CNRI – Lors d’une conférence de presse qui s’est tenu mardi 6 septembre à Paris, de nouveaux détails sur le massacre de 30.000 prisonniers politiques en Iran ont été révélés.
Mohammad Mohadessine, président de la Commission des affaires étrangères du Conseil national de la Résistance iranienne a dévoilé l’identité d’une soixantaine de membres des commissions de la mort, chargées d’élliminier les opposants dans les prisons en 1988 suite à une fatwa de Khomeiny.
L’avocat et défenseur des droits humains Me William Bourdon, a pris part à cette conférence et a expliqué les caractères spécifiques de ce massacre et la nécessité de mettre fin à l’impunité dans cette affaire tragique alors que les principaux responsables sont au pouvoir.
Mme Shamsi Saadati dont quatre frères et sœurs ont été exécutés par le régime a apporté un témoignage poignant et bouleversant lors de cette conférence.
Voici un comptre rendu des propos du rapport présenté par Mohammad Mohadessine lors de cette conférence de presse :
Sur la base de renseignements obtenus par l’Organisation des Moudjahidine du Peuple d’Iran (OMPI), les principales institutions du régime iranien sont constituées de responsables impliqués dans le massacre de 30 000 prisonniers politiques survenus en 1988 dans tout le pays. Nous avons pu obtenir des renseignements sur 59 responsables de ce crime contre l’humanité. Ces derniers, dont les identités ont été maintenues dans l’ombre depuis près de trois décennies, continuent de tenir des postes clés dans les différents organes du régime. Ces individus étaient membres de « la commission de la mort » à Téhéran et dans dix autres provinces. L’enquête se poursuit pour obtenir les noms d’autres criminels. Ces informations ont été transmises au cours des dernières semaines à l’OMPI, accompagnées de renseignements considérables et précieux sur les victimes et les emplacements de fosses communes.
Rappel :
À la fin de juillet 1988, Khomeiny publia une fatwa ordonnant l’élimination des prisonniers politiques. Des « délégations pour la mise en œuvre du décret » (commission de la mort) ont été mises sur pied dans quelque 70 villes. Seule les identités de certains membres de la commission de la mort de Téhéran étaient jusque-là connues, ayant été nommés formellement par Khomeiny. Les commissions de la mort étaient composés d’un juge religieux, d’un procureur et du représentant des services du renseignement. Mais d’autres responsables, notamment les adjoints du procureur et les directeurs de prisons prenaient également part aux activités des sinistres commissions et à l’application du décret de Khomeiny.
Les juges religieux et les procureurs étaient désignés par le conseil suprême de la magistrature dirigée par le mollah Moussavi Ardebili. Mi-août 2016, un enregistrement audio à fait surface en Iran et a bouleversé la société iranienne. Le défunt ayatollah Montazeri, successeur désigné de Khomeiny, dénonçait, lors d’une rencontre en 1988 avec des membres de la commission de la mort à Téhéran, l’ampleur du carnage dans les prisons. Quelque 30 000 prisonniers politiques, dont certaines n’avaient pas plus de 14 ou15 ans au moment de leurs arrestations, ont été éliminés et enterrés secrètement dans des fosses communes.
Dans un document publié par l’OMPI répertoriant la liste des victimes du régime iranien lors du massacre de 1988, on peut noter 789 adolescents, 62 femmes enceintes, 410 familles avec plus de trois membres exécutés. Cela n’est toutefois qu’une liste partielle établie dans des conditions de clandestinité.
Les positions actuelles des responsables du massacre de 1988
Ces 59 personnes détiennent actuellement des postes sensibles au sein du régime iranien. Examinons-les en fonction de leur appartenance aux institutions clés du régime :
La direction du régime, le guide suprême :
Ali Khamenei était à l’époque Président de la république des mollahs et l’un des principaux décideurs.
Quatre membres du Conseil de discernement des intérêts de l’État
Ali-Akbar Rafsandjani, président du Conseil, était à l’époque le président du Parlement et commandant-en-chef adjoint des forces armées. Il était considéré comme le numéro 2 du régime après Khomeiny.
Ali Falahian, était vice-ministre des renseignements à l’époque du massacre et futur ministre du Renseignement.
Gholamhossein Mohseni Eje’i, représentant du pouvoir judiciaire au sein du ministère du renseignement.
Majid Ansari, président de l’organisation des centres pénitentiaires à l’époque du massacre.
(Khamenei et Rafsandjani ont participé aux prises de décision aux côtés de Khomeiny. L’ayatollah Montazeri a écrit dans une lettre, que Khomeiny prenait ses décisions les plus sensibles en conseil avec ces deux personnes.)
