Il y a plus de 30 ans, le régime iranien a procédé à un massacre systématique de prisonniers politiques, qui visait à éradiquer le principal groupe d’opposition, l’Organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI / MEK). À l’époque, des militants expatriés et des dissidents ont fait un effort concerté pour porter les meurtres à l’attention des décideurs politiques occidentaux, avec un succès limité. Personne n’a jamais été tenu responsable du massacre et aucune enquête officielle n’a été menée sur l’incident par l’Organisation des Nations Unies ou par tout autre organe compétent.
En décembre dernier, cette situation a été mise en lumière dans le monde entier par une lettre ouverte de sept experts des droits de l’homme de l’ONU, dont le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Iran. La publication de la lettre est intervenue environ trois mois après avoir été communiquée directement aux dirigeants du régime iranien, qui ont renforcé leur engagement en faveur de l’impunité dans cette affaire en refusant de répondre. Les experts des droits de l’homme ont reconnu que l’ONU et ses principaux États membres portaient une part de responsabilité dans cette impunité, n’ayant pas donné suite au massacre dans ses conséquences immédiates.
La lettre notait qu’en décembre 1988, l’Assemblée générale des Nations Unies avait adopté une résolution exprimant une «grave préoccupation» face à «une nouvelle vague d’exécutions» au cours de l’été précédent, qui visait les prisonniers «en raison de leurs convictions politiques». La lettre a poursuivi en disant que malgré cela, « la situation n’a pas été renvoyée au Conseil de sécurité, l’Assemblée générale des Nations Unies n’a pas donné suite à la résolution et la Commission des droits de l’homme des Nations Unies n’a pris aucune mesure ».
«L’incapacité de ces organes à agir a eu un impact dévastateur sur les survivants et leurs familles ainsi que sur la situation générale des droits de l’homme en Iran et a encouragé Téhéran à continuer de dissimuler le sort des victimes et à maintenir une stratégie de mépris et de déni qui continuent à ce jour », observe la lettre.
Cette stratégie a été si peu contestée sur la scène internationale qu’Amnesty International a été obligée de décrire la lettre des experts de l’ONU comme une «avancée capitale» dans la lutte contre ce que l’on a appelé «le pire crime de la République islamique» et l’un des pires crimes contre l’humanité dans les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. Cependant, cette percée s’est avérée moins profond que certains auraient pu l’espérer. Plus de cinq mois se sont écoulés, il y a peu de signes de progrès matériels vers le suivi qui manquait immédiatement après le massacre.
Par conséquent, les survivants de ce massacre et les familles de ses victimes s’emploient toujours à attirer l’attention internationale sur l’affaire et à souligner l’urgence face aux efforts systématiques de Téhéran pour détruire les preuves vitales qui y sont liées. Le mois dernier, un groupe de ces personnes a écrit une lettre directement au Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, l’exhortant, ainsi que tous les organes compétents, à engager des actions qui pourraient conduire à la poursuite des auteurs du massacre de 1988 devant la Cour pénale internationale.
La lettre notait que l’héritage de ce massacre avait encore des ramifications pour la population de tout l’Iran et la communauté iranienne des expatriés, et constituait donc un crime permanent contre l’humanité. Il faisait référence en particulier à la criminalisation des rassemblements commémoratifs et à la destruction de fosses communes dans lesquelles on estime que pas moins de 30 000 victimes auraient été enterrées à l’été et à l’automne 1988.
Au moment de la rédaction de la lettre en avril, les autorités iraniennes venaient d’essayer de détruire une de ces sépultures au cimetière de Khavaran à Téhéran. Auparavant, ajoute la lettre, ces autorités «ont détruit ou endommagé les fosses communes des victimes de 1988 à Ahvaz, Tabriz, Mashhad et ailleurs». Ces activités constituent des tactiques clés dans la «stratégie de détournement et de déni» à laquelle les experts de l’ONU ont fait référence l’année dernière. Leur expression de préoccupation implique une prise de conscience substantielle de cet effort pour détruire les preuves vitales des meurtres, mais le dernier suivi des familles des victimes semble indiquer que cette prise de conscience n’a pas encore déclenché de mesures sérieuses.
Heureusement, les survivants et les victimes du massacre de 1988 ont des partisans parmi les décideurs politiques et les juristes du monde entier. Plus de 150 d’entre eux se sont joints à la campagne pour la justice ces derniers jours en signant leur nom à une autre déclaration appelant l’Organisation des Nations Unies à agir. Cet effort était dirigé par l’ONG Justice pour les victimes du massacre de 1988 en Iran, et ciblait spécifiquement le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies et la Haut-commissaire Michelle Bachelet.
Le document a réitéré l’avertissement des experts de l’ONU : «Il y a une impunité systémique dont jouissent ceux qui ont ordonné et effectué les exécutions extrajudiciaires. De nombreux responsables impliqués continuent d’occuper des postes clés dans le pouvoir, notamment dans les principaux organes judiciaires et gouvernementaux.»