mercredi, novembre 13, 2024
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Une force redoutable perturbe le monde des affaires en Iran

ImageDe Andrew Higgins

The Wall Street Journal – Montée en puissance des radicaux et incursion des mystérieux gardiens de la Révolution dans un aéroport qui s’emparent de contrats d’énergie
Affrontements à l’aube sur une plateforme de forage dans le Golfe Persique

Très tôt un matin d’août, deux navires militaires iraniens ont accosté l’Orizont, plateforme pétrolière flottante roumaine située au large des côtes de l’Iran. Des hommes armés ont grimpé sur la plateforme de forage et l’ont prise d’assaut. 

Viorel Petcu, responsable de la plateforme, a téléphoné à son patron en Roumanie pour l’informer que les Iraniens avaient commencé à faire feu. La ligne a ensuite été coupée, les Iraniens ayant réquisitionné la salle des communications et rassemblé les 19 travailleurs roumains sur l’hélisurface. Personne n’a été blessé, a rappelé M. Petcu, qui s’est exprimé plus tard depuis la plateforme toujours en état de siège, mais « on se serait cru à la télévision ». L’Iran nie avoir ouvert le feu.

L’affaire de la plateforme n’était soi-disant qu’un conflit de bail entre deux partenaires. Mais il a permis d’exposer les forces politiques puissantes qui perturbent le monde des affaires iranien, tout comme la main de fer des proches du président radical iranien. Un élément important de ces forces du monde des affaires aujourd’hui est un groupe connu en Occident principalement pour sa ferveur à appliquer la rectitude religieuse : le Corps des Gardiens de la Révolution islamique.

Ce groupe paramilitaire secret, selon les Etats-Unis, arme aussi bien les milices chiites violentes en Irak que le Hezbollah, groupe libanais qui est entré en guerre contre Israël cet été. Il dirige de redoutables prisons à l’intérieur de l’Iran. Les Gardiens de la Révolution jouent aussi un autre grand rôle que l’Occident admet moins : c’est un acteur actif du monde des affaires.

Il construit des routes et des tunnels. Il y a deux ans, il est intervenu auprès d’une société turque qui avait un contrat de gestion pour un nouvel aéroport à Téhéran. Les Gardiens de la Révolution ont opéré une entrée agressive en plein cœur de l’économie iranienne et de ses champs de pétrole et de gaz, une des mines de combustible fossile les plus riches du monde.

En juin, le groupe de construction des Gardiens de la Révolution a remporté un contrat de 2,3 milliards de dollars pour l’exploitation d’une partie d’un grand champ de gaz en Iran, dans le Golfe Persique. Ce groupe a également gagné un accord de 1,3 milliards de dollars pour la construction d’un gazoduc à travers l’Iran et le Pakistan.

On ne sait pas exactement qui a donné l’ordre pour l’assaut de la plateforme de forage roumaine. Le gouvernement iranien affirme que celui-ci a été mené par la police. Les Roumains toujours à bord de la plateforme (désormais immobilisée dans le Golfe) affirment qu’un des cinq Iraniens qui l’occupent et qui la contrôlent actuellement est un officier des Gardiens de la Révolution. Quoiqu’il en soit, le groupe fait partie des candidats au rachat d’une société iranienne, Oriental Oil Co., propriétaire du bail de cette plateforme et de deux autres plateformes roumaines contestées.

Cette bataille pour un bail et des plateformes de forage est la conséquence involontaire de la politique étrangère des Etats-Unis. Dans le cas présent, au lieu de secouer l’Iran, les efforts américains visant à faire pression sur le pays ont en fin de compte renforcé les forces les plus radicales du pays que les Etats-Unis désirent maîtriser.

Washington a recommandé aux banques européennes de ne pas faire d’affaires avec les banques iraniennes. Mais lorsque l’une d’elles s’est exécutée, Oriental Oil, propriétaire du bail de la plateforme, s’est retrouvé dans le pétrin. D’autres problèmes ont poussé Oriental à se proposer à la vente, créant une opportunité pour que les radicaux tentent de s’emparer de l’affaire.

