Larrestation discrète dun ancien diplomate iranien soulève de nouvelles questions à savoir si Washington doit tenter de mêler Téhéran à ses projets en Irak.
De Michael Isikoff et mark Hosenball
Newsweek Larrestation dun ancien diplomate iranien en Grande-Bretagne est le dernier élément en date rappelant les complications pouvant survenir si ladministration se tournait vers lIran pour résoudre lescalade de la violence en Irak. Cet événement na jusquà maintenant pas été couvert par la presse américaine : Nosratollah Tajik, qui était ambassadeur iranien en Jordanie et qui était impliqué dans des attentats terroristes en Israël, a été arrêté par les autorités britanniques le moi dernier à la demande du département américain de la Justice, a annoncé le porte-parole de Scotland Yard cette semaine.
Deux Américains des services de police, qui ont demandé à ne pas être identifiés en raison du caractère non public de ce sujet, ont confirmé à Newsweek quun dossier daccusation scellé des procureurs fédéraux de Chicago accusait Tajik de chercher à acquérir des lunettes de vision de nuit auprès de sociétés américaines destinées à lIran, en violation des lois de contrôles des exportations américaines. Un ancien haut responsable du contre-terrorisme au FBI a affirmé que ces équipements étaient probablement destinés au Hezbollah, groupe basé au Liban, financé et armé en majeure partie par le gouvernement iranien.
« Cela fait des années que le Hezbollah essaient de sen acheter », a affirmé Chris Hamilton, qui était jusquà lannée dernière responsables des enquêtes despionnage du FBI sur les groupes terroristes palestiniens. « Ils ont un besoin illimité en lunettes de vision de nuit. »
Lannonce des efforts présumés de Tajik dacquérir de la technologie américaine sensible survient au moment où certains membres de lIraq Study Group, panel conseillant le président Bush sur de possibles changements de stratégie, fait vraisemblablement pression sur les USA afin de demander laide de lIran et de la Syrie pour freiner les violences en Irak. Jusquà maintenant, ladministration Bush sétait opposée à toute coopération avec lIran et la Syrie en raison de leur soutien présumé à des groupes terroristes et en raison de la détermination déclarée de lIran de mener un programme denrichissement duranium que les radicaux américains et israéliens, parmi dautres, considèrent comme une couverture pour le développement darmes nucléaires.
Laffaire Tajik pourrait encourager les radicaux à affirmer quon ne peut avoir confiance dans le gouvernement iranien, que le département dEtat américain a catalogué de « parrain le plus actif du terrorisme dEtat », et quil va continuer à soutenir les groupes terroristes et à se procurer clandestinement des armes, quoi que les dirigeants et les diplomates puissent dire en public. Cet incident est dautant plus délicat que Tajik, qui est membre honoraire de lUniversité de Durham, a été accusé dans le passé par les responsables de la sécurité israélienne de complicité dans le recrutement et le financement dopérations terroristes palestiniennes en Israël.
Tajik était ambassadeur dIran en Jordanie jusquen 2002. Après que les médias américains aient déclaré que le roi Abdullah de Jordanie était daccord avec le président George W. Bush pour classer lIran dans « lAxe du Mal », Tajik a dénoncé ces allégations, affirmant quelles émanaient de « cercles médiatiques sionistes sataniques », selon un reportage du Jordan Times.
Aucun avocat de Tajik na pu être trouvé, mais le Newcastle Evening Chronicle de Grande-Beratgne cite « des sources proches de » Tajik affirmant cette semaine que lIranien estimait quil était le bouc-émissaire de lhostilité américaine envers le régime de Téhéran. Tajik lui-même, qui vivrait dans une « résidence luxueuse » selon le journal dans la banlieue de Durham, au nord de lAngleterre, a refusé de faire des commentaires au journal, hormis « Jattends de voir mon avocat et je suis en liberté sous caution. Jespère que tout va sarranger ».
