Le mois dernier, des dizaines de législateurs européens ont signé une déclaration adressée au président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dans laquelle ils condamnent « toute politique de complaisance et de concessions au régime iranien » et exigent ensuite « des mesures sérieuses et efficaces » comme alternative. Plus précisément, la déclaration a exhorté à la rupture des relations commerciales européennes avec le régime des mollahs, en attendant une action du régime qui démontre une volonté d’améliorer son bilan en matière de droits humains et de promotion des activités terroristes au-delà de ses frontières.
La déclaration fait mention à une tendance à l’escalade de la répression politique en Iran, mais elle est principalement motivée par le procès pour terrorisme qui était alors en cours devant un tribunal belge, avec la participation du diplomate iranien Assadollah Assadi. Environ une semaine après la déclaration, l’ancien troisième conseiller de l’ambassade iranienne à Vienne a été déclaré coupable et condamné à 20 ans de prison. Trois coaccusés ont également été condamnés à des peines de prison allant de 15 à 18 ans. Le procès semble avoir confirmé qu’il existe une menace sous-jacente du terrorisme iranien qui doit encore être traitée, et c’est ce message que la déclaration de l’APCE a cherché à développer.
Cette déclaration n’était pas la seule de ce type. Auparavant, le Comité international pour la recherche de la justice avait préparé une lettre à l’intention de hauts responsables de l’Union européenne, dont le chef de la politique étrangère, Josep Borrell, qui portait les signatures de plus de 20 anciens responsables gouvernementaux de plus d’une douzaine de pays européens. La déclaration précédente mettait moins l’accent sur les interactions commerciales, mais communiquait pratiquement les mêmes demandes de concessions iraniennes tout en exhortant les gouvernements européens à dégrader leurs relations diplomatiques avec le régime.
Les deux déclarations visaient aussi directement le ministre des Affaires étrangères du régime iranien, Javad Zarif, soulignant que son rôle de diplomate en chef de la nation rend pratiquement inconcevable le fait de ne pas avoir approuvé à l’avance les actions d’Assadi. Ces actions comprennent la contrebande d’un engin explosif de l’Iran vers l’Europe et la remise de cet engin à deux agents chargés d’infiltrer le rassemblement des expatriés iraniens de juin 2018 qui avait été organisé par le Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI). Assadi aurait ordonné à ces agents de placer la bombe le plus près possible de la présidente élue du CNRI, Maryam Radjavi. Ce faisant, il a également créé un risque élevé pour les nombreux dignitaires politiques occidentaux qui se sont assis dans la section VIP de cet événement et ont prononcé des discours devant les quelque 100 000 participants.
Les procureurs dans l’affaire Assadi n’ont eu aucun doute sur l’idée que le cerveau du complot avait opéré sur des instructions venant des sommets du régime des mollahs. Et le CNRI a spécifiquement indiqué que ces instructions provenaient du Conseil suprême de sécurité nationale, où sont représentés à la fois le président et le Guide Suprême.
En outre, l’affaire Assadi a mis en évidence le danger persistant de voir ces autorités politiques activer des cellules dormantes en Europe comme elles l’ont fait dans le cadre de leur tentative d’attaque contre le CNRI. Les co-conspirateurs d’Assadi étaient des personnes ayant la double nationalité irano-belges qui avaient résidé en Europe pendant de nombreuses années sans incident. L’analyse des documents obtenus lors de son arrestation a montré qu’il avait été en contact avec de nombreux autres individus de ce type dans au moins 11 pays européens, et qu’il avait fourni à certains d’entre eux des paiements en espèces pour des services encore inconnus.
Iran: 40 membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) appellent à la révision de la politique iranienne https://t.co/YqtcARGFK1 via @CNRIFrance #Iran
— CNRI-France (@CNRIFrance) 7 février 2021
L’arrestation et la condamnation d’Assadi ont peut-être bloqué le fonctionnement de ce réseau, mais il y a tout lieu de croire que le réseau lui-même reste en place, peut-être comme un élément d’un projet de bien plus grande envergure. Pour cette raison, la déclaration du Comité international pour la recherche de la justice a indiqué que « les activités des ambassades, des centres religieux et culturels d’Iran doivent être examinées » tandis que l’Europe cherche également à faire rendre des comptes aux personnalités qui se trouvaient plus haut dans la chaîne de commandement lors de la tentative d’attentat à la bombe de 2018.
Zarif est le chef de ces personnalités et il est aussi de loin la cible la plus accessible pour les sanctions parmi les hauts responsables iraniens. Si la perspective de l’arrêter et de le poursuivre en justice est pour l’instant lointaine, il y a beaucoup d’autres choses qui peuvent être faites pour démontrer qu’il ne bénéficie plus du statut ou de l’impunité dont il jouissait dans les premiers jours de l’administration Rouhani, lorsque tant de décideurs politiques occidentaux étaient trop optimistes à l’idée de normaliser les relations avec le régime des mollahs.
Le complot terroriste de 2018 aurait dû prouver à chacun de ces décideurs politiques que la normalisation était une chimère et que le seul impact significatif de l’accueil de diplomates iraniens à la table des négociations est un danger accru pour la sécurité des citoyens européens. Malheureusement, il reste un important contingent de résistance à cette leçon, de nombreux décideurs européens continuant de plaider ouvertement pour un commerce quasi illimité et des échanges diplomatiques inconditionnels avec le régime des mollahs.
Cette stricte adhésion au statu quo est particulièrement troublante quand on constate qu’il vient des plus hautes sphères de la direction politique européenne. Josep Borrell, le chef de la politique étrangère de l’UE, devrait se présenter personnellement aux côtés de Javad Zarif début mars pour le Forum des affaires Europe-Iran, un événement initialement prévu pour décembre, mais reporté à la suite de nouvelles inquiétantes concernant la répression des dissidents par les mollahs.
Quelques mois plus tôt, il avait été rapporté que les autorités iraniennes avaient attiré un journaliste dissident de France en Irak dans le cadre d’une opération d’infiltration, puis l’avaient ramené dans son pays d’origine. Ruhollah Zam est devenu un sujet de préoccupation internationale encore plus sérieux après l’annonce de sa condamnation à mort, mais cela n’a pas empêché le régime d’exécuter cette condamnation et de susciter un tollé généralisé.
Borrell et d’autres responsables de la politique étrangère de l’UE devraient reconnaître que ce mépris de la pression internationale prouve à quel point Téhéran prend cette pression au sérieux lorsqu’elle n’est pas soutenue par de graves menaces ou un engagement soutenu. En outre, ils devraient reconnaître que l’assassinat de Zam est indicateur du même genre d’impunité qui était existait lorsque Téhéran a décidé de mettre des vies occidentales en danger dans l’espoir de porter un coup au CNRI.
Si Borrell et ses collègues mettent à exécution leur intention de parler au Forum des affaires Europe-Iran, ils tourneront le dos aux principes qui ont conduit au report de cet événement, et pire encore, ils mettront le la sécurité de leur propre région en danger.