Un groupe de défenseurs des droits humains a organisé à Londres un tribunal populaire international, appelé « Tribunal des atrocités du régime iranien ». Ce tribunal, également connu sous le nom de « Tribunal d’Aban », a été organisé pour enquêter sur les « crimes contre l’humanité » commis par le régime iranien lors de sa répression brutale des manifestations de novembre 2019.
Le tribunal d’Aban a réuni des familles de victimes de manifestations iraniennes, d’anciens détenus politiques et plusieurs défenseurs des droits humains.
Mme Maryam Radjavi, présidente élue du Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI), a apporté son ferme soutien à l’initiative.
Témoignages au tribunal d’Aban
Le tribunal d’Aban a présenté des témoignages très choquants de familles de victimes ainsi que de manifestants arrêtés pendant et après les manifestations.
« Ils ont tiré sur mon fils alors qu’il se tenait près d’un mur », a déclaré le témoin numéro 18 lors d’un message vidéo depuis l’Iran.
La sœur de l’une des victimes a déclaré : « Je suis ici pour défendre mon frère tué. Je couvre mon visage parce que nous subissons une pression féroce. Ils menacent de nous tuer. Par conséquent, je ne peux pas montrer mon visage. Je ne sais pas pourquoi ils ont tué mon frère. Au bout d’un an et demi, ils nous ont dit que mon frère avait été tué par la milice Basij, et que nous ne devrions plus donner suite à la question. Mon frère a reçu une balle dans l’abdomen. Il est mort d’une perte de sang excessive. Lorsqu’il a été abattu, ils ont empêché les gens de l’emmener à l’hôpital. Il a souffert pendant une heure avant de mourir. »
« J’ai vu l’un des manifestants blessés à l’hôpital », a déclaré le témoin numéro 109 d’Iran. « Il a reçu une balle dans la tête. Il a subi une intervention chirurgicale sur son crâne, et un quart de son cerveau a été arraché. Des agents de sécurité du régime étaient présents à l’hôpital et enquêtaient sur lui. L’interrogateur m’a dit que je suis ton juge et c’est moi qui décide de ton sort », a déclaré une Iranienne qui est maintenant hors d’Iran. « J’ai été emmené dans une chambre. La gardienne de prison m’a dit : enlève et donnes-moi tes vêtements.
Alors que je les lui ai donnés, cinq hommes sont entrés dans la pièce et ils se couvraient le visage. J’ai entendu la voix de mon interrogateur. Ils ont commencé à me tripoter. Il a dit que c’est ta punition pour ne pas avoir accepté d’avouer à la télévision », a-t-elle déclaré, ajoutant qu’ils l’avaient agressée sexuellement. « Quel était mon crime ? » demanda-t-elle en fondant en larmes. Le harcèlement sexuel des femmes dans les prisons a été la méthode constante du régime misogyne pour briser les femmes.
Vidéo : Manifestations en Iran : soulèvement national en Iran – novembre 2019
Le changement de régime est une demande populaire en Iran
Les témoins ont également souligné l’ampleur et la profondeur des manifestations de novembre 2019. Les gens ont pris d’assaut les centres de répression et de pillage du régime. Selon les témoins, le changement de régime était une demande populaire.
En bref, le soulèvement de novembre 2019 a dépeint une société explosive qui aspire au changement et à la fi de quatre décennies de dictature.
Il convient de noter qu’Amnesty International avait documenté les tortures dans les prisons iraniennes contre des manifestants détenus. Le rapport, intitulé « Iran : Piétiner l’humanité », a fait la lumière sur les actions du régime et a conclu que le régime avait commis de nouvelles violations graves des droits humains.
Le régime iranien a critiqué le tribunal populaire de Londres. Une source européenne a dit que le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Ali Bagheri-Kani, avait menacé les responsables britanniques lors d’une rencontre jeudi.
« Il avait menacé que si les [autorités britanniques] n’arrêtaient pas le tribunal d’Aban, Téhéran arrêterait immédiatement une partie de ses négociations nucléaires », aurait déclaré la source aux organisateurs.
Hassan Norouzi, vice-président de la Commission judiciaire du parlement des mollahs, a également réagi au tribunal public de Londres. Interrogé par le journaliste du site Internet Dideban que ne serait-il pas préférable que le procès se déroule en Iran, Hassan Norouzi a déclaré : « Qu’est-ce que cela signifie ? Quel procès ? J’étais l’un de ceux qui ont tiré sur les gens. Nous avons tué ! Qui va maintenant nous juger ? Ce type est venu et a incendié la banque, et nous l’avons tué. Qui veut me juger ? »
Ces remarques scandaleuses ont déclenché une vague d’indignation et de condamnation au niveau national et international. Norouzi a ensuite déclaré qu’il avait « blagué » et a accusé la publication d’avoir truqué l’interview et l’a lié à l’organisation des Moudjahidine du Peuple d’Iran (OMPI).
Deux procès dans des endroits différents sur les atrocités du régime en Iran
Le tribunal d’Aban a coïncidé avec le procès en cours d’Hamid Noury en Albanie. Hamid Noury, un ancien responsable pénitentiaire iranien, a été arrêté en Suède en 2019 et est jugé pour son rôle dans le massacre des prisonniers politiques en 1988 en Iran.
Après 34 sessions de procès en Suède, le procès se déroule désormais temporairement devant le tribunal de district de Durres, en Albanie, à la demande des procureurs. Ce transfert s’est produit puisque des milliers de membres de l’Organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI/MEK) résident à Achraf 3, en Albanie. Les membres de l’OMPI ont été la principale cible du massacre de 1988, au cours duquel le régime a exécuté plus de 30 000 prisonniers politiques.
Des témoins au procès de Noury ont partagé des récits épouvantables d’atrocités commises dans les prisons iraniennes au début des années 1980. Des témoins ont expliqué comment les soi-disant « Commissions de la mort » ont condamné les prisonniers à l’exécution dans des procès éclaires. Ils ont également évoqué le courage des victimes, qui ont refusé de céder aux exigences du régime des mollahs, tout comme les braves manifestants de 2019.
Il est à noter que l’un des quatre membres de la « Commission de la mort » était Ebrahim Raïssi, l’actuel président du régime. Raïssi était à la tête du pouvoir judiciaire iranien en 2019 et a supervisé les violations systématiques des droits humains dans les prisons iraniennes contre les manifestants arrêtés.
Les témoignages au tribunal Aban et au procès d’Hamid Noury donnent l’image du régime génocidaire au pouvoir en Iran. Ils soulignent également le fait que les criminels en Iran jouissent d’une impunité systématique.
Drewery Dyke, juge du tribunal d’Aban, a souligné que l’actuel guide suprême du régime, Ali Khamenei, l’ancien président du régime Hassan Rohani, et Raïssi, alors chef de la justice, sont responsables des tribunaux pour les manifestants détenus. Au lieu d’être jugés pour leur rôle dans les violations systématiques des droits humains, ils ont occupé des postes de direction au sein du régime.
Lorsqu’Ebrahim Raisi a été choisi comme président du régime en juin, la secrétaire générale d’Amnesty International, Agnès Callamards, a dénoncé le fait que « l’impunité règne en maître en Iran ».
Le procès d’Hamid Noury et le tribunal d’Aban devraient créer un précédent pour que les pays européens s’attaquent aux crimes contre l’humanité en Iran. Tenir le régime de Téhéran pour responsable mettrait non seulement fin à son impunité de plusieurs décennies, mais empêcherait certainement le régime de commettre d’autres violations graves des droits humains.
L’inaction continue des puissances occidentales a accru le sentiment d’impunité systématique du régime en Iran.