Les accusations contre Tajik ont été rendues publiques en Grande-Bretagne le week-end dernier par un article publié dimanche dans The Mail, un tabloïd. Ce journal a récemment mené une campagne critiquant les lois strictes post-onze septembre qui accélèrent lextradition du Royaume-Uni vers les USA de criminels mis en accusation, dénonçant lusage erroné dune loi visant à combattre les terroristes à lencontre des suspects britanniques accusés par des juges américains de crimes moins sérieux et moins violents.
The Mail a affirmé que lancien diplomate iranien avait été accusé par les juges américains de « conspiration, de vente de matériel militaire à des extrémistes iraniens ». Selon le journal, la mise en accusation par les USA de Tajik est le résultat dune opération dans laquelle des agents du département américain de la sécurité nationale, se faisant passer pour des trafiquants darmes, ont mené une série de réunions filmés en caméra cachée avec le suspect dans des hôtels de Londres. Les agents américains auraient offert à Tajik de lui vendre des lunettes de vision de nuit pour une valeur de 90 000 dollars destinées à lIran, en violation des sanctions américaines sur ce pays.
Le porte-parole du bureau de limmigration et des douanes du département de la sécurité nationale, dont les agents seraient à lorigine de laffaire, a déclaré que lagence navait aucun commentaire à faire à ce sujet.
Les personnes haut placées ayant demandé à rester anonymes, ont affirmé que Tajik était la cible dun « coup monté » par les autorités des douanes britanniques après que les dirigeants américains aient découvert quil tentait dacquérir des lunettes de vision de nuit auprès de sociétés américaines. Cependant, les deux officiers des services de police américains suivant laffaire ont affirmé que le gouvernement des USA avait ouvert lenquête sur Tajik après quil ait contacté des sociétés américaines fabriquant des systèmes sophistiqués de vision de nuit. Ils ont ajouté que Tajik avait des contacts par e-mail poussés avec les sociétés américaines. Au lieu de sengager dans des tractations commerciales sérieuses avec lIranien, les compagnies américaines ont contacté les enquêteurs de la sécurité intérieure. Les inspecteurs américains ont ensuite informé les douanes britanniques, qui ont mené le « coup monté » pour tenter dattraper lIranien.
Les sources américaines proches de lenquête ont aussi déclaré que les autorités des deux côtés de lAtlantique travaillaient toujours sur la possibilité que dautres personnes aient été impliqués dans ce scénario ou dautres du même genre pour acquérir de la technologie sensible américaine et lenvoyer aux Iraniens. Cependant, les sources ont dit quelles ne pouvaient fournir plus dinformations sur les enquêtes en cours.
Dans une audition lan dernier devant la sous-commission des relations internationales de la Chambre [des Représentants américain] sur le terrorisme international et la Non Prolifération, intitulé « Iran : un quart de siècle de terrorisme dEtat », Matthew Levitt, alors analyste politique à linstitut de Washington sur la politique du Proche-Orient et actuel haut responsable du contre terrorisme au département du trésor américain, a désigné Tajik comme étant impliqué dans les efforts du gouvernement iranien pour trouver « des recrues terroristes potentielles » parmi les Palestiniens blessés durant lIntifada de 2002.
Les autorités américaines ont dit quelles ne savaient pas pourquoi Tajik cherchaient apparemment à acheter des lunettes de vision de nuit, hormis pour le gouvernement iranien. Mais pour compliquer le tableau en donnant un indice probable, une source diplomatique occidentale a dit à Newsweek que durant la récente guerre du Liban, le gouvernement israélien avait trouvé des lunettes de vision de nuit fournies par lIran dans des bunkers du Hezbollah. Les lunettes provenaient apparemment du Royaume Uni après avoir été achetées par des sociétés écran européennes, a dit la source. Une source du gouvernement britannique a noté quil y a plusieurs années de cela, le gouvernement britannique avait autorisé la vente déquipement de vision de nuit dun niveau technique relativement bas à lIran pour sa lutte contre le trafic de drogue sur sa frontière avec lAfghanistan.