jeudi, mars 28, 2024
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Les projecteurs du Bourget réfléchissent dans les prisons en Iran

Les projecteurs du Bourget réfléchissent dans les prisons en Iran

Par Behzad Naziri

Lorsqu’on est au fond d’une cellule de prison, sans pouvoir respirer à l’air libre, ni se mêler à la foule, le monde devient si petit. A fortiori, quand on est prisonnier politique dans une section de la prison de Gohardacht, en banlieue de la capitale iranienne, où les geôliers ne vous laissent aucune lueur d’espoir.

Le célèbre prisonnier d’opinion iranien, Ali Moezi, a cherché à briser ce monde étriqué que les mollahs ont voulu lui imposer, en adressant un message d’espoir et de courage au participants du grand rassemblement international qui s’est tenu le 9 juillet dernier au Bourget. C’est sous le thème d’« Un Iran libre » que s’étaient réunis des dizaines de milliers d’Iraniens et démocrates du monde entier venus soutenir la cause des prisonniers politiques. Dans son message, envoyé clandestinement, Ali Moezi a assuré qu’« un changement démocratique est possible en Iran». Reprenant le slogan scandé par une foule impressionnante, réunissant l’arc-en-ciel de la diaspora iranienne et comprenant des jeunes, des femmes et des représentants des minorités brimées en Iran, il a réitéré la volonté du peuple iranien pour « le renversement du régime » et la persévérance des détenus politiques dans cette quête intrépide.

Par son message, d’une étonnante lucidité, Ali s’est mêlé à la foule malgré la distance de plus de cinq mille kilomètres qui le sépare de ses compatriotes en exil. Pour ma part, c’est une distance temporelle de trente-trois ans qui me séparent de lui, depuis que nous étions compagnons de cellules à la section-3 de la prison de Ghezel-hessar à Téhéran. L’Iran vivait alors l’une des périodes les plus sombres de son histoire, quand le rythme macabre des exécutions des opposants avait pris des proportions vertigineuses. Les prisonniers politiques, dont ma sœur Guitti, étaient soumis aux pires sévices avant d’être envoyé à la potence par milliers. Si j’ai pu m’évader de cet enfer que les intégristes avaient créé dans ce grand et antique pays du Moyen-Orient, Ali et les autres résistants et militants des droits de l’homme ont continué à subir les affres de la dictature religieuse.

Or, les dimensions de l’espace et du temps n’ont pu faire obstacle à ce père de 65 ans, atteint de plusieurs maladies graves et privé de soins médicaux, pour laisser franchir sa voix des murs érigés par les mollahs et clamer sa vérité à la réunion du Bourget. Défiant ainsi, au péril de sa vie, les geôliers qui ne se priveront certainement pas de représailles.

Quand je pense à Ali Moezi, je ne peux m’empêcher de penser également à ses deux braves filles qui ont rejoint très jeunes les rangs de la Résistance iranienne. Maryam Et Nasserine ont connus de nombreuses épreuves dans les camps d’Achraf et de Liberty, en Irak, où de nombreuses massacres ont été perpétrés par les agents du régime iranien, qui continue à assiégé le camp. Une nouvelle génération d’Iraniens et d’Iraniennes qui relèvent à leur tour le défi de la résistance face à l’obscurantisme des mollahs. Un combat mené avec dévouement et beaucoup de risques à l’intérieur du pays par les réseaux de jeunes militants qui défient la terreur des Pasdaran et du « Guide suprême », mais aussi en dehors des frontières.

On dit souvent que l’Iran est comme une grande prison pour ses habitants, avec nombres de restrictions et de punitions imposées à la vie quotidienne des gens. L’ONU et les organisations de défense des Droits Humains dénoncent régulièrement l’absence des libertés fondamentales. Pourtant, cette répression n’a pu avoir raison de la détermination de cette jeunesse éprise de liberté et convaincu que « le régime peut et doit être renversé ».

Nous l’avons vu à l’œuvre cet été dans les cités iraniennes, mobilisée pour soutenir l’élan de solidarité autour du grand rassemblement de la diaspora à Paris. Via des vidéos clandestines tournées en Iran, un grand nombre de messages enregistrés aux quatre coins du pays sont parvenus aux organisateurs du rassemblement. De jeunes iraniens parlaient de leur soif de liberté et leur détermination à organiser la résistance à la tyrannie. Un message qui rejoignait celui des intervenants au meeting du Bourget, dont le nombre et la qualité de ses intervenants témoignaient du succès grandissant de cette noble cause.

Ali n’est pas seul dans son élan héroïque. Arzhang Davoodi, Alireza Golipour, Massoud Arab Choubdar, Afshin Ba’imani, Saleh Kohandel, Saïd Massouri … sont autant de prisonniers politiques, sympathisant du mouvement d’opposition des Moudjahidine du peuple, qui s’exprime régulièrement, par des messages clandestins envoyés de prison, pour réitérer leur attachement à l’idéal de liberté. Certains d’entre eux sont gravement malades, mais le régime refuse de les soigner. Cette pratique, relevant de la torture et visant à briser l’esprit de résistance, a été dénoncée par Amnesty International dans un rapport intitulé « La santé prise en otage : refus de soins médicaux dans les prisons iraniennes ». Publié le 18 juillet dernier, l’ONG écrit : « En Iran, la santé d’un prisonnier est régulièrement prise en otage par les autorités, qui font fi des besoins médicaux des personnes en détention. L’administration carcérale bloque délibérément l’accès à des soins de santé adaptés, dans de nombreux cas par cruauté, afin d’intim
ider, punir ou humilier des prisonniers politiques, ou pour leur arracher des ‘’aveux’’ forcés ou des déclarations de ‘‘repentir’’ ».

Si le combat pour les droits de l’homme et l’État de droit est jalonné d’épreuves et de souffrances, son triomphe n’est pas pour autant contingente. C’est l’enseignement de l’histoire et celui des peuples en mouvement qui ont payé le prix de la liberté. Le courage des prisonniers politiques, la vaillance des militants de l’intérieur et la persévérance des résistants du camp Liberty et leurs sympathisants, liés à l’extraordinaire élan de solidarité internationale, auront inéluctablement gain de cause. Cet élan grandissant est également la marque d’un mouvement populaire et enraciné au sein de la société iranienne, déterminé à conquérir les droits fondamentaux de son peuple.

 

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