Les Gardiens de la Révolution ont toujours constitué une force majeure dans la politique iranienne. Le groupe a ses propres unités terrestres, aériennes et navales, qui opèrent parallèlement à l’armée régulière iranienne. D’anciens gardiens, dont le président Mahmoud Ahmadinejad, occupent des positions diverses au sein du gouvernement et de l’appareil de sécurité. Alors que certains vétérans des Gardiens de la Révolution sont devenus des réformateurs, l’organisation a une réputation redoutable en Iran de défenseur brutal de l’orthodoxie révolutionnaire.

Il gère son propre service de renseignement et joue un rôle important dans la suppression des dissidents, et particulièrement en 1999 lors d’une vague de manifestations d’étudiants. Les Gardiens contrôlent également un groupe redouté nommé Bassij, composé de jeunes fanatiques qui arpentent les rues à la recherche de femmes insuffisamment voilées et d’autres personnes violant les strictes normes islamiques. Le Bassij est fort de plusieurs millions de membres.

Les Gardiens ont aussi un long passé d’activités à l’étranger, pour avoir aidé à la formation de la milice du Hezbollah libanais au début des années 1980. Plus récemment, il s’est introduit en Irak voisin. Là, selon un haut responsable de la sécurité israélien, sa quête d’influence est menée par une unité spéciale du groupe appelée Ramadan Headquarters, qui forme et finance les combattants chiites d’Irak.

Les activités commerciales des Gardiens couvrent les domaines de l’industrie, des médias, du commerce et de l’énergie. « Il gagne des positions un peu partout », a affirmé Mohsen Sazegara, ancien conseiller de feu l’ayatollah Khomeiny et fondateur de la force paramilitaire en 1979. Les Gardiens, selon M. Sazegara qui a rompu avec le régime iranien il y a quelques années et qui vit actuellement aux Etats-Unis, est une « organisation unique au monde : un corps politique, une force militaire et une grande société complexe ».

Le groupe a fait son entrée dans le monde des affaires après la guerre de l’Iran contre l’Irak de Saddam Hussein de 1980 à 1988, pendant laquelle ils ont combattu et subi de lourdes pertes. Son groupe industriel, Khatam al-Anbiya Construction Headquarters, est passé de fortifications de bâtiments à des projets de construction de routes, de barrages et de tunnels. (Le nom de ces unités provient d’une expression signifiant « le dernier prophète », soit le Prophète Mohammad.) Se présentant comme une société ordinaire, Khatam a développé un site Internet et publie un journal interne baptisé Road and Tunnel Magazine. Il a établi son quartier général dans un bâtiment quelconque du nord de Téhéran. Son directeur est un ancien ingénieur du pétrole.

Cependant, Khatam est demeuré pendant tout ce temps une opération essentiellement militaire. « Je ne suis pas autorisé à vous dire quoique ce soit », a affirmé Mohammadreza Rajabalinejad, ingénieur civil qui était rédacteur en chef du magazine. Un haut responsable des Gardiens a récemment déclaré à la presse iranienne que 70% des activités de Khatam étaient de nature militaire. Khatam a refusé de faire des commentaires.

La raison première de l’entrée dans le monde des affaires des Gardiens était aussi bien économique que politique : les soldats tout juste démobilisés et souvent amers avaient besoin d’un nouveau travail et le gouvernement, de peur de troubles, voulait les occuper. Tandis que Khatam et les autres entreprises continuaient de se développer, ils ont aidé à générer des fonds pour le compte des Gardiens et ont permis aux fidèles du régime de s’enrichir libres de toute surveillance du parlement ou de tout organe étatique.

Les Gardiens sont sous les ordres non pas du gouvernement mais de l’autorité suprême en Iran, l’ayatollah Ali Khamenei. Ses unités commerciales ne publient aucun rapport. Son budget reste secret.

