jeudi, mars 28, 2024
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Intervention de Me Henri Leclerc au 2ième jour du Sommet mondial en ligne pour un Iran Libre

Le Sommet mondial en ligne pour un Iran Libre qui a débuté le 17 juin, s’est poursuivi le 19 juin sur le thème d’un Appel à la justice pour que le régime iranien rende des comptes pour ses crimes en particulier à l’occasion du 32e anniversaire du massacre des prisonniers politiques de 1988.

De nombreuses personnalités et défenseurs des droits de l’Homme sont intervenus ainsi que Mme Maryam Radjavi la présidente élue de la Résistance iranienne. Maître Henri Leclerc, président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme était l’un des principaux orateurs, de cette conférence.

Voici l’intégralité de son intervention :

Mes chers amis, bien sûr je parle ici en tant que président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme, mais aussi comme avocat. Je ne peux oublier le combat que nous avons mené depuis 2003. Ces réunions ont commencé peu après et tous les ans pratiquement, nous nous réunissions pour dire quel était le scandale des poursuites en France contre un certain nombre de personnes dont Maryam Radjavi.

Ce combat a été mené jusqu’au bout et je pense que lorsque dix ans plus tard, le juge anti-terroriste Marc Trévidic a dit qu’il ne fallait pas confondre le terrorisme avec la résistance à l’oppression, que certes d’une part on ne pouvait reprocher à ces hommes et ces femmes les actes précis de violence, quelques actes de violence, mais qu’en plus que leur action était une action de réaction, de protection, de résistance à l’oppression qui était celle d’un régime qui, lui, terrorisait son peuple. Et je crois que c’est la première chose : Nous avons réussi au moins à obtenir de cette justice anti-terroriste qui avait poursuivi injustement, pour les raisons diplomatiques d’ailleurs, un certain nombre d’hommes et de femmes, qu’elle reconnaisse que le but qu’ils menaient était une résistance à l’oppression contre un régime tyrannique.

Vous savez, la France est un pays qui a, il y a maintenant plus de deux siècles, proclamé la Déclaration des droits de l’Homme. Cette déclaration concernait la France à l’époque. Les rédacteurs disaient que l’oubli et le mépris des droits de l’Homme était la cause de la corruption des gouvernements et de tous les malheurs du pays. En fait, nous savons, 150 ans plus tard, à la fin de la deuxième Guerre mondiale, lorsque les nations réunies ont proclamé la Déclaration Universelle des droits de l’Homme, ils disaient que l’oubli et le mépris des droits de l’Homme avait produit des actes de barbarie qui révolte la conscience de l’Humanité, et qu’il fallait instituer au plus vite un régime de droit qui permette aux Hommes de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère. Eh bien ils n’ont pas réussi non plus.

Nous savons qu’il est des lieux et l’Iran est particulièrement un, où il n’est pas permis de parler et où la croyance est utilisé comme un mal instrument. Quand je pense qu’on condamne les gens à la peine de mort pour être des ennemis de Dieu : de quel droit définissent-ils « les ennemis de Dieu » ? C’est uniquement parce qu’ils ont résisté à l’oppression.

Et il est évident que quand on évoque actuellement, et qu’on l’évoque aujourd’hui je trouve que c’est bien, ces massacres de 1988, quand on sait toutes les exactions qu’ont eu lieu ; l’Iran a toujours attiré notre impression sur notre lutte. Vous savez, nous les militants des droits de l’Homme ici, nous essayons d’aider un peu ceux qui à travers le monde défendent leurs libertés, leurs droits de parler et de croire. Mais nous savons bien que nous avons bien des choses à faire ici. Vous savez, quand on parle des disparus, quand on parle des tortures, nous avons connu la guerre d’Algérie en ce qui nous concerne et nous savons bien que nos pays ne sont pas innocents de tout cela. Mais en ce qui concerne l’Iran, nous arrivons à un summum de crimes contre l’Humanité qui s’enchaînent, d’hommes et de femmes qui sont exécutés. Et cela ne s’arrête pas bien sûr. Il y a ceux de 88. Pas seulement ceux qui ont été condamnés à mort, tous ceux qui disparaissent. Vous savez les disparus c’est terrible. Parce que les disparus
, on ne sait même pas où est leur dépouille. Leur dépouille, elle est dans notre souvenir. C’est notre souvenir et notre combat actuel qui est leur sépulture.

Or rien ne s’arrête en Iran : les condamnations à mort, il y en a tout le temps. On n’arrête pas de les énumérer, de les connaître. Les rapports d’Amnesty International sont d’une très grande clarté sur ce sujet. Au début janvier il y en a un, puis un peu plus après un autre, et puis encore un autre. Et puis il y a les deux morts du 14 juillet, ces deux militants kurdes qui n’ont été condamnés que sur la base d’aveux dont on sait qu’ils ont été faits sous la torture, et qu’il y a dans le dossier des nombreuses preuves de ce qu’ils sont innocents. Et que, ils sont de surcroît arrêtés en 2013 et exécutés en 2020. Condamnés en 2015, exécutés en 2020, connaissant dans leur prison les affres et les douleurs atroces que décrit si bien notre grand poète Victor Hugo, dans un livre qui s’appelle « Le dernier jour d’un condamné ». On les fait souffrir par l’attente.

Alors il y a les trois qui ont été arrêté au mois de novembre, condamnés toujours comme « ennemi de Dieu ». Les trois qui ont été condamnés, on nous dit qu’ils ne sont pas exécutés, tant mieux. C’est peut-être l’immense réaction internationale qui réussit à le faire.

Voyez-vous, il faut que nous continuons à lutter, parce que la peine de mort est d’abord une horreur et qu’il faut la combattre dans tous les pays du monde. Mais là en Iran, vous savez, un vieux militant comme moi, nous avons commencé par militer, l’Iran nous tient chaud au cœur. Nous étions tout jeune quand nous avons commencé à militer pour essayer de défendre les libertés en Iran. Et puis pendant longtemps nous nous battions, nous dénoncions, nous faisions des interventions contre l’abominable Savak du Chah d’Iran. Et puis, nous avons eu la Révolution. Nous étions joyeux, et nos amis, les militants iraniens qui étaient en France, étaient joyeux avec nous quand ils sont repartis en Iran. Et puis nous les avons vu exécutés les uns après les autres. Disons que la Savak a été remplacée par les Pasdaran et finalement le régime est devenu un abominable régime dictatorial qui ose se parer du nom de Dieu.

Donc il faut que la lutte continue. Il faut que la communauté internationale intervienne. Il faut que nous réussissions à obtenir de l’ONU, du Conseil de sécurité, du Comité des Droits de l’Homme, qu’ils agissent. On ne peut pas continuer. Certes il y a de nombreux problèmes dans le monde. Certes l’Iran est frappé aujourd’hui par la même maladie que celle qui nous frappe et là-dessus c’est peut-être des problèmes d’incapacité, je n’en sais rien. Mais ce n’est pas le problème. C’est que cela n’arrête pas les tortures, au contraire ça les exacerbe.

Et il y a donc actuellement, au moment où je vous parle, des dizaines de dizaines d’Iraniens qui sont en train de hurler dans les prisons sous les atroces tortures qu’on leur fait subir, et qui demain seront pendus. Il faut que nous agissions et il faut que nous ne cessions pas, que nous ne baissions pas les bras. Il faut que nous réussissions enfin à dénoncer, à ce qu’au moins tout le monde sache ce qui se passe dans ce pays pour que cesse cette abomination.