Le procès de quatre terroristes iraniens s’est poursuivi en Belgique avec une deuxième audience le 3 décembre 2020. Les faits de base avaient été exposés dans l’acte d’accusation le vendredi précédent. Les procureurs avaient identifié les explosifs fournis à un couple irano-belge par le diplomate Assadollah Assadi. Celui-ci leur avait donné pour instruction de les transporter en France et sur le lieu du rassemblement « Free Iran 2018 ». La deuxième audience du procès a permis de clarifier la stratégie de défense d’Assadi, le cerveau du complot terroriste.
Assadi lui-même n’a comparu à aucune des auiences. Cette décision semble avoir été calculée, visant à signaler son refus de reconnaître l’autorité du tribunal. Cela s’est également reflété dans les remarques formelles de ses avocats. Ces derniers n’ont pas consacré beaucoup d’énergie à contester le complot. Ils se sont plutôt attachés à agiter de manière obsessionnelle le statut diplomatique d’Assadi.
Jusqu’à son arrestation le 1er juillet 2018, Assadi était le troisième conseiller de l’ambassade iranienne à Vienne. Cela lui conférait une immunité diplomatique contre toute arrestation ou poursuite en Autriche. Mais le complot de 2018 a été contrecarré par une opération impliquant plusieurs services européens. Les déplacements d’Assadi avaient été mis sous surveillance et il a été arrêté alors qu’il se trouvait en Allemagne. Il a ensuite été extradé vers la Belgique malgré les objections des autorités iraniennes.
Impunité diplomatique
Le régime iranien semble avoir adopté à peu près la même position qu’Assadi et son équipe juridique. Ils ont tous fait valoir, à leur manière, que l’immunité diplomatique du défendeur devait s’étendre au-delà des limites de son poste. Ils s’imaginaient sans doute qu’elle devait englober l’ensemble de l’Union européenne, voire le monde entier. Ni Assadi ni son contact à Téhéran ne semblent disposés à reconnaître l’implication dans un complot terroriste comme une raison majeure de la levée de l’immunité. Son équipe juridique a officialisé sa position dans une stratégie qui semble viser à le faire renvoyer en Iran sans délai.
Avec leur interprétation de l’immunité diplomatique, on peut dire que les avocats d’Assadi présentent une doctrine qui se rapproche de « l’impunité diplomatique ». Ils soutiennent littéralement qu’une fonction officielle dans les réseaux diplomatiques iraniens constitue une protection générale contre les conséquences juridiques, indépendamment des méfaits commis par un individu au nom du régime.
Cela décrit précisément la situation en ce qui concerne le complot terroriste de 2018. Les poursuites belges ont particulièrement insisté sur le fait qu’Assadi et ses co-conspirateurs agissaient entièrement sur ordre des autorités iraniennes. Le Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI), qui oganisait le rassemblement visé par ce complot, a publiquement affirmé que le Guide suprême du régime, Ali Khamenei, et le Président Hassan Rohani avaient tous deux personnellement ordonné des attaques contre des personnalités de l’opposition à l’étranger.
Défense boiteuse
Sans surprise, Téhéran a refusé de reconnaître la complicité de ses plus hautes autorités. Mais il a également fait peu d’efforts pour réfuter ces liens. Cela n’est guère surprenant compte tenu de la stratégie de défense d’Assadi. Le traiter d’agent secret ou nier ses liens avec la direction du régime serait saper le principe central des revendications d’immunité. Afin de justifier sa défense, les agents d’Assadi doivent au moins reconnaître tacitement que ses actions ont été entreprises à leur connaissance, même sur leurs ordres.
C’est une stratégie déroutante sur laquelle Assadi et ses hommes de main se sont mis d’accord, mais elle n’est pas sans précédent. Les critiques sérieux du régime iranien pourraient même dire que les allégations d’impunité de Téhéran ne font que refléter ses attentes après quatre décennies de complaisance de l’Occident.
Une première
Assadi est le premier diplomate iranien à être officiellement poursuivi pour son rôle dans des activités terroristes, mais il n’est pas le premier à être soupçonné d’un tel rôle. La pire conséquence à laquelle ces agents ont généralement été confrontés est leur expulsion vers l’Iran. Là, ils ont été accueillis en héros et remis au travail dans des rôles de soutien au sein de l’infrastructure terroriste du régime. Mais aujourd’hui, il semble pratiquement certain qu’un diplomate iranien de haut rang sera condamné pour avoir planifié un attentat terroriste, et qu’il risque jusqu’à 20 ans de prison.
La seule question qui se posera alors est de savoir s’il s’agira d’une exception ponctuelle ou si elle marquera la fin de l’impunité à laquelle Téhéran et ses agents s’attendent. Dans ce dernier cas, le régime iranien en viendra, espérons-le, à regretter son pari sur la doctrine de l’impunité diplomatique. En refusant de désavouer Assadi, ses manipulateurs n’ont fait que confirmer les propos des procureurs belges sur le complot terroriste de 2018 et son statut d’opération officielle des services de renseignement iraniens.
Dans ces circonstances, la condamnation d’Assadi soulèvera de sérieuses questions sur les mesures supplémentaires que la communauté internationale devra prendre pour exiger que les responsables du terrorisme iranien répondent de leurs actes. Quelles que soient ces mesures, une chose est claire : cette responsabilité ne peut pas s’arrêter aux participants directs au complot terroriste de 2018. Elle doit s’étendre à l’ensemble du régime iranien.