Bien que leurs activités se concentrent sur des travaux à l’intérieur de l’Iran, Khatam et les autres entreprises des Gardiens en ont effectué à l’étranger. Ils ont participé à la construction d’une route dans l’ouest de l’Afghanistan après la chute des Talibans, lorsque le gouvernement de Hamid Karzai soutenu par les USA a demandé l’aide étrangère. M. Sazegara affirme que l’organisation est profondément impliquée dans le trafic de produits étrangers vers l’Iran.

Les Gardiens ont fait la première démonstration éclatante de leur tactique commerciale radicale en mai 2004. Ils ont alors évincé une société turque qui avait un contrat pour la direction du nouvel aéroport international Imam Khomeiny d’Iran. Des soldats et des voitures blindées se sont incrustés pendant la grande inauguration et ont bloqué la piste. Un avion qui était sur le point d’atterrir a dû être détourné et tous les vols suivants ont été annulés.

Les Turcs ont fui. « C’était une journée horrible et incroyable », a déclaré Erken Ozber, directeur de la société turque, Tepe-Akfen-Vie. Quelques mois plus tard, l’aéroport a rouvert ses portes sous la direction des Gardiens de la Révolution et d’organisations d’Etat iraniennes.

Ce fiasco n’a pas affaibli l’enthousiasme des compagnies étrangères en quête d’opportunités dans le secteur de l’énergie iranien. L’Iran détient les plus grandes réserves en gaz naturel du monde après la Russie et, selon la BP Statistical Review, ses gisements en pétrole sont les deuxièmes seulement au monde après l’Arabie Saoudite.

La compagnie norvégienne Aker Kvaerner fait partie des sociétés à la recherche de nouvelles perspectives. Elle a pris la tête d’un consortium en 2004 qui, selon les hauts responsables iraniens, inclut Khatam, le service appartenant aux Gardiens de la Révolution. Début 2005, ce consortium a conclu un marché pour participer à l’exploitation du champ de gaz géant de South Pars en Iran, dans le Golfe Persique.

Les Norvégiens se sont fait descendre en flammes dans leur pays pour s’être associés avec les Gardiens, dont le réseau impitoyable de prisons est bien connu en Iran. Dans un journal d’Oslo, on pouvait lire en gros titres « L’Alliance avec l’armée de la torture ». Le directeur général de la société a écrit une lettre pour défendre son opération en Iran. De toute manière, le marché a mal tourné avant même que les derniers termes du contrat aient pu être établis. La société norvégienne refuse de divulguer ce qui a fait échouer le projet.

Oriental Oil, la société actuellement au centre de l’affaire de la plateforme, désirait également participer au projet du champ de gaz. Une de ses sociétés sœurs a formé une société en nom collectif avec une filiale de Halliburton Co. de Houston. Bien que Washington empêche strictement les compagnies et les citoyens américains de faire des affaires avec l’Iran, la loi n’interdit pas les citoyens non américains de travailler pour des filiales étrangères, comme cela a été le cas pour cette branche de Halliburton.

Oriental Oil, qui a des bureaux à Dubaï et à Téhéran, avait tout l’air d’une bonne affaire à l’époque, en 2004. Son propriétaire majoritaire, Mehrdad Akbar Safdari, était un ancien combattant dans la guerre de l’Iran contre l’Irak. Les gens qui le connaissent disent qu’il a des liens étroits avec les Gardiens, mais aussi avec les forces politiques plus modérées alors à la tête de l’Iran. Un de ses associés, Cyrus Nasseri, ancien ambassadeur iranien aux Nations Unies à Genève, qui avait fait des études pendant un certain temps dans le Kentucky et qui parlait aussi bien anglais que français, entretenait lui aussi des liens particuliers avec les Gardiens. Il avait gagné la confiance de l’élite du gouvernement iranien en participant aux pourparlers sur la fin de la guerre Iran-Irak en 1988.

