De ELAINE SCIOLINO
The New York Times Le soutien de lIran aux actions du Hezbollah contre Israël semble avoir deux objectifs : détourner lattention de limpasse dans laquelle Téhéran, les Etats-Unis et cinq autres nations sont bloqués en raison de son programme nucléaire et simposer plus fermement en tant quacteur régional puissant.
« Les Iraniens comptent sur le fait quil ny aura pas dattaque militaire contre eux », a déclaré un haut responsable européen désirant rester anonyme, pour des raisons diplomatiques. « LIran essaie de dire : Rien nest possible sans moi. Et en attendant, on oublie la question nucléaire. »
En effet, laction au Conseil de Sécurité des Nations Unies sur une résolution contre lIran pour avoir refusé de suspendre ses activités denrichissement duranium est en suspens en raison de la crise au Moyen-Orient.
Le langage des dirigeants iraniens nest pas plus dur quavant concernant Israël et leur approche pourrait échouer misérablement si Israël écrasait le Hezbollah. Mais la défense inconditionnelle de la milice par lIran a convaincu les Etats-Unis et un grand nombre de gouvernements européens et arabes que lIran était en train dattiser la crise pour renforcer son pouvoir, que lIran ait ou non directement inspiré ou approuvé les actions du Hezbollah contre Israël dans un premier temps.
Mardi, lIran a proféré de nouvelles menaces contre Israël. Lors dune manifestation à Téhéran soutenue par le gouvernement, Gholam Ali Haddad Adel, président du parlement, a averti : « Les villes situées au nord dIsraël sont à la portée des missiles du Hezbollah et aucune partie dIsraël nest à labri ».
La foule de près de 2000 manifestants a répondu en scandant « Mort à lAmérique ! » et « Mort à Israël ! ».
Lors de cette même mise-en-scène, le s manifestants ont lu une déclaration demandant au gouvernement de les aider à rejoindre les combattants du Hezbollah au Liban, a rapporté la télévision nationale iranienne.
Layatollah Ali Khamenei, guide spirituel de lIran et personnalité la plus puissante du pays, a déclaré dans un discours que les frappes israéliennes au Liban et dans les territoires palestiniens prouvaient combien « la présence des Sionistes dans la région constitue une présence démoniaque et cancéreuse et une tumeur infectieuse pour le monde de lIslam tout entier ».
Tandis que le président Bush et les autres chefs dEtat travaillent au sommet de St Pétersbourg, en Russie, sur la mise en place dun plan visant à stopper le Hezbollah, layatollah Khamenei a prédit que celui-ci allait échouer. « Le président américain dit que le Hezbollah doit être désarmé », a-t-il affirmé dans des commentaires diffusés à la télévision, « mais cela narrivera pas ».
Même lancien président iranien, Mohammad Khatami, qui pendant son mandat présidentiel de huit années a cherché à modérer la politique étrangère de lIran, a comparé le Hezbollah à un « soleil rayonnant qui illumine et réchauffe le cur de tous les Musulmans et des partisans de la liberté dans le monde ».
Dimanche, dans une lettre au cheikh Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah, M. Khatami, qui préside lInstitut pour le dialogue parmi les civilisations et les cultures, a qualifié « les atrocités scandaleuses des Sionistes » en Palestine et au Liban dindication de « leur nature violente ».
Cependant, il est bon de noter que M. Khatami a également implicitement appelé à la modération, mettant en garde contre « une propagation de cette catastrophe et une amplification de la destruction en Palestine et au Liban ».
Soulignant la position de lIran en tant quacteur régional dangereux, le Premier ministre britannique Tony Blair a accusé lIran mardi de soutenir le Hezbollah avec des armes qui sont « très similaires sinon identiques à celles utilisées contre les troupes britanniques à Bassora » en Irak. M. Blair a également accusé la Syrie de soutenir lIran « de plusieurs façons » et les deux pays de fournir un soutien financier.
Israël, les Etats-Unis, les Européens et plusieurs Etats arabes ont toujours affirmé que le Hezbollah recevait ses armes de lIran, allégation que beaucoup de dirigeants iraniens confirment en privé. Le changement récent le plus significatif dans le soutien iranien au Hezbollah concerne le transfert de roquettes à longue portée pouvant frapper les principales villes israéliennes, selon une étude dAnthony H. Cordesman, du Centre des études stratégiques et internationales.
Mais officiellement, lIran nie fournir des armes au Hezbollah, ce qui renforce la suspicion du reste du monde envers lIran.
Lorsquon il a été interrogé dimanche sur lallégation dIsraël selon laquelle lIran fournit au Hezbollah des missiles, Hamid-Reza Asefi, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a déclaré que lIran offrait au Liban et à la Syrie « un appui spirituel et humanitaire ». Il a ajouté : « Ce nest pas vrai, nous navons pas envoyé de missiles. Le Hezbollah est tout à fait capable ».
De plus, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a aggravé les menaces en jurant de soutenir la Syrie si elle était attaquée par Israël.
« Si Israël commet un autre acte didiotie et attaque la Syrie, ce sera pareil à une agression contre le monde islamique tout entier et il va rencontrer une réponse cinglante », a déclaré M. Ahmadinejad au président syrien Bashar al-Assad dans une conversation téléphonique jeudi dernier, selon la télévision dEtat.
Aussi bien lIran que la Syrie se réjouissent de lincursion du Hezbollah au nord dIsraël et de la capture de deux soldats israéliens, événement qui a déclenché loffensive israélienne au Liban.
En dépit de sa vive rhétorique, lIran semble essayer de se positionner pour un rôle potentiel dans la résolution de la crise au Liban. Lundi à Damas, le ministre des Affaires étrangères iranien, Manouchehr Mottaki, a affirmé quun cessez-le-feu et un échange de prisonniers serait une manière possible de résoudre dans le conflit israélo-libanais.
A la suite dune réunion avec le vice-président syrien Farouk al-Sharaa, M. Mottaki a affirmé quil devait y avoir une résolution « acceptable et juste », ajoutant : « En fait, il peut y avoir un cessez-le-feu suivi dun échange de prisonniers ».
Même certains des experts les plus chevronnés sur le soutien de lIran au Hezbollah restent mesurés dans leurs conclusions sur le rôle de lIran dans la crise actuelle. « LIran va certainement tirer avantage des frappes du Hezbollah », écrit M. Cordesman dans son analyse. Mais il a ajouté : « Jusquà ce que lon ait des preuves concrètes, le rôle de lIran dans tout ça nest que matière à spéculation, et les théories de conspiration ne sont pas des faits ni des informations ».
Nazila Fathi a contribué à la rédaction de cet article depuis Téhéran.