France Info, 20 avril – Le 8 avril dernier les forces de sécurité irakiennes ont attaqué le camp d’Achraf au nord de Bagdad, camp dans lequel vivent plusieurs milliers de réfugiés. Il s’agit d’opposants au régime iranien. Le raid a fait 34 morts et plus de 300 blessés.
Michel Zerr bonjour. Avant de revenir sur ces événements particuliers, une question tout d’abord: pourquoi il y a-t-il des réfugiés iraniens sur le territoire irakien?
Michel Zerr : il s’agit des Moudjahidine du peuple iranien qui ont d’abord combattu le régime du chah d’Iran, puis celui des mollahs après la révolution, et qui ont trouvé refuge en Irak au début des années 80 à l’invitation de Saddam Hussein qui était alors en guerre contre Téhéran. Le camp d’Achraf a vu le jour en 1986 à une centaine de kilomètres au nord de Bagdad, pas très loin de la frontière avec l’Iran. Après l’invasion américano-britannique en 2003 le camp a été totalement désarmé et les Etats-Unis ont placé les réfugiés sous le statut de personnes protégées. En fait la situation a commencé à se compliquer sérieusement pour les quelques 3500 réfugiés à partir de 2009 lorsque l’armée américaine à transférer le contrôle du camp aux autorités irakiennes. Autorités qui souhaitent démanteler le camp et renvoyer les Moudjahidine en Iran.
France Info : Et donc aujourd’hui ces moudjahidines réclament deux choses: d’abord que les Nations unies mènent une enquête sur ce raid meurtrier du 8 avril, et ensuite que les forces américaines assurent la protection de ce camp.
Michel Zerr : Le Conseil national de la Résistance iranienne réclame en effet que le Conseil de sécurité nomme un représentant pour mener une enquête indépendante et que les Américains assument leur rôle de protection.
Ecoutez les explications de Me Patrick Baudoin, l’un des avocats du camp d’Achraf:
Patrick Baudoin: Il faut rappeler qu’il y a eu une intervention américaine en Irak et les Américains ont une responsabilité toute particulière de protection des populations irakiennes. Les Américains dans ce contexte ont pris la responsabilité affirmée de protéger les résidents du camp d’Achraf. Aujourd’hui les Américains se préparent à quitter l’Irak et il ne faudrait pas qu’en partant ils laissent les ressortissants du camp d’Achraf à leur triste sort. Or, les Etats-Unis disposent, on le sait très bien, encore de moyens de pression important vis-à-vis des autorités irakiennes pour exiger que les ressortissants du camp d’Achraf soient protégés et qu’ils ne puissent pas – comment cela a été le cas il y a quelques jours – faire l’objet d’une attaque qui a entraîné la mort de plus de 34 personnes outre de nombreux blessés.
On vient d’entendre Me Patrick Baudoin. Quel est le rôle de Téhéran dans cette affaire? Est-ce que les autorités iraniennes ont été d’une façon ou d’une autre partie prenante dans l’attaque du début du mois?
Michel Zerr : Oui c’est ce que disent les Moudjahidine. Ils affirment que des milices iraniennes étaient présentes en appui des forces irakiennes.
On écoute François Serres, l’un des avocats de l’organisation:
François Serres : nous savons depuis la re-désignation de Maliki comme premier ministre, que la question d’Achraf est véritablement un enjeu majeur pour les autorités iraniennes. Aujourd’hui nous savons également, par les informations mais également des vidéos et des informations qui nous sont parvenues du terrain, que les militants de la force Qods étaient présents sur le terrain. D’ailleurs ils ont depuis des mois maintenu une situation de torture psychologique et morale fondamentale contre les résidents du camp d’Achraf. Ils étaient aujourd’hui présents sur le terrain pour les réprimer avec les forces irakiennes à leur côté. Ce qui me paraît vraiment grave pour la communauté internationale, c’est de voir que ce pays – dont on voulait saluer le renouveau démocratique- assure la présence sur son territoire et en violation de sa souveraineté, des forces militaires et paramilitaires iraniennes qui ne sont là que pour détruire le camp d’Achraf. Alors que la communauté internationale développe un soutien pour le printemps arabe, il me paraît important qu’il achève et développe le soutien au-delà et que véritablement le printemps iranien devienne aujourd’hui un enjeu majeur pour cette région du monde et que la communauté internationale doit se mobiliser pour la protection du camp d’Achraf. C’est un enjeu majeur de politique étrangère aujourd’hui.
Justement Michel Zerr à quoi faut-il s’attendre autour de ce camp d’Achraf?
Michel Zerr: Eh bien les craintes sont que la communauté internationale ne bouge pas ou réagisse du bout des lèvres et que le camp d’Achraf soit simplement détruit une fois que les troupes américaines auront quitté les lieux c’est-à-dire dans deux mois.