Oriental est également entré dans le marché des plateformes offshore. Il louait des plateformes de forage dans l’intention de les relouer, avec une majoration, à la compagnie pétrolière nationale iranienne.

Oriental louait deux plateformes, la première à une société pétrolière d’Etat roumaine et l’autre d’une compagnie roumaine privée qui achetait les plateformes de la société d’Etat. Le prix, fixé à 40 000 dollars par jour, est désormais une véritable aubaine puisque les tarifs ont quasiment triplé depuis. La société privée roumaine a ensuite accepté de louer une troisième plateforme à Oriental.

Pour régler les détails de la transaction, Oriental a fourni une lettre de crédit par l’intermédiaire d’une banque d’Etat iranienne, Bank Saderat. Le groupe Crédit Suisse en Europe a accepté de travailler avec cette banque pour procéder aux paiements des loyers.

Fin 2004, Oriental et Halliburton ont commencé à faire des bénéfices. Oriental a remporté un contrat de 307 millions de dollars pour exploiter deux phases du champ de gaz. C’était « une période très joyeuse », se souvient le directeur général d’Oriental à Dubaï, Khosrow Arabi.

Mais les vents politiques à Téhéran étaient en train de changer. Les conservateurs venaient de remporter les élections parlementaires. Puis en juin 2005, l’Iran a élu comme président M. Ahmadinejad, lui-même ancien Gardien de la Révolution. Il avait fait campagne en promettant de faire disparaître ce qu’il qualifiait de « mafia du pétrole » en Iran.

En tant que président, il a pris des mesures contre les sociétés proches de son prédécesseur plus modéré. Les médias d’information affiliés aux Gardiens et aux autres radicaux ont commencé à dénoncer Oriental Oil, et particulièrement son propriétaire minoritaire, le diplomate M. Nasseri. L’agence de presse Fars a soutenu que M. Nasseri « avait accès aux informations les plus secrètes du pays en tant que membre de l’équipe de négociation iranienne et traitait en même temps directement avec la compagnie américaine Halliburton, qui était autrefois dirigée par Dick Cheney ».  Certains grognaient à propos d’un marché qui a échoué depuis qu’il avait négocié et par lequel l’Iran acceptait de suspendre l’enrichissement d’uranium. Interrogé sur cet épisode, M. Nasseri a répondu qu’il ne discuterait pas de « mensonges et de rumeurs ».
 
Rapidement, l’Iran a annoncé qu’une enquête était ouverte sur Oriental Oil pour corruption. La société d’Etat pétrolière, invoquant la corruption pour prétexte, a annulé l’offre gagnante d’Oriental Oil pour l’exploitation du champ de gaz de South Pars.

A ce stade, Halliburton a rompu tout contact avec Oriental. Halliburton affirme n’avoir jamais signé de contrat final. M. Arabi, directeur d’Oriental à Dubaï, se remémore : « Nous nous battions contre tout le monde. Nous avions des problèmes partout ».

Oriental, cependant, avait encore quelque chose dont l’Iran avait besoin : les contrats de bail pour plusieurs plateformes étrangères de forage en mer, dont les trois Roumaines.

La pénurie de plateformes de forage a toujours été un handicap pour l’Iran et a enrayé ses efforts pour augmenter sa production de pétrole, qui demeure bien en dessous du niveau avant la révolution de 1979. La loi américaine écarte les entrepreneurs pétroliers américains, les plus grands dans ce domaine.

Privé de ses plus grands projets, Oriental Oil s’est alors accroché à ses plateformes pour survivre. Mais sa main a doucement commencé à glisser.

