Alors que Téhéran s’engage dans des négociations nucléaires sensibles avec les États-Unis, le régime iranien se retrouve pris entre deux menaces existentielles : la montée des troubles intérieurs et le risque de perdre son noyau dur de soutien par un compromis diplomatique. En réponse, le régime a intensifié une répression brutale contre sa population, révélant sa profonde crainte d’un soulèvement interne qui pourrait briser son emprise déjà fragile sur le pouvoir.
Les récents discours du Guide suprême Ali Khamenei ont été marqués non par le triomphalisme, mais par l’anxiété. Le 24 avril 2025, il a invoqué la paix historique de l’imam Hassan, mettant en garde contre le « doute » et la « déloyauté » de ses propres partisans. « À chaque époque, certains doutent », a-t-il déclaré, reconnaissant implicitement les failles de son élite dirigeante. Simultanément, Khamenei s’en est pris à ceux qui « ne peuvent contrôler leurs paroles », soulignant sa crainte de défections au plus haut niveau.
Cette insécurité généralisée a déclenché une vague de répression sans précédent depuis des années. En seulement trois jours en avril, le régime a exécuté au moins 22 prisonniers, selon les rapports du Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI). Depuis l’investiture de Massoud Pezeshkian, plus de 1 100 exécutions ont été recensées, soit un rythme sans précédent d’une toutes les 5,5 heures. Les observateurs s’accordent à dire que cette montée de la violence d’État ne vise pas à contrôler la criminalité, mais à étouffer la dissidence en prévision d’un éventuel bouleversement politique.
Pendant ce temps, les responsables du régime oscillent entre des mises en garde intransigeantes contre les négociations et des signes visibles de malaise quant au maintien de la cohésion interne. Les émissions de télévision et les médias d’État soulignent la méfiance envers les intentions américaines, tandis que les dirigeants politiques tentent de rassurer leur base de plus en plus désillusionnée sur le fait que les négociations ne compromettront pas les principes fondamentaux.
Les médias affiliés à Khamenei, comme Kayhan et Khorasan, insistent sur la méfiance envers les intentions américaines et mettent en garde contre le fait de « lier » le sort de l’économie iranienne aux négociations. Les responsables de la prière du vendredi, de Karaj à Machhad, reprennent le même refrain : méfiez-vous de la « guerre psychologique » visant à affaiblir les fidèles. La peur est palpable : non pas d’ennemis étrangers, mais d’un effondrement idéologique et de défections massives si les principaux partisans se sentent trahis par des concessions.
La crainte d’un effondrement interne du régime était indéniable dans les sermons du vendredi à travers l’Iran. À Karaj, Hosseini Hamadani a fustigé les attaques culturelles contre les valeurs islamiques, reprochant aux responsables de ne pas faire respecter la discipline sociale. À Machhad, Ahmad Alamolhoda a averti que lier l’économie nationale aux négociations américaines constituait une « esquive contre Dieu » et entraînerait un chaos économique, une paralysie des investissements et une « forte pression psychologique » sur la population. À Chiraz, Lotfollah Dezhkam a déclaré que tout discours clivant était l’œuvre d’« agents de Satan », tandis qu’à Birjand, Alireza Ebadi a salué la résistance de Khamenei face aux menaces américaines et a mis en garde contre toute infiltration au sein des institutions étatiques visant à affaiblir le régime de l’intérieur.
Ces avertissements révèlent une réalité profonde : le régime de Khamenei est pris au piège. S’il négocie et fait des compromis, il risque de s’aliéner sa base de partisans déjà démoralisée, son dernier rempart contre une société en proie au ressentiment. S’il refuse et maintient sa ligne dure, il risque un nouvel effondrement économique, des troubles sociaux et un isolement international.
Dans ce contexte aux enjeux considérables, l’escalade de la répression menée par Téhéran – exécutions massives, surveillance accrue et atteintes aux libertés civiles – est moins une démonstration de force qu’un signe de faiblesse terminale. Le régime cherche à empêcher un soulèvement non pas par la légitimité, mais par la terreur.
En fin de compte, que ce soit par le déclin interne ou par la pression extérieure, le système au pouvoir en Iran se trouve au bord du gouffre : acculé, en ruine et pétrifié par ceux-là mêmes qu’il croit pouvoir réprimer à jamais.