Six membres du Conseil des experts
Ce conseil et la plus haute institution du régime, responsable du choix du successeur éventuel du Guide suprême. Six membres de ce conseil ont été impliqués directement dans le massacre. Rafsandjani (également membres de ce conseil) et Ebrahim Ra’issi (membre de la commission de la mort à Téhéran), sont membres du bureau de direction du Conseil des experts. Les autres membres sont :
Mohammad Reychahri, ministre du Renseignement à l’époque du massacre, c’est lui qui nommait les représentants du ministère au sein des commissions de la mort en province.
Morteza Moqtada’i, était membre et porte-parole du Conseil suprême de la magistrature,
Zeinelabedine Qorbani-Lahidji, juge religieux et membre de la commission de la mort à Lahidjan et à Astaneh-Achrafieh,
Abbas Soleimani, membre de la commission de la mort à Babolsar.
Le pouvoir judiciaire
Cet organe était quasi totalement engagé dans la mise en œuvre du massacre. En plus du ministre de la justice, nous avons pu identifier une douzaine les plus hauts responsables du pouvoir judiciaire :
• Mostafa Pourmohamadi, actuel ministre de la justice du gouvernement Rohani, était à l’époque le représentant de ce ministère des renseignements au sein de la commission de la mort à Téhéran.
• Hossein-ali Nayéri, était le président de la cour disciplinaire pour les magistrats. En 1988 il était juge religieux et président de la commission de la mort à Téhéran.
• Gholamhossein Mohseni Ejé’i, adjoint et porte-parole du pouvoir judiciaire, était en 1988 le représentant du judiciaire au sein du ministère du Renseignement.
• Ali Mobachéri, juge de la cour suprême, était un juge religieux et adjoint de Nayéri.
• Ali Razini, délégué chargé des questions légales et du développement du pouvoir judiciaire, était juge religieux et président de l’Organisation juridique des Forces armées en 1988.
• Gholamreza Khalaf Reza’i-Zareh, juge de la cour suprême, était membre de la commission de la mort à Dezfoul, dans la province du Khouzistan.
• Allah-verdi Moghadassifar, est un haut responsable du pouvoir judiciaire, était membre de la commission de la mort à Racht et responsable de l’application des exécutions.
Il est à noter que les ministres de la justice successifs depuis 1988 (dans les gouvernements de Rafsandjani, Khatami, Ahmadinejad et Rohani) ont tous été impliqués dans le massacre des prisonniers : Esma’il Chouchtari, Morteza Bakhtiari, Mostafa Pourmohamadi.
La présidence de la république, les organes administratifs :
• Majid Ansari, vice-président de la république chargé des questions légales, était président de l’Organisation des centres pénitenciers à l’époque du massacre.
• Esma’il Chouchtari, inspecteur spécial de la Présidence (jusqu’à il y a un mois), était membre du Conseil suprême de la magistrature à l’époque du massacre.
• Seyed Alireza Ava’i, directeur du bureau spécial d’inspection de la présidence, était procureur et membre de la commission de la mort à Dezfoul.
Les forces armées
• Ali Abdollahi Aliabadi, coordinateur du QG des Forces armées, était membre de la commission de la mort à Racht (au Nord du pays).
• Le général Pasdaran, Ahmad Nourian, coordinateur de la caserne Sarollah à Téhéran (l’un des principaux centres de protection de la sécurité de Téhéran) était membre de la commission de la mort dans la province de Kermanchah (à l’ouest de l’Iran).
Les institutions financières
Certaines des plus importantes institutions financières et économiques du régime iranien sont dirigées par les responsables du massacre de 1988.
• Le directeur de la fondation Astan-Qods-Razavi, Ebrahim Ra’issi, dans la province du Khorassan, et son adjoint, ont été impliqué dans le massacre de 88. Cette importante fondation contrôle des milliards de dollars des fonds publics, notamment à travers des institutions financières, commerciales, agraires, d’élevage, de production alimentaire, des mines, de la production automobiles, pétrochimie et pharmaceutique. C’est l’une des plus grands agglomérats économiques du Moyen-Orient.
• La fondation Chah-abdolazim
• Le fond d’investissement Atieh-Damavand, dont Nasser Achouri, membre de la commission de la mort dans la province du Guilan, en est le directeur général.
Le 9 août dernier, un enregistrement audio des déclarations de M. Hossein-Ali Montazeri, ancien successeur désigné de Khomeiny, lors d’une rencontre, à Téhéran, avec les membres de la « commission de la mort » désignés par Khomeiny, a été mis en ligne. Cette rencontre a eu lieu le 15 août 1988.