En février, Crédit Suisse a annoncé qu’il abandonnait son rôle dans le paiement du bail en coopération avec la banque iranienne Saderat, et ce en raison des pressions des Etats-Unis sur les banques européennes pour qu’elles mettent un terme à leur coopération avec les banques iraniennes. Le porte-parole de Crédit Suisse a refusé de faire des commentaires à ce sujet mais a déclaré que la banque opérait un « retrait contrôlé » de ses affaires avec ses entreprises clientes ayant des liens avec l’Iran et avait décidé à la fin de l’année dernière de refuser de nouvelles transactions avec l’Iran. Il a cité « une augmentation des risques politiques et financiers » et un désir « de sauvegarder notre réputation ».

Le département au Trésor américain, accélérant sa campagne pour faire pression sur l’Iran, a annoncé le mois dernier qu’il interdisait la Bank Saderat de tout accès direct ou indirect au système financier américain. Le Trésor a avancé que l’Iran s’était servi de cette banque pour transférer 50 millions de dollars à un groupe contrôlé par le Hezbollah.

Cependant, la campagne américaine, en raison de la pression exercée contre Oriental Oil, pourrait finir par soutenir ceux que l’on considère comme les premiers alliés du Hezbollah : les Gardiens de la Révolution.

Le propriétaire roumain des plateformes de forage, Grup Servicii Petroliere SA, a déclaré qu’il ne pouvait continuer à louer les plateformes à Oriental maintenant que Crédit Suisse s’était retiré. Gabriel Comanescu, président de la société roumaine, s’est également plaint du non-paiement de plusieurs factures. En avril, il a mis fin aux contrats de bail et exigé ses plateformes en retour. Oriental, affirmant pouvoir trouver une banque de remplacement, a bien fait comprendre qu’il n’avait pas l’intention d’abandonner les plateformes. Les arguments et contre arguments des deux camps sont désormais examinés par un tribunal arbitral à Paris.

Oriental, troublé aussi bien par des problèmes politiques dans son pays que par des contretemps bancaires à l’étranger, a décidé que la seule solution était de vendre son affaire, selon M. Arabi. « Ce sont eux qui ont gagné », a-t-il dit, en référence aux responsables politiques radicaux iraniens et aux médias qui, selon lui, étaient derrière la campagne contre Oriental. L’Iran a soudainement abandonné les accusations de corruption contre la société.

Par ailleurs, les Gardiens de la Révolution avaient quant à eux le vent en poupe. Le nouveau gouvernement d’Iran leur avait donné le premier rôle dans l’exploitation de deux phases du champ de gaz : le même projet antérieurement attribué au consortium mené par les Norvégiens. Les Gardiens ont également remporté un contrat de construction de gazoduc, plus un contrat d’expansion du système de métro à Téhéran.

Ses avancées n’ont pas été sans problèmes, reflétant la rivalité des centres de pouvoir qui caractérise l’Iran aujourd’hui. Les membres réformistes du parlement ont écrit au président Ahmadinejad en se plaignant de contrats « no-bid » et de prêts à des taux inférieurs accordés aux Gardiens. De plus, le parlement a fait barrage à la tentative de M. Ahmadinejad de nommer un vétéran des Gardiens ministre du Pétrole.

Cependant, lorsque Oriental Oil s’est retiré et a décidé de se proposer à la vente, l’unité de construction des Gardiens est rapidement devenue le premier candidat à son rachat, en compétition avec un associé de la compagnie pétrolière d’Etat et d’autres.

Les USA se méfient beaucoup des Gardiens de la Révolution mais pensent que si les banques étrangères cessent de faire affaires avec les firmes iraniennes, alors les éléments radicaux du pays disparaîtront un jour. « Tandis que ceux qui bénéficient actuellement de l’intégration iranienne dans l’économie mondiale sont ceux qui se sentiront le plus isolés, ils sont également dans la meilleure position pour persuader le régime que sa voie actuelle va gâcher le futur du peuple iranien », a déclaré Stuart Levey, sous-secrétaire d’Etat pour le Terrorisme et le Renseignement financier.

