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Un dignitaire religieux peine à justifier les exécutions massives de 1988 en Iran

Un dignitaire religieux peine à justifier les exécutions massives de 1988 en Iran
Mohammad Niazi, haut dignitaire religieux et ancien juge à la Cour suprême, lors d’une séance consacrée aux exécutions de 1988 à Qom, le 27 juillet 2024

Le 14 avril 2025, les médias d’État iraniens ont publié la transcription intégrale d’une séance théologique et juridique intitulée « Examen juridique et fiqh (religieux) des exécutions des hypocrites de 1988 [terme péjoratif du régime pour diffamer l’OMPI] », tenue le 27 juillet 2024 à l’Institut Imam Reza de Qom. L’intervenant, Mohammad Niazi, haut dignitaire religieux, ancien juge à la Cour suprême et ancien président de la Cour suprême des comptes iranienne, a tenté de répondre à ce qu’il a qualifié des « idées fausses » entourant les massacres de prisonniers politiques de l’été 1988. Au contraire, ses propos ont mis en lumière les efforts constante du régime pour défendre un crime que de nombreux juristes et autorités des droits de l’homme ont qualifié de crime contre l’humanité – et même de génocide.

Le massacre de 1988, perpétré sur ordre direct du Guide suprême de l’ancien régime, Ruhollah Khomeini, a vu l’exécution de milliers de prisonniers – pour la plupart membres ou sympathisants de l’Organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI/MEK) – dans les prisons iraniennes. Comme l’a déclaré le Rapporteur spécial des Nations Unies, Javaid Rehman, dans son rapport de juillet 2022, ces meurtres « pourraient constituer des crimes contre l’humanité » et ont été « commis avec une intention génocidaire », ciblant des prisonniers politiques uniquement en raison de leurs convictions et de leurs affiliations.

Niazi a affirmé que « la décision de l’imam sur les exécutions de 1988 est l’un des honneurs de la République islamique », affirmant que ces meurtres avaient permis d’éviter de futures violences. Pourtant, dans le même temps, il s’est efforcé de redéfinir les victimes – non pas comme des prisonniers politiques ou des dissidents pacifiques, mais comme des « rebelles armés » ou des « baghi » (ceux qui se soulèvent contre un dirigeant islamique juste). Cette réinterprétation est bien loin de la fatwa de 1988 de Khomeiny, qui ordonnait clairement l’extermination de tous les membres de l’OMPI restés « fermes dans leurs convictions » – non pas pour leurs actes, mais pour leurs convictions.

Le texte de la fatwa, disponible auprès de sources fiables comme Iran1988.org, ne laisse aucune ambiguïté : même les prisonniers ayant purgé leur peine ou n’ayant pas participé à une activité militaire récente devaient être exécutés s’ils refusaient de renoncer à leur convictions. L’insistance de Niazi sur la clémence du régime envers ceux qui se « repentaient » ne fait que souligner cette purge idéologique. Il a admis que les prisonniers qui rejetaient l’OMPI et prêtaient allégeance au régime étaient épargnés. En revanche, ceux qui défendaient leurs idéaux, même en silence, étaient considérés comme des ennemis de Dieu et exécutés. « Seuls ceux qui insistaient sur leur loyauté envers l’organisation étaient exécutés », a-t-il déclaré, tout en soulignant fièrement que beaucoup avaient été épargnés, suggérant que le régime s’attendait à des défections massives sous la menace de mort.

Cet aveu est accablant. Il confirme ce que les survivants, les familles des victimes et les experts des droits humains affirment depuis longtemps : les exécutions n’étaient pas fondées sur les crimes commis, mais sur le refus de se soumettre.

Le discours met également en lumière un échec plus général : les efforts déployés par le régime depuis des décennies pour diffamer l’OMPI et la qualifier de « terroriste » ont échoué. L’exposé juridique détaillé de Niazi, enrobé de jargon théologique et de justifications historiques, trahit une conscience que l’opinion publique ne prend plus au pied de la lettre le récit officiel. Si, comme il l’affirmait, les exécutions étaient un acte de justice contre des combattants actifs, pourquoi le régime doit-il organiser à répétition des conférences universitaires, publier de longues apologies et ressusciter des justifications des décennies après les faits ?

La réponse est claire : le souvenir de 1988 demeure une question sensible dans la société iranienne. La résistance de l’OMPI, notamment au sein des prisons, continue d’inspirer les jeunes générations qui perçoivent la dictature cléricale comme corrompue, brutale et irresponsable. La panique du régime ne concerne pas le passé, mais l’avenir. Le fait que, 36 ans plus tard, un haut dignitaire religieux doive longuement défendre les massacres révèle à quel point ce massacre continue de miner l’autorité morale du régime.

Et pourtant, au milieu de cette horreur, l’héritage des personnes exécutées en 1988 perdure. C’étaient des hommes et des femmes, dont beaucoup avaient entre 20 et 30 ans, à qui on a donné le choix : renier leurs croyances ou mourir. Ils ont choisi de tenir bon, en sachant le prix. Comme l’a récemment rappelé un survivant : « Ils ne voulaient pas enseigner la soumission. Ils voulaient laisser derrière eux une leçon de dignité. »

Il ne s’agissait pas de criminels. C’étaient des révolutionnaires et des consciences éveillés qui ont choisi la vérité plutôt que la tyrannie. Leur résistance résonne d’autant plus fort que le régime tente d’effacer ou de déformer leur histoire.

Pour une dictature fondée sur le dogme religieux et la force brute, les convictions inébranlables des personnes exécutées sont devenues le miroir de sa propre faillite.
Alors que les appels à la responsabilité se font de plus en plus pressants, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Iran, les vieux slogans du régime sonnent creux. Aucune acrobatie rhétorique ne saurait masquer la vérité : le massacre de 1988 n’était pas seulement un crime. C’était une tentative calculée d’anéantir tout espoir. Et elle a échoué.