de Charm el-Cheikh « ne limitera pas » l’influence de Téhéran. Les faits montrent le contraire : lorsque les vérifications se renforcent et que les filières d’armement sont surveillées, l’influence du régime diminue. C’est précisément pourquoi il ne se présenterait pas sur une scène conçue pour codifier ces contraintes.

Intérieur
Oublions les euphémismes : la faiblesse du régime est interne. Après des années de manifestations et de répression, la participation électorale a chuté – environ 8 % au premier tour de la présidentielle de 2024, son plus bas niveau depuis 1979 – avant de rebondir à environ la moitié au second tour. Le faible consensus contraint les dirigeants à s’appuyer sur les organes de sécurité et la propagande. Adhérer à un ordre régional fondé sur les règles briserait le discours du « siège » dont ils ont besoin pour justifier la répression.

La répression s’intensifie. L’ONU a recensé au moins 975 exécutions en 2024 ; Amnesty en recense désormais plus de 1 000 en 2025, soit le taux le plus élevé en Iran depuis au moins 36 ans. Les organisations indépendantes de défense des droits humains et les mécanismes de l’ONU continuent de documenter la torture, les procès inéquitables et la discrimination systémique. Un État qui gouverne par la peur ne peut se permettre de prétendre à une désescalade à l’étranger.

L’économie est fragile. Les indicateurs du FMI et de la Banque mondiale indiquent une inflation élevée (autour de 40 %), un effondrement de la monnaie au-delà d’un million de rials pour un dollar cette année, selon les dernières projections de la Banque mondiale. La volonté du Parlement de supprimer quatre zéros de la monnaie est un symptôme, et non un remède. Les conflits à l’étranger détournent l’attention des défaillances de gouvernance intérieure.

Incitations
La coexistence implique une surveillance intrusive, l’interdiction des flux d’armes et l’exclusion des hommes armés de la vie politique. Pour Téhéran, cela brise trois piliers de sa survie : une légitimité idéologique fondée sur la confrontation ; un budget du CGRI et un système de clientélisme liés à un activisme expéditionnaire ; et un discours national qui impute à un ennemi extérieur la responsabilité de chaque pénurie et de chaque frappe. Ces incitations s’opposent toutes au compromis.

La participation à Charm el-Cheikh aurait signifié l’acceptation d’un nouvel ordre régional : pas d’armes entre les mains d’acteurs non étatiques, une vérification plus stricte et une gouvernance technocratique à Gaza. Cet ordre obligerait Téhéran à mettre fin à la guerre par procuration qui maintient son influence régionale et sa cohésion interne. Le régime a fait le calcul et est resté chez lui.

Il ne s’agit pas d’un choix tactique, mais structurel. À moins que ces piliers ne changent, Téhéran considérera toute architecture de paix régionale durable comme une menace directe pour la survie du régime et s’efforcera de la saboter par une violence qu’il peut nier. Les stratèges occidentaux devraient considérer cela comme une base, et non comme une exception.

Fin de partie
Attendre que Téhéran renonce aux mécanismes mêmes qui maintiennent l’État clérical en vie est un mirage. Le guide suprême et stratège en chef du régime, Ali Khamenei, affirme depuis longtemps à sa base que si l’Iran ne combat pas au-delà de ses frontières, il sera confronté à la guerre à « Kermanshah, Hamedan… et dans d’autres villes [iraniennes] » – une doctrine destinée à sanctifier la guerre par procuration permanente et à présenter tout recul comme le premier glissement sur la pente des « concessions interminables ».

Avant et tout au long de la guerre des Douze Jours de juin, les avertissements étaient explicites : l’AIEA condamne l’enrichissement à plus de 60 %, les signaux publics de Washington, puis les frappes israéliennes contre des cibles nucléaires et des cibles de commandement, suivies d’attaques américaines contre les infrastructures d’enrichissement. Téhéran a toujours refusé de freiner l’enrichissement ou de proposer des compromis sérieux, car céder les outils de survie aurait affaibli le système qui assure la sécurité du régime sur son territoire.

La conclusion est claire, mais inéluctable : la quasi-totalité des États ont salué l’accord de paix pour Gaza, à l’exception du régime iranien. Pour les dirigeants de Téhéran, la paix régionale démantèlerait la stratégie de survie même qu’ils ont bâtie sur des milices mandatées, des programmes de missiles et une crise perpétuelle. Tant que ce régime gouvernera l’Iran, il entravera toute voie vers une paix durable au Moyen-Orient. Une paix durable repose donc sur un changement politique à Téhéran qui supprime l’appareil qui fait du conflit sa raison d’être.