samedi, juillet 27, 2024
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Un régime aux abois en Iran – Frédéric Encel

CNRI – « Le régime a décidé de reculer sur le nucléaire parce qu’il souhaite échapper au sort qui aurait pu lui être réservé en 2009 et qui a été réservé à certains dictateurs du monde arabe, le régime souhaite la levée des sanctions précisément pour éviter ce qui risque d’être un jour une révolte sociale », a déclaré Frédéric Encel.

Le chercheur et universitaire français s’exprimait le 21 janvier à Paris lors d’une conférence au Sénat, dans laquelle des sénateurs issus de tous les groupes politiques, en présence de personnalités diverses et de la dirigeante de la Résistance iranienne Maryam Radjavi, ont évoqué la situation préoccupante des droits de l’homme en Iran et les tensions créées par le régime iranien dans les crises du Moyen-Orient, spécialement en Syrie et en Irak. La conférence était organisait par le CFID qui célébrait le septième anniversaire de sa création.

Dans son intervention Frédéric Encel a ajouté:

Ce qui caractérise aujourd’hui la république islamique d’Iran, c’est un régime aux abois. Les régimes aux abois sont des régimes dangereux. Lorsque la bête est blessée, elle attaque. C’est vrai en relations internationales, en sciences politiques. Nous assistons à une politique qui est à la fois une politique de recul et d’avance, de repli ou d’attaque si vous préférez. Alors recul sur le dossier nucléaire, oui. Parce que comme cela a été très bien dit aujourd’hui la situation économique et technologique est désastreuse, la situation sociale l’est peut-être encore plus.

Alors fondamentalement, d’un point de vue humain, je ne pense pas que cela gêne beaucoup les mollahs. En revanche ce qui les gêne, c’est le risque de chuter. Rappelons nous du printemps iranien en 2009. Ici personne n’a oublié. En 2009 le régime a vacillé. Et depuis 2009 à quelques encablures, dans une grande majorité des sociétés arabes, il y a eu ce qu’on appelle, le printemps arabe. Et là vous avez eu la chute de quatre dictatures. Alors sur 23 ce n’est peut-être pas énorme, d’ailleurs tous les chefs d’État arabe ne sont pas des dictateurs. Là, je crois que réellement le régime a commencé à craindre pour son maintien au pouvoir.

C’est la raison pour laquelle je pense sur le dossier de la bombe, ce qui lui coûte finalement plus cher, il a décidé de reculer. Alors reculer pour mieux sauter. Reculer d’abord parce qu’il souhaite échapper au sort qui aurait pu lui être réservé en 2009 et qui a été réservé à certains dictateurs du monde arabe. Le régime souhaite la levée des sanctions précisément pour éviter, à mon avis, ce qui risque d’être un jour une révolte sociale.

Deuxième point, les droits de l’homme et j’allais dire les droits ou la dignité pour les opposants. Il est bien évident que l’on ne peut pas tout obtenir aujourd’hui de Téhéran. L’Occident, la Russie et la Chine sont trop heureux d’espérer que se règle la crise nucléaire qui pourrait balayer l’ensemble du Moyen-Orient. Ils sont trop heureux de ça pour insister en plus sur les droits de l’homme. Il ne faut quand même pas exagérer !

Les affaires économiques risquent de reprendre leur droit avant qu’on ait eu tous ensemble ici le temps, la capacité, l’énergie de soutenir les droits de l’homme en Iran. Malheureusement et je crois qu’il ne faut pas laisser faire. Là sur le coup il y a une espèce de course de vitesse qui est engagée, il ne faut pas perdre cette course de vitesse. C’est vrai pour la défense des droits de l’homme et surtout le droit des femmes de manière générale en Iran, et c’est vrai en particulier pour évidemment pour le camp de Liberty.

L’accord avec l’Occident permet à la république islamique de maintenir sa pression en termes géopolitiques, notamment en Irak et au Liban. Tout à l’heure, monsieur le sénateur, vous avez évoqué le troisième mandat potentiel du premier ministre Maliki en Irak. Cela devient un pouvoir fantoche. Et le problème c’est que le pouvoir irakien aujourd’hui, devient de plus en plus aux ordres de la république islamique d’Iran. Alors vous voyez, perdant sur le côté nucléaire, mais gagnant, pensent sans doute M. Rohani et M. Khamenei, sur la Syrie et sur l’Irak.

Alors c’est vrai que hier on a assisté à une semi victoire dans le sens où finalement Ban Ki-moon n’a pas pu inviter l’Iran, sinon la conférence n’avait pas lieu, mais c’est un recul parfaitement tactique et qui n’engage à rien sur le terrain. Sur le terrain sécuritaire, militaire, logistique, l’Iran et son vassal, le Hezbollah, jouent un rôle absolument fondamental en faveur du dictateur criminel Bachar Al-Assad.

Modération pragmatisme ?
Je pense qu’en géopolitique, il faut toujours se méfier des termes. Si la modération consiste à accepter de négocier sur le dossier nucléaire, c’est-à-dire simplement à respecter les résolutions des Nations unies votées depuis 2006 sur le dossier nucléaire, oui alors on pourra parler de modération. Et ce n’est pas mon cas. Je pense qu’il faut plutôt parler de pragmatisme. Alors le pragmatisme, c’est une des vertus non pas morale, mais une des vertus politiques des dictateurs qui ne souhaitent pas chuter. Je dis souvent que le pragmatique a ceci de différent avec le dogmatique, que le pragmatique, lui, quand il voit cingler vers ses côtes les destroyers britanniques et américains, et bien peut toujours continuer à lapider ses femmes, de toute façon ça ne lui coûte rien et tout le monde s’en fiche ici hélas.

En revanche, il va commencer à négocier sur ce que l’Occident et la communauté internationale exigent très concrètement en matière militaire, et en l’occurrence en matière nucléaire. Donc c’est un président qui n’a pas été élu démocratiquement, qui a été élu par Khamenei en juin dernier, qui est un président pragmatique, ce n’est pas un président modéré, certainement pas sur le plan moral. Je ne reviendrai pas sur les pressions qui continuent de prévaloir, peut-être même qui se sont renforcés d’ailleurs sur les médias bien évidemment, sur les femmes, sur les déviants, les homosexuels, les opposants et un certain nombre de minorités.