En Roumanie, M. Comanescu, qui a annulé les baux des plateformes de forage lorsque le système bancaire a cessé d’assurer le paiement de ceux-ci, a mis en place un plan pour récupérer ses trois plateformes. L’une était en-dehors de l’Iran pour réparations, ce n’était donc pas difficile. Mais les deux autres étaient amarrées dans les eaux iraniennes dans le Golfe Persique. 

En juin, M. Comanescu a envoyé trois remorqueurs pour tracter l’une d’elles, l’Orizont. Mais ceux-ci ont fait demi-tour après que la société pétrolière d’Etat iranienne leur en ait donné l’ordre.

En août, il a refait une tentative, cette fois-ci avec l’autre plateforme, et a eu plus de succès. Les remorqueurs l’ont emmenée des eaux iraniennes vers celles des Emirats Arabes Unis. L’Iran a qualifié cette initiative de détournement et a déclaré que les hauts responsables du pétrole avaient été malmenés et détenus en otages. Ian Bahn, un Britannique qui supervisait l’opération, a qualifié ces accusations d’absurdités, affirmant que les hommes soi-disant détenus en otages « souriaient, riaient et plaisantaient avec nous ».

Il ne restait alors qu’une plateforme roumaine, l’Orizont, encore dans les eaux iraniennes. Un tribunal iranien a ordonné qu’elle ne bouge pas.

Le 22 août, des navires se sont une fois de plus approchés de la plateforme, mais cette fois ce n’était pas des remorqueurs. Il s’agissait de bateaux iraniens, et leurs occupants avaient des pistolets, selon le chef de la plateforme, M. Petcu. Il affirme que les Iraniens se sont introduits de force à bord.

M. Petcu avance qu’après que les forces iraniennes aient rassemblé tous les Roumains sur l’hélisurface, les intrus ont commencé à chercher des documents, à regarder dans les ordinateurs, les placards et même dans le réfrigérateur.

Des photographies prises par les Roumains montrent deux vaisseaux iraniens. Il y avait un grand bateau de patrouille du type de ceux utilisés par la marine iranienne et un autre plus petit et banalisé qui, selon les experts, semblait appartenir aux Gardiens de la Révolution.

Le gouvernement iranien, qui avait accusé Oriental Oil de corruption dans le passé, s’est alors rallié pour défendre l’application de ses contrats relatifs aux plateformes. Le ministère des Affaires étrangères a déclaré que la police avait embarqué sur l’Orizont pour ne pas que la plateforme soit déplacée sans autorisation légale et pour empêcher ainsi un « second vol » d’avoir lieu. Après un jour d’échanges mouvementés entre Téhéran et Bucarest, le président Ahmadinejad a téléphoné au président roumain pour lui assurer que l’Iran n’avait aucune intention hostile, simplement des intérêts commerciaux.

Aujourd’hui, M. Nasseri, le diplomate qui était la cible de la campagne contre Oriental, affirme avoir vendu sa part de 10% dans Oriental. Il a refusé de dire à qui. « Je suis las », dit-il. « Je veux juste mener une vie normale et confortable. »

Huit semaines après le raid de la plateforme, celle-ci flottant encore dans le Golfe Persique, l’Iran a retiré la plupart de ses hommes armés mais occupe toujours la plateforme. M. Comanescu, le directeur roumain, affirme que son personnel à bord de la plateforme a pu identifier les cinq Iraniens toujours sur place. Selon lui, deux sont des policiers armés, un est un représentant d’Oriental Oil, un est un représentant de la société d’Etat pétrolière iranienne et le dernier est un officier armé du renseignement des Gardiens de la Révolution. « Nous sommes pris au beau milieu d’un grand combat iranien. C’est là notre tragédie », dit-il.

« J’aimerais que mon plus grand ennemi se retrouve dans la situation où je suis actuellement », ajoute le patron roumain. « Croyez-vous que les Gardiens de la Révolution ont fait la … Harvard Business School ? »

Publié le 14 octobre 2006 ; Page A1