Lors de cette rencontre, M. Montazeri souligne : « A mon avis, le crime le plus terrible perpétré en république islamique depuis la révolution et pour lequel l’histoire va nous condamner, a été perpétré par vous. Et vous serez considérés au nombre des criminels de l’histoire ». Il ajoute : « Notre peuple a (le principe) du Guide suprême en abomination. Ce n’est pas comme ça que je voulais que ça se passe. Dans 50 ans, Khomeiny sera jugé comme une figure sanguinaire et cruelle ».
Cette révélation a suscité beaucoup de tensions au sein du régime, notamment au parlement. Le vice-président de celui-ci a demandé des explications sur ce massacre, obligeant Mostafa Pour Mohammadi, le ministre actuel de la Justice, qui prétendait, jusqu’il y a quelques années, n’avoir eu aucun rôle dans les exécutions de masse en 1988, de déclarer : « le commandement de Dieu concernant les Moudjahidine n’est autre que leur mise à mort. Nous sommes fiers de ce que nous avons fait ».
En raison de ces tensions extrêmes, le parlement a été de nouveau déclaré en congé estival, alors que celui-ci avait touché à sa fin, il y a quelques jours.
Les dirigeants du régime ont explicitement exprimé leur crainte de voir le principe du Guide suprême secoué dans ses fondements, « l’image de Khomeiny » gravement terni et l’émergence d’un climat favorable pour les Moudjahidine du peuple victimes d’un crime abominable. En tentant de justifier ce massacre, les responsables et chefs des différents organes du régime disent tous la même chose : «si Khomeiny n’avait pas procédé à cette tuerie d’une telle ampleur, les Moudjahidine du peuple auraient pris le pouvoir après sa mort ».
Toutefois, compte tenu de la nature totalement anti-islamique du décret de Khomeiny, on ne trouve aucun décret semblable prononcé par une seule autorité chiite ou sunnite depuis 1400 ans et la naissance de l’Islam. C’est pourquoi presque tous les hauts membres du clergé liés au régime refusent de le défendre. Certains d’entre eux l’ont même mis en question soulignant sa contradiction avec l’Islam dans la logique même du pouvoir en place.
Appel à l’ONU
Nous sommes face à un crime contre l’humanité et un génocide sans précédent par ses particularités spécifiques dirigés contre des prisonniers politiques. Mais plus important encore, est le fait que le régime actuellement au pouvoir en Iran est toujours dirigé par les responsables de ce même crime.
L’Organisation des Nations Unies, selon ses propres responsabilités et attributs, doit constituer une mission d’enquête pour jeter la lumière sur ce massacre et faire le nécessaire pour faire traduire les responsables de ce crime monstrueux devant la justice.
Il faut mettre fin à cette impunité. L’inaction face à ce crime contre l’humanité a eu pour résultat non seulement la poursuite des exécutions en Iran, mais a également encouragé le régime à étendre ces crimes à d’autres pays de la région comme la Syrie, l’Irak ou encore d’autres.
2700 exécutions ont été officiellement annoncées depuis l’arrivée de Rohani aux affaires. Il y a quelques semaines, 25 personnes de confession sunnites, originaires du Kurdistan, ont été exécutées en une seule journée et trois jours plus tard 3 prisonniers politiques ont connu le même sort à Ahvaz.
Le peuple et la Résistance iranienne demandent une enquête approfondie sur le massacre de 1988 et appellent tous les pays à conditionner toute relation économique avec le régime de Téhéran à l’arrêt des exécutions.
Nous appelons également tous les pays du monde, surtout les pays occidentaux et musulmans à condamner ce crime inhumain et anti-islamique. Garder le silence face à ce crime reviendrait à ignorer les valeurs reconnues de la démocratie et des droits de l’homme et serait aussi contraire aux enseignements de l’Islam.
Par le massacre de 1988, Khomeiny avait l’intention de couper par la terreur les liens profonds entre l’OMPI et le peuple iranien, les isoler et ensuite les détruire. Mais le rebondissement de ce crime aujourd’hui est devenu un coup dur pour le régime. Le mouvement pour obtenir justice pour les victimes du massacre de 1988, annoncé par la Résistance iranienne, a reçu un large soutien auprès du peuple iranien, cette campagne fait partie intégrante du combat pour le renversement du régime.
Au cours des dernières semaines, nous avons dû faire face à une avalanche sans précédent d’informations concernant les coordonnées des martyrs de ce massacre et les lieux des fosses communes, qui nous ont été communiquées par les familles de victimes, un nombre de personnes qui ont fait défection et même par des éléments à l’intérieur du régime. La Résistance iranienne publiera ces informations progressivement.
Nous appelons toutes les organisations et instances de défense des droits de l’homme, tout le clergé et les autorités musulmanes, chiites ou sunnites, à appuyer le peuple iranien dans la réalisation de cette revendication légitime.